Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mardi 20 septembre 2022 à 15h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur et des outre-mer :

Je me réjouis d'avoir l'occasion, en ce début de mandat, de détailler la feuille de route que Mme la Première ministre a fixée au ministère de l'Intérieur et des outre-mer, sachant que plusieurs ministres délégués et secrétaire d'État ont été placés auprès de moi : M. Jean-François Carenco, chargé des outre-mer ; Mme Sonia Backès, chargée de la citoyenneté – ce qui couvre en partie les questions relatives au séparatisme et à l'intégration ; et Mme Caroline Cayeux, chargée des collectivités territoriales, qui est rattachée à mon ministère pour ce qui est des grandes questions territoriales et institutionnelles et à celui de la transition écologique et de la cohésion des territoires pour ce qui est du financement des collectivités et de la transition.

Je souhaite tout d'abord évoquer trois de mes priorités.

La première, que m'a fixée la Première ministre, est la réussite de la Coupe du monde de rugby, qui se tiendra en septembre 2023 – autant dire demain – et celle des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Ces enjeux occupent bien un tiers de mon temps. Il s'agit d'assurer la sécurité de ces événements, ou plutôt les sécurités : l'ordre public, la sécurité civile, la cybersécurité, l'organisation des flux, l'accueil des délégations et de dizaines de millions de personnes.

De l'arrivée de la flamme à la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques, les Jeux de 2024 se dérouleront sur trois mois, non seulement autour de Paris mais dans toutes les régions du pays. Nous agirons dans des conditions exceptionnelles : ce sera la première fois que la cérémonie d'ouverture sera organisée en dehors d'un stade – sur la Seine. Ce sera certainement un moment festif et positif pour le sport et pour la France mais, dans la mesure où il rassemblera 600 000 personnes, la lutte contre le terrorisme, la lutte contre la délinquance et le maintien de l'ordre public seront des conditions sine qua non de la réussite.

Pour réussir la Coupe du monde de rugby et les Jeux, il faut deux choses : des victoires, ce qui n'est pas vraiment du ressort du ministre de l'Intérieur, et un bon déroulement des événements, ce qui mobilisera les policiers, les gendarmes, les pompiers et les services de renseignement, en lien avec ma collègue Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques. Une partie des dispositions de la LOPMI que votre assemblée examinera bientôt, après le Sénat, visent à répondre à ces exigences.

Deuxième priorité : la baisse de la délinquance sur la voie publique.

Rappelons qu'au cours du premier quinquennat du Président de la République, nous avons réarmé la police nationale et la gendarmerie, ce qui nous a permis de sortir de l'état d'urgence terroriste. Lorsque nous sommes arrivés aux affaires, le pays connaissait une vague d'attentats, qui avait commencé par l'affaire Merah à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy et avait ensuite frappé tout particulièrement celui de François Hollande. Le Parlement avait accordé au Gouvernement des moyens exorbitants du droit commun, dans le cadre de l'état d'urgence.

Nous avons voulu y mettre fin au plus vite, d'abord en faisant passer certaines des dispositions de l'état d'urgence dans le droit commun, grâce à deux textes antiterroristes, mais aussi en accordant des moyens technologiques et humains sans précédent aux services de renseignement, notamment à ceux qui relèvent du ministère de l'Intérieur. Ainsi, sur les 10 000 policiers et gendarmes recrutés au cours du quinquennat précédent, 4 000 l'ont été à la direction générale de la sécurité Intérieure, dont nous avons doublé le budget, et aux renseignements territoriaux, que nous avons restructurés. Cela a permis à ces services de déjouer trente-neuf attentats sur le quinquennat et huit depuis le début de cette année, presque exclusivement d'origine islamiste, le reste émanant de l'ultradroite ou de l'ultragauche – les médias s'en font parfois l'écho.

