Intervention de Sandra Marsaud

Réunion du mardi 26 septembre 2023 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandra Marsaud, secrétaire de la commission des affaires économiques :

Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence du président Guillaume Kasbarian, en déplacement à Berlin.

À la suite du président Gassilloud et de la vice-présidente Caroit, je me réjouis que, dans une démocratie mature et adulte, le contrôle parlementaire puisse s'exercer pleinement sur des sujets au cœur même du pouvoir régalien, d'une manière publique et transparente, et dans le respect des impératifs qui s'attachent au secret-défense.

Il ressort du rapport annuel du Gouvernement sur les exportations d'armement de la France que celles-ci ont atteint un record historique en 2022 : l'année dernière, la France a exporté pour 27 milliards d'euros d'armements, largement au-dessus des 11,7 milliards d'euros atteints en 2021 et loin devant le précédent record de 2015, établi à 16,9 milliards d'euros.

Ces exportations ont été particulièrement dopées par les ventes d'avions de combat du groupe Dassault Aviation, notamment grâce à la commande géante de quatre-vingts Rafale par les Émirats arabes unis, pour plus de 16 milliards d'euros, ainsi qu'aux commandes de six avions par l'Indonésie et de six avions supplémentaires par la Grèce. Grâce aux contrats Rafale, le secteur aéronautique représente 65 % des ventes en 2022, le secteur des missiles et équipements se situant à un niveau de 14 %.

Mais l'armement français n'est pas seulement apprécié au travers du Rafale. Il s'impose comme une référence mondiale dans un large spectre capacitaire – les missiles, les frégates, les sous-marins, l'artillerie, les hélicoptères, les radars ou encore les satellites d'observation. À cet égard, il convient de saluer les ventes de trois frégates de défense et d'intervention de Naval Group à la Grèce, avec leur maintenance et leur armement, et de deux satellites d'observation d'Airbus Space, pour 600 millions d'euros, à la Pologne.

Le rapport présenté par le Gouvernement montre que nos exportations se concentrent autour du Proche et Moyen-Orient – 64 % du total des commandes d'armements, devant l'Europe et l'Asie. Les principaux clients de notre industrie de défense sur la période 2013-2022 sont les Émirats arabes unis, l'Égypte et le Qatar, suivis de l'Inde, l'Arabie Saoudite et la Grèce. La France maintient ainsi et assoit son rang en tant que pays majeur d'exportation de matériel militaire – le deuxième, sur le plan mondial, derrière les États-Unis, mais devant la Russie.

J'observe néanmoins que, si, avec 23 % des prises de commandes en 2022, l'Europe demeure la deuxième destination des exportations d'armements français, ce chiffre est en baisse par rapport à l'année précédente ; cette diminution s'inscrit dans une tendance plus globale de recul de l'implantation de l'industrie de défense française sur le marché européen au cours des dernières années – le volume d'exportations d'armements français à destination de l'Europe s'élevait à 42 % en 2019. Dans le contexte de la guerre en Ukraine et du réarmement massif d'une grande partie des États membres de l'Union européenne, cette baisse est préoccupante. Elle traduit, d'une part, le choix de certains États d'acquérir des équipements auprès des États-Unis, de la Corée du Sud ou d'Israël, et, d'autre part, le niveau particulièrement élevé de la concurrence intra-européenne, à l'instar de la compétition livrée par l'industrie de défense allemande dans le domaine terrestre.

Plus généralement, dans un contexte de compétition internationale durcie, l'émergence de nouveaux concurrents, tels que la Corée du Sud ou la Turquie, qui mènent une politique offensive de soutien aux exportations et consentent d'importants transferts de technologie, font craindre un risque de rattrapage. Je serais heureuse de vous entendre, Messieurs les ministres, sur les voies et moyens que vous envisagez pour renforcer et adapter notre modèle de soutien étatique aux exportations.

À l'heure des grands programmes d'armement en coopération et de la multiplication des outils de financement européens en faveur de l'industrie de défense, se pose également la question du contrôle des exportations des équipements développés en coopération. Le blocage récent par l'Allemagne de l'exportation de l'Eurofighter vers l'Arabie Saoudite, au détriment du Royaume-Uni, rappelle cette réalité. La France a certes des accords relatifs au contrôle des exportations avec l'Allemagne et l'Espagne, respectivement depuis 2019 et 2021, mais cela n'est pas le cas avec tous les pays ; le rapport présenté au Gouvernement sur les exportations d'armements reconnaît bien la nécessité, pour la France, de « définir avec ses partenaires les modalités d'exportation des matériels issus des programmes en coopération, ainsi que ceux ayant bénéficié directement ou indirectement de financements européens ». Je souhaiterais donc que vous puissiez également nous éclairer sur ce point, d'apparence technique, mais dont les conséquences économiques ou politiques sont loin d'être négligeables.

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