Intervention de Kévin Mauvieux

Réunion du mercredi 4 octobre 2023 à 17h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaKévin Mauvieux, rapporteur :

Je suis issu d'une famille modeste et, pendant mes études, j'ai travaillé comme caissier dans une grande surface les samedis, dimanches, jours fériés et pendant les vacances. Je ne travaillais pas pendant les heures de cours – j'ai réussi mes études –, mais je vous concède que j'ai failli le faire. J'aurais aimé, à l'époque, que l'État me verse l'équivalent d'une prime d'activité étudiante ou un complément de revenu garanti, afin de terminer les mois plus facilement.

Votre discours tient en fait de la pauvrophobie : il ne faut pas aider les pauvres qui travaillent, mais aider tout le monde, y compris ceux qui n'ont pas besoin de l'être. Ce n'est pas notre façon de voir.

Je vous remercie, madame Bergantz, pour vos propos courtois et argumentés, même si nous sommes en désaccord. Vous dites qu'un travail qui occupe trop de place dans un emploi du temps d'étudiant réduit les chances de réussir ses études. C'est un fait, nous l'avons constaté au cours des auditions que nous avons menées et nous ne le remettons pas en cause. Le ministère de l'enseignement supérieur nous a confié qu'au-delà de 12 heures hebdomadaires, l'emploi étudiant réduit les chances de réussir ses études. Ce constat conforte notre proposition de loi, puisque ceux qui travaillent plus de 10 ou 12 heures par semaine le font grâce aux heures supplémentaires ou à des avenants aux contrats – c'est ce que je faisais pendant mes études. Et ils le font parce qu'ils ont besoin d'un complément de revenu. Lorsque vous êtes étudiant, que vous avez un contrat de 10 heures et que vous effectuez 5 ou 6 heures supplémentaires dans le mois, vous gagnez ce que notre complément de revenu propose de verser. Cette solution nous paraît être la bonne, car elle permet aux étudiants de se limiter à ces 10 ou 12 heures et leur évite de devoir recourir aux heures supplémentaires.

Vous avez également évoqué la question du rattachement au foyer fiscal des parents, que nous nous sommes également posée. Nous avons décidé d'exclure ce rattachement pour une raison simple : même s'il n'y a pas de chiffres officiels sur la précarité étudiante, il nous est apparu, lors de l'audition de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, que les parents qui conservent ce rattachement ont des revenus plus élevés et bénéficient de la part fiscale supplémentaire. A contrario, les étudiants issus de foyers modestes ou de la classe moyenne ont plutôt tendance à quitter le foyer fiscal familial s'ils ont un job étudiant. En effet, ce revenu supplémentaire, même s'il n'est pas imposable, joue dans le calcul des aides et peut empêcher les parents de percevoir certaines d'entre elles, comme l'aide personnalisée au logement (APL). Ainsi, j'avais dû quitter le foyer fiscal de mes parents, les 390 euros que je touchais chaque mois en moyenne leur faisant perdre le bénéfice de l'APL. Ce choix nous permet de nous assurer, indirectement, que ce sont ceux qui en ont le plus besoin qui touchent cette aide, et pas les autres.

Mme Rousseau nous a dit craindre que notre aide n'incite les étudiants à travailler. Je la rassure, ceux qui n'ont pas besoin de travailler ne vont pas gâcher leurs études à le faire, simplement parce que l'État leur propose un complément de revenu. Seuls ceux qui en ont besoin iront travailler et je vous assure que pour la majorité d'entre eux, c'est déjà le cas. On ne va pas pousser les jeunes à travailler, au contraire : on va les aider à le faire un peu moins, grâce à cette prime qui compensera le manque à gagner et leur permettra de s'investir davantage dans leurs études.

Plusieurs d'entre vous – MM. Valletoux et Sitzenstuhl, notamment – ont insisté sur les repas à 1 euro mis en place par le gouvernement Macron. S'il s'agit d'une avancée pour tous les étudiants qui ont accès à des restaurants universitaires, cela n'apporte rien à ceux qui vivent dans des zones moins urbanisées, qui n'ont pas d'établissement de ce type à proximité et qui ne peuvent compter que sur le fast-food ou le kebab du coin pour se restaurer. Ils doivent alors payer leur repas avec leur petit salaire étudiant et ne bénéficient d'aucune aide.

Étendre le principe de la prime d'activité aux étudiants reviendrait, peu ou prou, à notre proposition, sans créer de nouveau dispositif. Alors pourquoi pas, en effet ? Mais il faut également veiller à rétablir l'égalité entre les étudiants qui vivent en zones urbanisées et les autres, afin qu'ils puissent tous profiter de repas équilibrés, au même tarif. Ainsi, lorsque vous faites vos études à Rouen – je suis normand –, vous pouvez prendre des repas plutôt équilibrés au resto U, pour 1 euro. Lorsque, comme moi, vous êtes étudiant à Pont-Audemer, il n'y a pas de resto U et vous allez manger au kebab. D'un côté, vous dépensez – dans le meilleur des cas – 5 euros par repas, de l'autre, vous prenez 5 kilos par année d'études. Il faudrait donc réfléchir à cet aspect de la vie étudiante.

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