La menace terroriste persiste et peut frapper le territoire national à tout moment. La menace exogène – celle qui a été à l'œuvre au Bataclan – est moins importante qu'à l'époque, en dépit d'une augmentation des signalements de terroristes en provenance du Levant et d'Afrique subsaharienne. Depuis que je suis devenu ministre de l'Intérieur, il y a un peu plus de deux ans, 500 signalements de cette nature ont été faits auprès des services de renseignement. Aucun de ces individus n'a été identifié comme faisant partie d'une organisation terroriste susceptible de frapper le sol national, mais il faut rester très attentif à cette menace exogène.

La principale menace est endogène : elle est le fait de personnes qui se radicalisent à l'Intérieur de notre pays, de moins en moins dans des lieux de culte, de plus en plus sur internet. Il y a une forme « d'ubérisation » de la violence, comme l'ont montré les derniers attentats que nous avons connus.

En matière de lutte contre le terrorisme, nous avons fourni un travail très important, qui a montré son efficacité. Nous avons réussi à déjouer ces trente-neuf attentats dans le cadre de la loi ordinaire, sans demander de pouvoirs exorbitants du droit commun. C'est grâce aux moyens budgétaires que nous y avons consacrés au cours du précédent quinquennat.

Nous menons en outre une action résolue contre les violences intrafamiliales. Le mouvement de libération de la parole a révélé de très nombreuses violences, physiques ou psychologiques, contre les femmes et les enfants – 400 000 procédures en 2021. C'est sans doute, après le trafic de stupéfiants, la délinquance la plus suivie et la plus combattue par les policiers et les gendarmes. Quelque 150 000 policiers et gendarmes ont été formés au traitement de ces violences. Désormais, la totalité des personnels qui sortent des écoles de police et de gendarmerie a suivi une formation à ce sujet. Ces violences continuent à augmenter, et il y a encore beaucoup à faire.

L'augmentation des violences aux personnes, parfois pointée du doigt, notamment pendant les campagnes électorales, correspond essentiellement à celle des violences révélées à l'Intérieur des couples ou des familles. D'après les statistiques du ministère de l'Intérieur, 90 % des violences physiques sont commises dans ce cadre. La situation est particulièrement dramatique dans les régions les plus défavorisées socialement, comme le Nord, le Pas-de-Calais, la Seine-Saint-Denis, les territoires ultramarins.

Nous augmentons de manière continue les moyens pour lutter contre ce véritable fléau. Les différents groupes politiques veilleront, je n'en doute pas, à accorder les moyens nécessaires au ministère de l'Intérieur et à la justice.

J'en viens à la lutte contre la délinquance sur la voie publique.

Si l'on excepte un an, entre 2017 et 2018, le précédent quinquennat n'a pas connu d'année sans interférence majeure : à dix-huit mois marqués par les manifestations des gilets jaunes ont succédé deux ans de pandémie de covid. Nous assistons donc à une forme de retour à la normale pour les services de police et de gendarmerie.

Les atteintes aux biens – cambriolages, vols de véhicules –, qui avaient reculé pendant le quinquennat précédent, remontent doucement, de manière variable selon les territoires. Les violences physiques commises dans la rue ou dans les transports en commun – qui sont pour beaucoup des agressions sexuelles – augmentent de manière continue. Mon deuxième objectif est donc d'obtenir dans les mois qui viennent, si possible dès le bilan 2023, une baisse de ces indicateurs.

Notre stratégie ne repose pas sur des moyens législatifs supplémentaires, mais sur une meilleure organisation de la police et de la gendarmerie nationales et un accroissement de leur présence « à hauteur d'homme » sur le terrain, notamment en mettant à la disposition des préfets des unités de force mobile (UFM), qui feront de la sécurisation publique plutôt que du maintien de l'ordre.

Sept communes de France, y compris l'agglomération parisienne, ont bénéficié de ces UFM dès cet été. Nous y avons constaté une baisse importante de la délinquance au mois d'août. À Marseille par exemple, où je me suis rendu hier, elle a diminué de 8 % dans les transports en commun.

