Intervention de Jean-Claude Raux

Réunion du mardi 24 octobre 2023 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Raux, rapporteur pour avis :

C'est donc à moi que revient cette année l'honneur de présenter l'avis de notre commission sur les crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative inscrits dans le projet de loi de finances pour 2024.

Cette mission comporte trois programmes : le programme 219, qui rassemble les crédits des politiques sportives ; le programme 350, qui contient les contributions de l'État à la Solideo et au Cojop ; le programme 163, enfin, qui finance la vie associative et certains dispositifs en faveur de la jeunesse, notamment le service civique et le service national universel.

La mission Sport, avec les 1,79 milliard d'euros de crédits de paiement prévus pour 2024, n'est sans doute pas la mieux dotée du budget général, mais elle met en œuvre des politiques publiques essentielles pour la vie de la nation : le développement du sport pour tous, le soutien à la vie associative ou encore les dispositifs en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire. Les crédits demandés au Parlement pour l'année 2024 devraient s'élever à 1,7 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE), en hausse de plus de 12 %, et à 1,79 milliard d'euros en crédits de paiement (CP), soit un recul de 2 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2023, diminution qui s'explique par le fait que le programme de construction et de livraison des ouvrages olympiques touche à son terme.

Si la plupart des autres postes sont en augmentation, les variations sont considérables selon les actions, et c'est sur ce point que porteront mes réserves, mesdames les ministres. Je salue le niveau d'ensemble des crédits de la mission mais il existe entre nous des divergences profondes concernant leur répartition.

Les crédits demandés au titre du programme 219 Sport s'élèvent à 760 millions d'euros en AE contre 600 millions d'euros en LFI 2023 et à 760 millions d'euros en CP contre 700 millions d'euros, soit une augmentation respective de 26,55 % et de 8,54 %. Hors titre 2, la hausse est même de 33 % en AE et de 10 % en CP. La dotation du programme poursuit donc sa montée en puissance.

Parmi les nouveautés de l'exercice 2024, il convient de signaler le dispositif « Gagner en France », doté de 6,7 millions d'euros. Il vise à faire en sorte que les athlètes français engagés aux Jeux olympiques et paralympiques abordent la compétition dans les meilleures conditions matérielles possibles. Les athlètes médaillés et leur encadrement toucheront des primes d'un montant supérieur à celui qui était prévu. À cette fin, 7 millions d'euros supplémentaires sont inscrits dans le PLF 2024, pour un montant total de 18,6 millions d'euros.

La promotion de l'activité physique et sportive a été proclamée grande cause nationale 2024. Dans le PLF 2024, 5,5 millions d'euros y seront consacrés, somme à laquelle s'ajouteront 5 millions d'euros inclus dans la subvention de l'Agence nationale du sport, qui alimenteront un fonds dédié. La politique en faveur du sport santé se verra dotée de 3,3 millions d'euros supplémentaires. J'approuve cette politique, mais force est de constater que les résultats peinent encore à se faire sentir. Il convient de revoir les ambitions à la hausse, notamment dans la perspective de l'héritage des Jeux. Les professionnels de santé, en particulier, doivent être davantage sensibilisés aux vertus de la pratique sportive.

Le financement de l'ANS doit être maintenu à un haut niveau et fondé sur des ressources pérennes. Sans doute doit-il également être revu. Mon rapport contient des préconisations à cet égard. Le bilan d'activité de l'ANS pour 2022 fait apparaître une part de trésorerie disponible très élevée, de l'ordre de 100 millions d'euros, alors même que, selon cette agence, 60 % des équipements sportifs, soit 180 000, sont vétustes et que de nombreux projets de rénovation n'aboutissent pas, faute de financement. La représentation nationale apprécierait, madame la ministre, que vous nous indiquiez comment l'agence compte utiliser ces fonds disponibles au bénéfice de l'ensemble de la collectivité, par exemple pour un grand plan de rénovation des équipements sportifs et d'adaptation au changement climatique. C'est le sens de l'un de mes amendements.

Le soutien à la vie associative, par l'intermédiaire du programme 163, bénéficie d'une augmentation de près de 10 %, à hauteur de 5,2 millions d'euros, mais elle est concentrée sur la simplification de la vie des associations et sur la réserve civique. La simplification est un enjeu majeur, comme je le souligne dans mon rapport. Cela dit, les difficultés que rencontrent les associations sont si nombreuses qu'il n'est pas acceptable de ne pas accentuer le soutien de la puissance publique. À cet égard, il convient d'augmenter la dotation du FDVA. Vous avez confirmé, madame la secrétaire d'État, l'intention de faire passer de 20 % à 40 % la quote-part versée au FDVA sur les sommes acquises à l'État au titre des comptes inactifs. C'est une excellente nouvelle pour le monde associatif.

Les 2 000 postes Fonjep créés dans le cadre du plan de relance arrivent à leur terme. Aucune disposition n'est prévue pour prolonger l'effort, alors qu'ils sont indispensables pour des centaines de petites associations. Comme je l'ai écrit dans mon rapport, les souffrances des Français sont également les maux des associations. Ce constat appelle à agir. C'est le sens de plusieurs des amendements que j'ai déposés.

