Intervention de Roch-Olivier Maistre

Réunion du mardi 20 septembre 2022 à 17h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Roch-Olivier Maistre, président de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique :

L'accès des journalistes aux manifestations sportives constitue un sujet important et nous sommes conscients des brèches à combler. Nous devons nous interroger sur la manière de permettre aux journalistes d'accéder dans des conditions normales aux manifestations sportives et de pouvoir en rendre compte. Nous sommes tout à fait prêts à travailler sur cette question avec le gouvernement et le Parlement.

Vous savez combien les Français sont demandeurs d'informations de proximité, d'où la présence des chaînes locales, qui constituent des réseaux fragiles sur le plan économique. Notre objectif est de parvenir à préserver l'équilibre du modèle avec, d'une part, une dimension de service public forte en régions à travers les réseaux de France 3 et France Bleu, présents sur l'ensemble du territoire, et, d'autre part, des modèles de radios et de télévisions privés diversifiés. Il est vrai que l'opérateur privé Altice déploie sa présence en régions, principalement dans les grandes agglomérations. Ces dossiers ont fait l'objet d'une instruction et, comme vous l'avez dit, nous n'avons autorisé que trois opérations sur les quatre demandées. Il est toutefois important de souligner que la représentation nationale a élargi les seuils en permettant à ces acteurs de développer leur présence en régions, et les autorisations que nous avons accordées respectent la limite des seuils de concentration fixés par le législateur.

Je suis circonspect quant à l'idée de créer une nouvelle entité juridique d'autorité indépendante qui serait chargée de suivre spécifiquement le financement de l'audiovisuel public. Le Parlement a souhaité doter la France, à travers la création de l'Arcom, d'un régulateur de la communication audiovisuelle et numérique moderne, large, puissant, qui dispose d'un bloc de compétences cohérent à l'égard du service public. Alors que nous sommes compétents sur les contrats d'objectifs, créer une entité distincte pour traiter de la question des moyens manquerait de cohérence. Le plus simple serait probablement de nous confier une mission supplémentaire, celle de rendre un avis annuel sur la dotation à envisager préalablement au débat parlementaire sur la loi de finances. Il serait éventuellement possible de transférer cette compétence à la Cour des comptes, à travers le Conseil des finances publiques, qui rend son avis chaque année sur le projet de loi de finances. Cet organe pourrait intégrer des membres de l'Arcom pour traiter spécifiquement la question du financement de l'audiovisuel public, même si cela me semble un peu complexe.

La préservation de l'environnement constitue désormais une préoccupation majeure dans notre pays. La loi climat et résilience a prévu la signature de contrats climat par tous les acteurs que nous régulons. L'Arcom rendra compte de la façon dont ces textes sont appliqués. Ces derniers, qui demeurent perfectibles, prévoient à la fois un engagement de nature éditoriale et un engagement sur la prise de mesures plus vertueuses, notamment en matière de publicité. Ils seront probablement enrichis et améliorés par la suite.

La mission de préservation du pluralisme nous occupe considérablement. Certains pensent que les règles appliquées relèvent d'une autre époque, sont trop complexes, et appellent à une libéralisation du système. Ce n'est pas à ma vision. En effet, la loi n'est pas écrite en ce sens. Ensuite, les chaînes hertziennes ont une force de frappe considérable en termes d'audience et c'est bien là que se déroule la vie politique. Or les médias ayant une appétence pour les sujets brûlants, si l'on ne dispose pas de garde-fous posés par le législateur, nous risquons de créer des déséquilibre manifestes. Ces règles ont été critiquées notamment sur la question de l'égalité stricte des temps de parole en temps de campagne présidentielle mais il est normal, au sein d'une démocratie, qu'un petit candidat dispose du même temps de parole que le président de la République. S'agissant de l'égalité stricte sur le temps d'antenne, on peut émettre des doutes, dans la mesure où elle peut empêcher des journalistes de couvrir l'actualité de façon exhaustive. Je tiens toutefois à rappeler que ces règles étant inscrites dans la loi, le régulateur ne peut opérer de changements de sa propre initiative. S'agissant des tranches horaires, la loi prévoit des conditions de programmation égales. Cette règle peut cependant poser problème. Par exemple, si un seul meeting a lieu sur une même tranche horaire, il ne sera pas concurrencé.