Les effectifs supplémentaires nécessaires nous ont été accordés l'année dernière pour le présent exercice budgétaire, et j'en remercie les parlementaires de la majorité. Nous en demanderons d'autres dans le cadre de la LOPMI, notamment pour l'année prochaine. La présence renforcée de policiers et de gendarmes, le plus souvent à pied, dans les lieux les plus sensibles, devrait nous permettre de faire baisser la délinquance sur la voie publique.

Troisième priorité : l'adaptation de l'appareil de sécurité civile à l'heure du réchauffement climatique et le travail que doit réaliser le ministère de l'Intérieur dans la transition écologique souhaitée par le Président de la République.

Cet été, des feux considérables ont touché non seulement la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur et la Corse, traditionnellement les plus exposées, mais aussi l'Aquitaine et des départements situés au nord de la Loire, tels que le Maine-et-Loire et le Finistère, où 1 500 à 2 000 hectares ont brûlé. Cela n'avait jamais été le cas auparavant.

Le réchauffement climatique n'est pas toujours la cause des incendies – neuf feux sur dix sont d'origine humaine, volontairement ou involontairement – mais c'est la condition de leur propagation. Ainsi la faiblesse de l'hygrométrie, inférieure à 10 % en Gironde, a-t-elle favorisé cette propagation. Il y a aussi une question d'entretien des forêts, essentiellement des forêts privées – où se trouvent 90 % des surfaces qui ont brûlé cet été. C'est le ministère de la transition écologique qui est compétent en la matière.

Les effectifs que nous engageons sont divers : sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, formations militaires de la sécurité civile, qui relèvent du ministère de l'Intérieur, moyens aériens. Nous devons revoir la stratégie d'ensemble, et renforcer leurs moyens. Nous y réfléchissons en vue de la prochaine saison des feux, mais aussi dans l'optique des Jeux olympiques et paralympiques, car des feux importants à ce moment-là contraindraient les forces du ministère de l'Intérieur à se déployer simultanément sur plusieurs opérations de sécurité civile. Dans ce cadre, la résilience est essentielle. Enfin, nous allons lutter contre les atteintes à l'environnement, de plus en plus nombreuses, avec la création de la gendarmerie verte, qui fait également partie de ma feuille de route.

Aux trois grandes priorités que je viens d'énoncer s'ajoutent, en vertu de mon décret d'attribution, la question de l'immigration – qui fera l'objet d'un débat dans chacune des assemblées, puis d'un texte de loi – et de grands sujets institutionnels. S'agissant de la collectivité de Corse, nous avons engagé avec l'ensemble des élus concernés des discussions institutionnelles qui devraient durer plus d'un an. En Nouvelle-Calédonie, compte tenu du résultat du troisième référendum, il faut désormais travailler sur le régime institutionnel et sur la liste électorale, afin de susciter un nouvel espoir ; nous aurons sans doute des modifications constitutionnelles à organiser. D'autres territoires ultramarins réclament des évolutions statutaires. Par ailleurs, le Président de la République souhaite que soit adopté, au cours de ce quinquennat, le dispositif de conseiller territorial qui permettra de fusionner des conseillers départementaux et régionaux lors des prochaines élections. Enfin, il y a la question de la métropole du Grand Paris et celle de la métropole d'Aix-Marseille-Provence.

Je termine, monsieur le président, par les questions que vous m'avez posées.

Si la LOPMI est adoptée par le Parlement, à quoi serviront les 8 500 postes qui y sont prévus ? Je peux vous en donner la ventilation par année et par thématique – je tiens le tableau à votre disposition. Néanmoins, dans la mesure où je me fixe comme objectifs une baisse de la délinquance sur la voie publique dans les prochains mois et la bonne tenue de la Coupe du monde de Rugby et des Jeux, je me concentrerai sur 2023 et 2024.

