Intervention de Jimmy Pahun

Réunion du mercredi 28 septembre 2022 à 15h05
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJimmy Pahun, rapporteur :

La pollution plastique est un fléau qui nous est familier et que nous croyons cerner dans son intégralité, dans toute sa gravité. En réalité, nous commençons à peine à comprendre toute l'étendue des dangers auxquels nous expose notre surconsommation de plastique. À mesure que la science progresse, nous précisons ces dangers et nous en découvrons de nouveaux, tant pour l'environnement – la biodiversité et le climat – que pour notre santé.

La pollution plastique affecte les sols, les eaux souterraines et de surface et, bien entendu, l'océan. Je me contenterai de rappeler brièvement son impact sur les écosystèmes marins, dimension du problème à laquelle je suis certainement le plus sensible. Il y a d'abord les déchets issus de la terre et des activités maritimes, que l'on retrouve à la surface de l'eau et sur les plages et qui défigurent nos paysages. Il y a en outre la pollution invisible, celle des nano et des microplastiques, c'est-à-dire des morceaux de plastique de taille inférieure à 5 millimètres issus soit de l'utilisation de certains produits cosmétiques, de peintures ou d'engrais, soit de la dégradation de macroplastiques. Invisibles mais plus dangereux encore, ces plastiques sont présents sur toute la profondeur de la colonne d'eau. À jamais hors de notre portée, ils intègrent la chaîne alimentaire et attaquent les organismes marins du fait de leur toxicité. Ce faisant, ils réduisent la capacité de l'océan à jouer son rôle de régulateur du climat. Agir contre la pollution plastique, c'est donc très directement mener le combat climatique.

Certes, nous ne sommes pas les premiers responsables du déversement de ces 11 millions de tonnes de plastique dans l'océan chaque année. Certes, nous avons un cadre réglementaire déjà robuste, grâce à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, à la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC) et à la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Mais il nous reste tant à faire en France, en Europe et dans le monde pour espérer d'abord maîtriser la pollution plastique et, un jour peut-être, la stopper complètement. Il nous faut donc être exemplaire en France et souhaiter cette même ambition pour l'Europe.

Il importe notamment, en France et en Europe, d'en finir avec l'idée que le recyclage est la solution à la pollution plastique. Le rapport publié hier par la Cour des comptes pointe d'ailleurs notre incapacité, depuis plus de dix ans, à tenir nos objectifs de collecte, de tri et de recyclage. En conséquence, nous exportons des déchets que nous ne sommes pas en mesure d'absorber, comme le montre un rapport de Human Rights Watch sorti ce mois-ci et résumé ainsi par un journaliste du Monde : « En Turquie, nouvelle poubelle de l'Europe, le recyclage du plastique nuit gravement à la santé et à l'environnement. »

Nous devons donc recentrer le recyclage sur les quelques plastiques pour lesquels les filières sont d'ores et déjà efficaces et, pour le reste, mettre l'accent sans attendre sur la réduction à la source. C'est la philosophie de la loi AGEC, que cette proposition de loi s'autorise, modestement, à faire vivre.

La diminution drastique, à la source, des plastiques à usage unique contribuerait en outre à la réduction de notre consommation d'énergies fossiles et donc à l'atteinte de nos objectifs climatiques et de sobriété énergétique. Selon un rapport publié hier par des ONG, la production de plastique représente 8 % de la consommation finale de pétrole au niveau européen La production de plastique, industrie la plus consommatrice d'électricité, va plus que doubler d'ici à 2040 au niveau mondial. La solution à la pollution plastique est donc non pas de construire de nouvelles infrastructures et d'employer de nouveaux procédés plus énergivores que les précédents, mais bien d'agir pour une réduction à la source.

Dès lors, une planification concertée et contraignante est indispensable, car nous n'atteindrons pas l'objectif de « zéro plastique à usage unique en 2040 » fixé par la loi AGEC par les seuls engagements volontaires des acteurs économiques. Une planification non pas pour sortir du plastique – au singulier –, mais pour se séparer des plastiques les moins essentiels, les moins recyclables, les plus volatiles ou les plus toxiques. Une planification aussi pour maîtriser les conséquences économiques et sociales de ces transitions rapides, profondes et nécessaires – je partage pleinement la préoccupation exprimée par notre collègue Stéphane Delautrette à travers son amendement.

C'est là une très forte demande de nos concitoyens. Selon un récent sondage Ipsos, ils sont 80 % à vouloir réduire leur utilisation de plastiques à usage unique, et 75 % à vouloir la fin des plastiques à usage unique. J'ignore jusqu'à quel niveau monte cette proportion chez les plus jeunes, mais je constate leur extrême préoccupation devant l'immensité de cette pollution, et j'y vois chez beaucoup le moteur d'un engagement associatif et civique puissant.