S'agissant de la jeunesse, pour finir, je voudrais appeler votre attention sur plusieurs enjeux qui se sont fait jour au cours des auditions. Le Conseil d'orientation des politiques de jeunesse (COJ) effectue un travail remarquable. Il a été créé par décret en 2016 pour une durée de cinq ans et renouvelé pour la même durée en 2021. Lorsqu'un véhicule adapté se présentera, il conviendra de pérenniser l'existence du COJ, en prenant une mesure législative. Vous engagez-vous à le faire, madame la secrétaire d'État ? Par ailleurs, l'article 54 de la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté comporte une disposition importante sur la coordination entre l'État, les régions et les autres collectivités, s'agissant de l'information délivrée aux jeunes. Or, selon les informations qui m'ont été données par les acteurs du secteur, le décret permettant son application n'a jamais été publié. Entendez-vous le faire ? Si oui, à quelle échéance ?

J'ai choisi de consacrer la partie thématique de mon rapport au service national universel, le seul grand projet du président Macron pour la jeunesse. Le 18 mars 2017, dans un discours consacré à la défense, Emmanuel Macron a formulé pour la première fois l'idée d'un « service national de durée courte, obligatoire et universel ». Il s'agissait alors, dans son esprit, de renforcer le lien entre l'armée et la nation. Une loi était annoncée pour la fin de l'année 2017. Depuis lors, le projet a beaucoup évolué mais le Parlement n'a été saisi d'aucun texte. Dans sa forme actuelle, le SNU s'adresse aux jeunes de 15 à 17 ans, volontaires. Il s'articule autour de trois phases : un séjour de cohésion de deux semaines qui se déroule en hébergement collectif ; une mission d'intérêt général (MIG) censée durer douze jours ou représenter l'équivalent de 84 heures, dont la disparition semble actée – vous nous le confirmerez, madame la secrétaire d'État ; enfin, le projet peut se terminer par une période d'engagement de plus long terme, de trois mois minimum. Les objectifs poursuivis sont de susciter chez les jeunes une culture de l'engagement et de renforcer la cohésion sociale et nationale.

Depuis le début, et même en faisant abstraction de la crise sanitaire, le nombre de participants est systématiquement inférieur aux cibles fixées. En 2023, 40 000 jeunes environ ont pris part aux séjours de cohésion, contre 64 000 prévus. L'an prochain, vous misez sur 80 000 participants. La session 2024 sera marquée par l'arrivée de classes entières sur le temps scolaire, ce qui n'est pas sans poser question, à la suite de l'appel à projets « classe engagée » et « lycée engagé », dont la clôture a d'ailleurs été repoussée. La généralisation serait programmée pour la rentrée scolaire 2026. La marche paraît très élevée, et les obstacles humains et matériels nombreux sur ce chemin. Je tiens néanmoins à saluer l'engagement des équipes qui animent les séjours de cohésion, ainsi que celui des délégations régionales académiques à la jeunesse, à l'engagement et aux sports (Drajes). J'ai pu le constater lors d'une visite au lycée professionnel agricole Jules Rieffel à Saint-Herblain, en Loire-Atlantique, qui a fait office de centre SNU.

Malgré la satisfaction des jeunes volontaires, le service national universel souffre, selon moi, d'un défaut de conception fondamental. Une politique en direction de la jeunesse doit avoir pour principal objectif l'émancipation ; or tel n'est pas l'objet principal du SNU. Tout tend à prouver que le projet sous-jacent serait plutôt de faire rentrer les jeunes dans le rang. Qui plus est, en faisant la promotion du SNU, vous essayez également de rassurer une partie de la population, celle dont vous pensez qu'elle peut être sensible au retour de l'uniforme à l'école et des jeunes à la caserne. C'est la raison pour laquelle il s'agit d'une politique essentiellement symbolique.

S'il devait être généralisé, le SNU deviendrait-il obligatoire ? Outre le paradoxe d'un engagement contraint, des problèmes d'ordre constitutionnel pourraient se poser. « Comment imaginer qu'un séjour de cohésion de douze jours suffirait à une prise de conscience morale, à la formation d'un citoyen ? » Ces propos, qui sont ceux de l'une des personnes que j'ai auditionnées, traduisent bien le scepticisme, à tout le moins, que j'ai noté chez la plupart de mes interlocuteurs.

Jean Jaurès disait, dans son discours à la jeunesse, prononcé à Albi, en 1903 : « Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire ». La vérité, madame la secrétaire d'État, c'est que la raison commanderait de renoncer à la généralisation du SNU. Je n'ai pas le sentiment que le manque d'engagement des jeunes soit à l'origine des difficultés de la société : ils souhaitent s'engager, ils le font, mais de manière différente de celles auxquelles les générations précédentes sont habituées. D'ailleurs, il ne saurait exister qu'une seule forme d'engagement : prétendre contraindre chacun à suivre un seul et même chemin est une erreur profonde.

Compte tenu des problèmes de répartition des fonds, des incertitudes pesant sur les engagements futurs et du gâchis financier qui s'annonce avec la généralisation du service national universel, j'ai décidé, à titre personnel, de voter contre les crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative.

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