Les créations de poste se feront à 52 % dans la police nationale, à 48 % dans la gendarmerie nationale.

Dans la police, nous créerons quatre compagnies républicaines de sécurité (CRS) sur le modèle de la CRS 8, donc très mobiles et ayant vocation à intervenir très rapidement pour maintenir l'ordre public. Elles seront basées à Marseille, à Chassieu dans le Rhône, à Nantes et à Montauban. À raison de 200 agents par compagnie, nous prévoyons la création de 600 postes en 2023 et 200 en 2024. Les quatre compagnies seraient donc créées en deux ans.

S'agissant des commissariats de police, l'augmentation des effectifs dédiés à la sécurité publique a déjà été ma priorité lors des deux derniers exercices budgétaires. Hors préfecture de police de Paris et hors police des transports en commun, la LOPMI prévoit 604 postes de policiers supplémentaires dans les commissariats, qui seraient tous créés là encore au cours des deux premières années : 507 postes en 2023 et 97 en 2024.

Nous mettrons l'accent sur les transports en commun, notamment dans la région parisienne, où sont commis 50 % des actes de délinquance – en grande partie des agressions contre les femmes. Une direction unique de la police et de la gendarmerie chargée de la sécurité dans les transports en commun sera créée. Nous renforcerons fortement les effectifs dédiés dans les grandes agglomérations, en créant 450 postes au total, dont 200 en 2023 et 122 en 2024.

La préfecture de police de Paris accueillera 1 000 policiers supplémentaires pour faire face aux difficultés relevées au cours des derniers mois. Le nouveau préfet de police et moi-même avons constaté une saturation de l'espace public dans certains quartiers de la capitale : cet été, il y a eu davantage de violences urbaines dans le nord de Paris qu'en Seine-Saint-Denis. Cela soulève des questions touchant aux changements sociologiques dans la Ville de Paris et à l'urbanisme, et appelle en tout cas une réponse policière.

Dans les aubettes des aéroports, le contrôle des pièces d'identité sera désormais assuré non plus par des agents de la police aux frontières (PAF), mais par des personnels civils du ministère de l'Intérieur. Cette réforme très importante nous permettra de récupérer des policiers formés, en uniforme et armés pour effectuer des patrouilles et de la présence sur la voie publique, tout en professionnalisant l'accueil dans les aéroports.

La LOPMI prévoit la création d'assistants d'enquête, qui seront en quelque sorte des « greffiers de police ». Actuellement, tandis qu'un magistrat du siège est aidé par un greffier pour les tâches administratives, ce qui lui permet de se concentrer sur les actes d'enquête, un policier ou un gendarme réalise l'intégralité des démarches. Lors d'une garde à vue, par exemple, il accueille la personne placée en garde à vue, contacte son avocat, appelle le médecin, distribue le repas… Or ces actions ne relèvent pas du cœur de métier des officiers et agents de police judiciaire (OPJ et APJ).

Nous discutons des attributions des assistants d'enquête. Ils seront recrutés parmi les employés administratifs, techniques et spécialisés du ministre de l'Intérieur, ce qui offrira une perspective de carrière à ces personnels souvent très courageux et méritants.

La moitié des 15 milliards d'euros supplémentaires demandés dans le cadre de la LOPMI sera consacrée au numérique et à la cybersécurité. Plusieurs directions du ministère fusionneront en une agence unique du numérique des forces de sécurité Intérieure. Nous y prévoyons la création de 50 emplois en 2023 et de 50 autres en 2024.

Au total, nous prévoyons de créer dans la police 1 900 postes en 2023, puis 1 130 en 2024.

Dans la gendarmerie, nous voulons recréer sept escadrons de gendarmerie mobile (EGM), en recrutant 840 gendarmes : 420 en 2023 et 420 en 2024. Ces EGM supplémentaires seront répartis sur le territoire national : Melun, Hyères, Joué-lès-Tours, Villeneuve-d'Ascq, Dijon, Thionville et Lodève.