Concernant le temps de parole du président de la République, la jurisprudence du Conseil d'État en la matière est assez ancienne. Ce jugement opère une séparation entre le chef de l'État régalien et le président candidat. La frontière reste subtile, mais nous sommes rompus à l'exercice et nous l'avons bien mis en application lors de la dernière campagne présidentielle.

Nous disposons d'outils de sanction. Par conséquent, si une chaîne ne respecte pas ses obligations en matière de pluralisme, nous lui adressons une mise en demeure et, le cas échéant, nous pouvons la sanctionner. Ce type de procédure est très encadrée eu égard à la liberté d'expression et il faut qu'il y ait récidive sur l'objet de la mise en demeure pour que la chaîne soit sanctionnée. Nous avons d'ailleurs prononcé peu de mises en demeure au cours des dernières élections.

Je me suis déjà exprimé sur la question du piratage sportif et sur le conflit opposant TF1 et Canal+.

La protection des jeunes publics représente une mission historique de notre institution. Vous la connaissez notamment à travers la signalétique et l'autorisation de diffuser à certains horaires. Nous organisons des campagnes de sensibilisation à l'usage des écrans pour les plus petits et mettons en place des dispositifs de protection des mineurs à l'égard de la pornographie.

Nous sommes en train de finaliser, avec l'Agence nationale des jeux en ligne, nos textes conjoints, qui seront bouclés vers la mi-octobre, soit bien avant la Coupe du monde de football, ce qui était notre objectif. Ces textes font suite aux pratiques constatées pendant l'Euro et visent à limiter la pression publicitaire, protéger davantage les mineurs et améliorer la prévention.

À la suite de la suppression de France Ô a été conclu un pacte de visibilité des Outre-mer avec un comité de suivi intégrant la représentation parlementaire, qui doit d'ailleurs être actualisée, et dans lequel nous siégeons. Ce comité est très efficace pour maintenir la pression sur le groupe France Télévisions, qui fait de solides efforts en la matière. Nous devrions certainement exiger les mêmes efforts des chaînes privées. Le baromètre de la diversité publié annuellement constitue déjà un bon moyen de pression et de sensibilisation. Les chaînes de télévision d'Outre-mer se trouvent dans des situations fragiles, n'ont pas de modèle économique, notamment en termes de ressources publicitaires. Je rencontrerai prochainement le ministre des Outre-mer et lui soumettrai cette question.

Les plateformes de vidéo par abonnement ne sont pas seulement des acteurs concurrents, elles représentent une chance pour la création française. Les séries que nous produisons sont plébiscitées par nos concitoyens. Vous aurez noté que, sur les chaînes de service public comme sur les chaînes privées, les séries américaines, encore très présentes il y a quelques années, perdent du terrain aujourd'hui. La création française est pour ainsi dire entrée dans une forme d'âge d'or, d'abord grâce aux financements des plateformes de streaming, mais aussi grâce à leur diffusion dans le monde entier. À ce titre, la série Lupin a connu un grand succès à l'extérieur de nos frontières.

J'ai déjà répondu à la question de la place des femmes dans le paysage audiovisuel. J'aimerais terminer mon mandat en ayant atteint la parité. Nous avons la chance de disposer d'un audiovisuel public piloté par des femmes. La structure de management de France Médias Monde est, par exemple, plus que paritaire. Nous dialoguons chaque année avec les chaînes sur les thématiques de diversité au sens large du terme et des engagements d'amélioration potentiels pour l'année suivante. Nous prenons également des décisions particulières dans certains domaines, comme le sport féminin et nous avons initié chaque année un grand rendez-vous de sport au féminin, désormais plus présent à l'antenne.

Le combat de chaque instant pour la préservation de la langue française est loin d'être gagné. Nous participons à la semaine de la langue française et proposons des rendez-vous aux médias sur ce thème particulier. Nous intervenons régulièrement suite aux nombreuses interpellations de nos concitoyens. Il reste cependant un long chemin à parcourir.

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