Intervention de Sarah Legrain

Réunion du mercredi 25 octobre 2023 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSarah Legrain :

Employeurs, travailleurs, opérateurs, structures labellisées comme compagnies indépendantes, tous les acteurs des arts et de la culture que j'ai pu auditionner s'alarment de l'état critique du secteur. Aux années noires de la crise du covid-19 succèdent celles de l'inflation ; au désengagement de l'État s'ajoute celui des collectivités, qu'elles soient financièrement prises à la gorge ou qu'elles soient guidées par une hostilité revancharde.

Prises dans la tenaille de ces coûts en hausse et des financements en baisse, les structures doivent faire des choix contraires à la démocratisation et à la diversité culturelles : augmenter les tarifs, comprimer la masse salariale, grignoter toujours un peu plus cette marge artistique qui, pourtant, est le cœur battant de leur activité. Le résultat est cette « saison fantôme », proposée par le syndicat Les forces musicales, qui a compilé les spectacles qui auraient dû rythmer l'année, mais qui n'ont pu voir le jour. Ces événements culturels non programmés, ce sont autant de pertes en spectateurs, en emplois artistiques ou en nouveaux publics.

Nous avons affaire ici à une crise qui n'est pas conjoncturelle mais structurelle, ainsi qu'à l'absence durable de politique culturelle. Ce budget, avec sa hausse toute relative compte tenu de l'inflation, ne peut prétendre résoudre cette crise et encore moins engager les profondes transformations promises. Pire, sa mise en œuvre prolonge une dérive délétère, alimentée par la marchandisation et la bureaucratisation de la culture à coups d'appels d'offres et d'appels à projets.

Certains de ces grands projets font bondir artificiellement le budget du programme Patrimoines au détriment de l'entretien courant ou d'une véritable rénovation énergétique. Du côté du programme Création, l'énigmatique plan Mieux produire, mieux diffuser fait craindre, dans ce contexte d'austérité inégalement subie, une sorte de malthusianisme culturel, un plan « moins produire pour moins diffuser ». On attend toujours le plan « mieux travailler », alors que les négociations salariales patinent, que les indemnités des intermittents sont menacées et que les artistes-auteurs n'ont toujours pas de statut.

Enfin, plus de la moitié du budget pour la démocratisation et l'éducation artistique et culturelle est engloutie par le pass culture, start-up d'État épinglée par la Cour des comptes. Un catalogue algorithmique pour faire son shopping, ce n'est pas de la médiation culturelle. La politique du bon d'achat, même en période d'inflation, n'a jamais fait une politique culturelle.

Alors comme l'an dernier, madame la ministre, je vous le demande : où est cette politique culturelle ?

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