L'article 1er de la proposition de loi vise à interdire sans condition de recyclage les emballages constitués pour tout ou partie de polystyrène à compter du 1er janvier 2025. Il revient en cela sur une mesure de la loi « climat et résilience » adoptée l'année dernière. Je suis parti d'un constat : le polystyrène est un plastique controversé, car il est plus dangereux qu'un autre pour la santé et pour l'environnement. Aussi me paraît-il très hasardeux de miser sur une hypothétique filière de recyclage chimique.

Cependant, je comprends de mes auditions avec les acteurs économiques et de mes discussions avec le Gouvernement et les groupes de l'Assemblée, que ce constat n'est pas suffisamment partagé pour obtenir aussi rapidement la révision d'une disposition législative récemment adoptée. C'est pourquoi, en attendant de pouvoir analyser plus en profondeur la question du polystyrène, je proposerai à la commission de soutenir l'amendement de réécriture de l'article 1er déposé par notre collègue Claire Pitollat. Il interdit l'ensemble des emballages en plastique non recyclables, à compter du 1er janvier 2025, alors que notre pays reste très en retard dans ses objectifs de recyclage dans ce domaine.

L'article 2 tend à interdire les emballages et contenants alimentaires constitués pour tout ou partie de composés perfluorés, les PFAS, sauf si leur innocuité pour la santé humaine est prouvée. Il n'est pas imaginable de les interdire un à un, car il en existerait plus de 5 000. Compte tenu de l'importante littérature scientifique attestant les risques qu'ils font peser sur notre santé, il apparaît sérieux et proportionné de s'inquiéter des PFAS dans leur ensemble, et donc de les cibler en tant que famille chimique. Cette approche a été confirmée par l'initiative de plusieurs pays européens en faveur d'une interdiction globale des PFAS dans le cadre du règlement européen Reach – enregistrement, évaluation, autorisation des substances chimiques et restrictions applicables à ces substances. Soutenir la démarche de ces pays au niveau européen apparaît comme le moyen le plus sûr, rapide et efficace d'aboutir à l'objectif fixé par la proposition de loi. Je vous proposerai donc de récrire l'article 2, d'une part pour étendre le champ d'application de l'interdiction, d'autre part pour faire référence à ce règlement européen. Ce faisant, la France rejoindrait la coalition des pays engagés contre les PFAS – l'Allemagne, la Norvège, les Pays-Bas, le Danemark et la Suède – et contribuerait à faire de cette initiative un succès au bénéfice de la santé de nos concitoyens.

L'article 3 a pour objectif de mieux informer le consommateur. Il s'inspire de la directive européenne qui impose le marquage des produits – gobelets, lingettes et produits du tabac, entre autres – lorsqu'ils contiennent du plastique. Vous connaissez peut-être le logo : il est rouge et bleu, avec une tortue mal en point. Il s'agit de prévenir le consommateur de la présence de plastique dans le produit lorsque celle-ci n'est pas évidente. Poursuivant dans cette logique, l'article 3 vise à étendre l'obligation de marquage à d'autres produits similaires. Toutefois, la rédaction actuelle n'est pas bonne, car beaucoup trop large : elle obligerait par exemple à apposer ce logo sur les bouteilles d'eau, alors même qu'il est évident pour tout le monde qu'elles sont en plastique. Je vous proposerai donc de restreindre son champ d'application aux seuls produits mêlant plastique et carton ou plastique et papier.

L'article 4 s'inscrit dans le droit fil d'une préconisation du Congrès mondial de la nature de l'UICN: l'élimination de toute pollution par le plastique dans les aires protégées. La rédaction s'inspire de celle de l'article visant à lutter contre l'hyperfréquentation des espaces protégés, que nous avions introduite dans la loi « climat et résilience ». Il apparaît finalement plus judicieux de confier ce pouvoir aux gestionnaires des espaces protégés. Tel est l'amendement de réécriture que je vous proposerai. Il s'agit bien de confier un pouvoir nouveau aux gestionnaires des espaces protégés : au cas par cas, selon leurs enjeux propres, ils pourront prendre une réglementation ou non, sur tout ou partie de leur territoire. Tout est possible, rien n'est imposé.

Je me réjouis des débats qui vont suivre. Je suis heureux que notre commission se saisisse de la question de la pollution plastique. Je dois cela à mes collègues du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants), que je remercie sincèrement.

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