Nous disposerons donc de onze nouvelles UFM : quatre CRS et sept EGM. Nous libérerons sept autres UFM, actuellement chargées de garder plusieurs sites sensibles à Paris – palais de l'Élysée, hôtel de Beauvau, certaines ambassades. En effet, l'affectation à Paris de ces UFM coûte cher, et les détourne qui plus est de leur vrai travail, qui consiste à maintenir l'ordre public et non à faire de la garde statique. Il reviendra désormais à la préfecture de police de Paris et à la Garde républicaine d'assurer cette mission. Ainsi disposerons-nous pour les Jeux de dix-huit UFM qui accompliront véritablement un travail de forces mobiles.

D'autre part, nous créerons 200 brigades de gendarmerie dans les territoires, en recrutant 2 144 gendarmes, dont 312 en 2023 et 378 en 2024. Je lancerai la semaine prochaine, dans le Cher, une discussion entre les élus nationaux, les élus locaux, les préfets et la direction générale de la gendarmerie nationale en vue d'élaborer la carte de ces brigades, qui sera connue en février prochain – on peut imaginer deux à trois brigades par département, sauf bien sûr dans les plus urbains.

Nous recruterons en outre 350 formateurs pour accompagner certaines évolutions et assurer la formation continue de la police et de la gendarmerie. J'ai évoqué par ailleurs la gendarmerie verte et l'agence du numérique.

Au total, nous prévoyons de créer dans la gendarmerie 950 postes en 2023, puis 1 045 en 2024.

J'en viens aux refus d'obtempérer. Je m'associe à la pensée que vous avez pour ce policier du Nord qui se trouvait, cette nuit, entre la vie et la mort. Son pronostic vital, à ma connaissance, n'est plus engagé. Ses collègues ont fait preuve d'un grand sang-froid. On a retrouvé une quantité importante de drogue dans le véhicule, ce qui nous rappelle que le refus d'obtempérer n'est pas toujours le fait de conducteurs un peu distraits.

Ces pratiques ont augmenté de 13 % en cinq ans, passant de 24 409 cas en 2016 à 27 609 en 2021. Depuis le 1er janvier, les refus d'obtempérer ont fait 41 blessés graves dans les rangs de la police et de la gendarmerie – je le rappelle car on s'attarde rarement sur chaque cas individuel.

La fiche de renseignements sur les événements de la nuit qui m'est remise tous les matins m'apprend que policiers et gendarmes ont fait face, au cours de la nuit dernière, à cinq refus d'obtempérer graves. À Le Relecq-Kerhuon, les forces de l'ordre ont dû tirer en direction du pneu d'un véhicule signalé volé. À Toulouse, à la suite d'un refus d'obtempérer, un véhicule s'est accidenté seul dans un virage. À Nantes, un conducteur ayant refusé de s'arrêter a percuté un véhicule en stationnement, dont l'occupante, âgée de 70 ans, a été hospitalisée ; il a été interpellé. Le policier blessé dont nous avons parlé a été heurté à Anzin. Enfin, à Étampes, un véhicule a terminé sa course dans un arbre ; le conducteur, blessé, était sous l'emprise de l'alcool. Ces relevés se suivent et se ressemblent tous les jours.

Ces refus d'obtempérer, qui surviennent toutes les demi-heures, touchent autant les zones de police que de gendarmerie. Cela étant, les tirs des policiers et des gendarmes, eux, ne connaissent pas d'augmentation : on en relevait 137 en 2016, 202 en 2017, 170 en 2018, 147 en 2019, 153 en 2020 et 157 en 2021 – ce qui fait moins en 2021 qu'en 2017 et 2018, les deux années qui ont précédé la crise du covid.

