Intervention de Emmanuel Taché de la Pagerie

Réunion du mercredi 4 octobre 2023 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuel Taché de la Pagerie, rapporteur :

L'endométriose est une maladie gynécologique fréquente, qui concerne une femme sur dix. Elle est liée à la présence hors de l'utérus de tissus semblables à la muqueuse utérine ; différents organes peuvent être touchés. La maladie peut être asymptomatique ou provoquer des douleurs fortes, notamment au moment des règles. Elle peut aussi être cause d'infertilité – les chercheurs tentent de comprendre par quels mécanismes. Telle est la définition de l'endométriose selon l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

Au moins 2 millions de femmes en France seraient affectées par cette maladie chronique, à ce jour incurable – elles seraient 14 millions en Europe et 190 millions dans le monde. À l'issue des auditions, nous avons en effet toutes les raisons de penser que les chiffres sont sous-évalués, tant le diagnostic est défaillant. Notre pays n'a pas pris la mesure de l'enjeu de santé publique majeur que constitue l'endométriose, et nous sommes plusieurs à le déplorer, où que nous siégions.

Toujours selon l'Inserm, près de dix ans d'errance médicale passent avant qu'un diagnostic soit posé. Pourtant, rien ne permet de relativiser la souffrance des femmes qui endurent cette maladie au quotidien. Certes, toutes n'ont pas les mêmes symptômes et il arrive que l'endométriose passe inaperçue, ou presque. Mais lorsque la douleur vous cloue au lit, que vous êtes dans l'incapacité d'aller au lycée, à l'université, de travailler, de gérer le quotidien, d'accueillir vos amis ou de mener un projet parental, l'endométriose est un poison, dont la réalité est largement minimisée ou niée, par méconnaissance, ignorance ou poncifs paternalistes obsolètes. Au travail, les formes graves de l'endométriose peuvent donner lieu à trente-trois jours d'arrêt par an, en moyenne. Pour un couple, la maladie se traduit par la difficulté, voire l'impossibilité de concevoir un enfant : elle est la première cause d'infertilité en France et touche entre 20 % et 68 % des femmes dites hypofertiles. L'endométriose, c'est aussi la douleur pendant les rapports sexuels, l'irritabilité, la dépression, voire les pensées suicidaires.

Cette proposition de loi entend rendre visible un invisible qui pourrit la vie de millions de femmes. En trois articles, je vous propose de changer leur vie, de l'améliorer et de prendre ainsi nos responsabilités de législateurs en répondant à un enjeu majeur de santé publique.

L'article 1er prévoit de créer ex nihilo un statut d'affection de longue durée (ALD) exonérante pour les femmes souffrant d'endométriose. L'instruction signée par le ministre de la santé et de la prévention le 27 septembre 2023 l'indique bien : « l'expression de l'endométriose est variable d'une personne à l'autre, pouvant se manifester par d'intenses douleurs, ou être complètement asymptomatique ». Le cadre actuel de l'ALD 30 n'est pas pertinent, puisqu'il suppose l'inscription sur une liste par le Gouvernement. De plus, la proposition de résolution adoptée à l'unanimité le 13 janvier 2022, que mon groupe a soutenue, n'a pas été appliquée et n'a pas non plus incité l'exécutif à s'en saisir concrètement. Depuis, le Gouvernement a lancé une stratégie nationale de lutte contre l'endométriose, en date du 14 février 2022. Il ressort des auditions que l'étude de cette proposition de résolution à l'Assemblée nationale aurait contribué à en accélérer la rédaction et l'annonce du bilan – celui-ci aurait dû être rendu en août dernier. Le cadre actuel de l'ALD 31 n'est pas non plus satisfaisant, puisqu'en 2022, seules 13 472 femmes atteintes ont obtenu ce statut, soit une part infime et insuffisante.

Que signifie concrètement la création d'une ALD exonérante ? Des frais de santé pris en charge à 100 %, toujours dans la limite du plafond de remboursement de l'assurance maladie ; des frais de santé en rapport avec cette ALD qui n'auront pas à être avancés ; des frais de transport pris en charge ; pas de délai de carence en cas d'arrêts de travail successifs. C'est la fin du parcours du combattant pour les femmes, la fin des divergences d'appréciation des médecins-conseils de la sécurité sociale, responsables de fortes disparités territoriales – la direction générale de l'offre de soins le reconnaît.

L'article 2 vise à reconnaître aux femmes atteintes d'endométriose qui le souhaitent la qualité de travailleur handicapé. Une telle reconnaissance est actuellement subordonnée à une décision des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Le texte répond ainsi à une attente des associations – je tiens à remercier celles que j'ai entendues pour la qualité et l'efficacité de nos échanges. Endomind, l'une des principales associations de patientes, s'est ainsi exprimée : « l'inscription de l'endométriose sur la liste des ALD 30 s'impose comme une mesure nécessaire et légitime, qui participera à pallier les difficultés identifiées ».

Lorsqu'il s'agit de la santé des femmes, les controverses, les atermoiements et les attaques politiciennes ne sont pas dignes et n'ont pas lieu d'être. J'ai lu et entendu des propos qui, sur le fond et la forme, n'honorent personne. La présente proposition de loi s'inscrit dans la continuité de la lettre que Marine Le Pen a adressé aux Françaises, le 7 mars 2022. Personne n'est propriétaire de ce sujet, dont nous souhaitons accélérer la réelle prise en charge. J'ai bien noté les différentes propositions qui émanent de l'ensemble des groupes de l'Assemblée nationale, et je vous appelle simplement et amplement à concrétiser cette volonté d'action commune, et à « faire le dernier kilomètre ».

Parce que l'action gouvernementale a été insuffisante, parce que le Gouvernement tient actuellement un comité de pilotage en extrême urgence afin de dissimuler son inaction et sa lenteur, nous engageons, comme mon groupe l'a fait au Parlement européen, cette demande sincère de prendre notre responsabilité de législateur. À ceux qui parlent d'opportunisme, je réponds opportunité, avec ce texte, de faire concrètement avancer la cause des femmes, mais aussi de dépasser nos clivages et d'agir enfin concrètement en faveur des femmes. Oui, chers collègues, il vous faudra faire preuve de liberté individuelle et d'honnêteté personnelle, mais aussi renoncer aux postures politiciennes imposées par certains groupes politiques, pour franchement prendre votre part. En tant qu'élus du peuple, soutenons cette avancée majeure pour les femmes. Je vous remercie pour elles.

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