Intervention de Eléonore Caroit

Réunion du mercredi 4 octobre 2023 à 15h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEléonore Caroit, présidente :

Je tiens à excuser notre président Jean-Louis Bourlanges, qui a dû s'absenter en raison d'un impératif personnel dont il se serait volontiers passé.

Nous recevons aujourd'hui la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, afin qu'elle éclaire notre commission sur certains développements de l'actualité internationale. Madame la ministre, je vous remercie d'avoir aménagé un agenda particulièrement chargé, puisque vous étiez hier en Arménie et avant-hier en Ukraine.

Nous devions évoquer les événements en cours au Niger et au Gabon, ainsi que la situation en Afrique occidentale et sahélienne mais ce qu'il s'est passé au Haut-Karabagh a bouleversé notre agenda. De nombreux membres de la commission ont souhaité profiter de votre retour d'Erevan pour faire le point sur ce sujet.

Le véritable nettoyage ethnique en cours au Haut-Karabagh et les menaces à peine voilées proférées à l'encontre de l'intégrité territoriale de l'Arménie nous choquent profondément, comme elles choquent nombre de nos concitoyens. Amie fidèle de l'Arménie, la France s'est démenée pendant des mois pour tenter de trouver une solution à la crise humanitaire provoquée par le blocus du corridor de Latchine, ainsi que des réponses à la question diplomatique que pose l'Azerbaïdjan. Vous vous êtes rendue sur place et nous savons que notre diplomatie est à l'œuvre, à New-York, à Bruxelles et ailleurs, pour garantir l'intégrité territoriale de l'Arménie et protéger ses populations, qui aspirent à vivre en paix.

S'agissant du volet africain de cette audition, les coups d'État qui ont eu lieu dans des pays avec lesquels la France entretenait des relations fortes et étroites interrogent quant à leur interprétation.

Au Niger, le général commandant la garde présidentielle a engagé le 26 juillet dernier un putsch contre le président Bazoum, démocratiquement élu en 2021. Cet événement a profondément déstabilisé le dispositif français de lutte contre le terrorisme au Sahel, qui avait été réarticulé après le retrait contraint du Mali.

Depuis cet été, la France soutient les efforts fournis par la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), afin de favoriser un retour à l'ordre constitutionnel au Niger. L'option militaire, sans être privilégiée, ne semble pas exclue ; sans doute pourrez-vous nous en dire davantage.

À mesure que l'action des putschistes se poursuit, notre pays se retrouve de plus en plus ciblé, servant de bouc émissaire. Ainsi, les cinq accords bilatéraux de coopération en matière de sécurité et de défense ont été dénoncés unilatéralement par les putschistes, qui instrumentalisent les manifestations ayant lieu contre nos forces présentes sur place. De plus, notre ambassadeur, dont je salue l'abnégation et la résilience, a été déclaré persona non grata.

Après avoir opposé une fin de non-recevoir aux injonctions des putschistes, le président de la République, tirant les conséquences d'une situation d'enlisement, a annoncé le 24 septembre dernier le retour à Paris de notre ambassadeur, ainsi que le retrait des forces françaises stationnées au Niger d'ici à la fin de l'année. Sur ces deux points, madame la ministre, nous aimerions que vous nous apportiez des précisions.

Un autre coup d'État est survenu, au Gabon, le 30 août. Je ne ferai pas de parallèle entre les deux événements, puisque la réélection du président Bongo suscitait de nombreux doutes et que la population gabonaise aurait peut-être remis en cause les résultats officiels. Le général commandant la garde républicaine et la junte ont eu beau jeu de faire valoir que l'armée gabonaise se devait de préserver la paix civile.

À la différence de ce qui s'est produit au Niger et dans d'autres pays du Sahel – exception faite de la Guinée –, le Gabon n'a pas connu de manifestations hostiles à l'égard de la France ni de revendications visant les symboles de l'État français, ancienne puissance coloniale mais surtout pays ami, qui prodigue un soutien substantiel face aux défis colossaux que rencontrent ces pays.

Malgré tout, après les événements s'étant produits au Mali, en Guinée et au Burkina Faso, les putschs au Niger et au Gabon semblent traduire un phénomène de fond touchant ces populations, qui se veulent davantage maîtres de leur destin. Cette aspiration n'a peut-être pas été suffisamment décelée par la France ; votre point de vue sur ce sujet nous intéresse. Des inquiétudes semblent légitimes concernant d'autres pays comme le Cameroun, le Congo ou le Tchad. Pour autant, tout ne semble pas désespérant, comme le montre le cas du Sénégal, dont le président a renoncé avec sagesse à un troisième mandat.

Madame la ministre, notre commission est impatiente de connaître la lecture que vous faites, ainsi que notre réseau diplomatique, des derniers événements qui ont marqué le continent Ouest-africain.

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