La consigne de la direction générale de la police nationale et de la direction générale de la gendarmerie nationale, que j'assume pleinement, est qu'en cas de rodéo urbain ou de refus d'obtempérer, les forces de l'ordre doivent poursuivre le véhicule, sauf lorsqu'elles considèrent que les choses deviennent dangereuses pour elles-mêmes ou pour les tiers. Dans les conditions fixées par le code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale, lorsque le véhicule se transforme en arme contre lui, le policier ou le gendarme est autorisé à tirer. À chaque fois que cela se produit, l'Inspection générale de la police nationale ou celle de la gendarmerie nationale ouvre une enquête et l'intéressé est quasi systématiquement placé en garde à vue ou présenté devant un magistrat.

J'exprime à nouveau mon entier soutien aux policiers et aux gendarmes, qui exercent un métier difficile, et je regrette, pour le moins, que tous les élus de la République ne fassent pas de même.

Enfin, l'immigration de travail est un sujet complexe sur lequel je travaille étroitement avec Olivier Dussopt. Dans le cadre de notre politique d'immigration, nous devons faire preuve d'une fermeté accrue envers les délinquants étrangers, mais aussi veiller à une meilleure intégration des personnes qui travaillent sur le sol de la République.

Ces dernières peuvent être victimes d'absurdités administratives, ce qui doit nous amener à améliorer largement les procédures du ministère de l'Intérieur. Des travaux ont déjà été menés et les étrangers attendent généralement moins en préfecture. En revanche, les files d'attente numériques n'ont pas disparu, ce qui est inacceptable.

Par ailleurs, les employeurs font parfois bien peu de cas de ces personnes immigrées, même si une immense majorité d'entre eux respecte, me semble-t-il, le code du travail. Pour sa part, le Medef a appelé, durant la campagne présidentielle, à un accroissement de l'immigration de travail. Les évolutions législatives appartiennent à la Première ministre et au Parlement, mais certaines choses me choquent, en tant que ministre de l'Intérieur comme en tant que citoyen.

Ainsi, je ne trouve pas normal que seul l'employeur puisse demander la régularisation d'une personne qui travaille pour lui. Je crains des pressions pour accepter des horaires décalés, ou du harcèlement. Dans les conflits sociaux, les travailleurs sans-papiers ont toujours trouvé le ministre de l'Intérieur auprès d'eux. Mme Poulain, par exemple, qui a travaillé sur ces combats au sein de la CGT, a été très écoutée par mon ministère, ce qui a permis des régularisations.

Je trouve aussi anormal que les cours de français que doivent suivre les étrangers se déroulent pendant leurs heures de travail, ce qui les empêche bien souvent de s'y rendre faute d'accord de l'employeur. Cela crée un conflit un peu malsain entre le travail et l'intégration.

Et je trouve anormal que des salariés perdent leur travail parce que le traitement de la demande de renouvellement de leur titre de séjour pâtit d'une mauvaise organisation du ministère de l'Intérieur, alors même que cette demande ne pose pas de problème de fond. Vous aurez constaté que, pour la première fois depuis plus de vingt ans, le budget du ministère prévoit une hausse de 340 postes dans les préfectures ; je m'enorgueillis de l'arbitrage rendu par la Première ministre à ma demande. Depuis que je suis ministre, nous avons mis fin à la baisse des équivalents temps plein dans les préfectures et ils commencent à remonter, même si ce n'est pas encore assez. Nous allons d'ailleurs commencer à recréer des sous-préfectures.

Enfin, nous introduisons parfois nous-mêmes, dans la législation, des trappes à irrégularisation. Ainsi, pour créer une auto-entreprise, il n'est pas nécessaire de montrer que l'on a des papiers. Il arrive que des gens soient embauchés sous le statut d'auto-entrepreneur, qu'ils paient des impôts, versent des cotisations – sans en bénéficier puisqu'ils sont irréguliers – puis constatent, en venant en préfecture, qu'ils ne sont pas régularisables. Il faut absolument rendre impossible la création d'une entreprise par une personne en situation irrégulière.

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