Intervention de Amiral Nicolas Vaujour

Réunion du jeudi 5 octobre 2023 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Amiral Nicolas Vaujour :

S'agissant du MCO en règle générale, je voudrais prendre un exemple personnel. Lorsque je commandais le Chevalier Paul entre 2012 et 2014, le MCO continu était employé sur ce type de navire. Trois niveaux techniques doivent être distingués en matière de MCO : le niveau 1 décrit ce que l'équipage peut réaliser ; le niveau 2, ce que l'industriel peut réaliser et le niveau 3, ce que seul l'industriel doit réaliser.

Il s'avère que les diesel alternateurs ont subi plusieurs pannes lors d'une mission opérationnelle. Nous nous sommes alors interrogés : fallait-il signaler l'indisponibilité du bateau ou tenter de le réparer ? Nous avons réuni les équipages, les mécaniciens et les spécialistes et je leur ai demandé s'ils s'estimaient capables de procéder à cette réparation. Devant leur réponse positive, j'ai pris la responsabilité d'engager cette opération, qui a réussi. J'en ai également rendu compte aux services de soutien, qui n'étaient pas satisfaits de cette initiative, dans la mesure où il s'agissait d'un problème technique de niveau 3, qui aurait donc dû être traité par l'industriel. Mais nous avons entrepris et réussi cette réparation.

Le MCO continu n'est pas tant une affaire contractuelle avec les industriels qu'une question de résilience. La question qui m'importe est la suivante : mes équipages sont-ils capables, au combat, de garantir la disponibilité d'un bateau, notamment lorsqu'ils sont confrontés à une avarie de combat beaucoup plus compliquée à régler que ce qu'ils ont « l'autorisation » de faire ? Face aux temps incertains qui nous font face, nous devons être en mesure de régler les problèmes par nous-mêmes. Aujourd'hui, nous développons ce MCO en continu, qui permet d'améliorer les compétences de nos équipages, afin qu'ils puissent les mettre en œuvre le jour où ils seront soumis aux mêmes problèmes. Le MCO continu arrive désormais à maturité.

Ensuite, le Suffren est une « bête de guerre », dont nous sommes très satisfaits. Le retour d'expérience des Rubis a permis de réaliser un très bon bateau pour diverses raisons. Il est particulièrement adapté à la lutte contre les sous-marins et il embarque un certain nombre de technologies. Le Suffren est notamment équipé d'une barre en X, qui le rend plus manœuvrable. Le MdCN ajoute une capacité militaire redoutable : il permet au sous-marin de s'approcher d'une côte sans être vu et de porter la frappe souhaitée. Le Suffren embarque également un petit sous-marin permettant de larguer des commandos en mission sans qu'ils ne puissent être détectés. Il s'agit là d'une rupture conceptuelle par rapport à la classe Rubis, lui permettant d'agir de manière plus efficace, dans le haut du spectre. Peu de nations sont capables de fabriquer un tel objet technologique, objectivement. Les stocks de MdCN sont connus et conformes aux besoins opérationnels et des crédits sont dégagés dès 2025 pour initier le programme de leur Rénovation à Mi-Vie (RMV). Il est plus difficile de réaliser une évolution des missiles au cœur de leur vie, tant il s'agit d'une technologie de haute précision. Il suffit pour s'en convaincre de visiter l'usine de MBDA à Bourges. Les missiles fonctionnent très bien et leur arrivée sur les Suffren nous permet d'élargir notre périmètre. La France et les armées françaises sont dotées d'une capacité à imposer une décision quand elles le souhaitent.

Ensuite, je souhaite revenir sur le déni d'accès évoqué en audition publique. Il est possible malgré tout de s'en extraire de différentes manières, en fonction des résultats escomptés. Pour des opérations de renseignement, des parachutistes peuvent être projetés à partir d'avion ou des commandos à partir des Suffren. Quand un pays menace nos intérêts et nos enjeux, le porte-avions est capable de projeter de la puissance régulière et nous permettre d'imposer notre volonté. De son côté, le sous-marin permet d'agir discrètement. En outre, dans les zones contestées, les manœuvres amphibies de l'armée de terre permettent de transporter des troupes jusqu'aux zones d'opération.

Nous avons heureusement conservé ces capacités. À l'heure où les accès se restreignent, nous pouvons proposer au CEMA des modes d'action robustes. Chaque armée apporte ses spécificités. Le groupe aéronaval permet de construire une bulle d'hypersupériorité, en combinant les capacités du porte-avions et celles des frégates d'escorte, qui font partie des meilleures au monde dans le domaine de la lutte antimissile. Cette lutte sera d'ailleurs encore perfectionnée dans le cadre de la LPM, par l'amélioration de nos missiles Aster. Enfin, la veille coopérative d'impact permet de renforcer l'efficacité de notre système : nous faisons partie des rares nations capables d'intercepter des missiles supersoniques en très basse altitude.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion