Intervention de Kévin Mauvieux

Réunion du mercredi 25 octobre 2023 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaKévin Mauvieux, rapporteur spécial :

Les crédits de la mission Engagements financiers de l'État inscrits dans ce PLF pour 2024 s'élèvent à 60,8 milliards d'euros. C'est un nouveau record, et ce ne sera malheureusement pas le dernier. Ces crédits, qui recoupent principalement la charge de la dette de l'État, constituent le deuxième poste de dépenses de l'État, après l'enseignement scolaire. Nous dépensons 4 milliards d'euros de plus pour payer les intérêts de la dette que pour assurer notre défense.

Cette mission n'a pas toujours connu un tel niveau de dépense. En 2020, ses crédits avaient atteint un point historiquement bas – 36 milliards d'euros, soit la moitié des dépenses prévues en 2026 – sous l'effet d'une inflation proche de zéro et de taux d'intérêt négatifs. Ces conditions de financement favorables ont encouragé l'État, ou plutôt le Gouvernement, à accroître considérablement sa dette, dont l'encours a doublé en valeur entre 2010 et 2023. Nous en payons aujourd'hui le prix, d'autant qu'au lieu de bénéficier de ces taux négatifs, l'État a choisi d'émettre des obligations assimilables du Trésor (OAT) indexées sur l'inflation, dites OATi. Dans le rayon de la dette, le président Macron a préféré la dette payante et incertaine à la dette gratuite.

Dans le détail, les crédits du programme 117, Charge de la dette et trésorerie de l'État, qui comptent pour environ 85 % du total, connaissent une légère hausse de 550 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. Cette relative stabilité, en trompe-l'œil, cache en fait une dynamique plus inquiétante pour les années à venir.

D'une part, même si nous n'en avons pas fini avec la crise d'inflation, le coût de l'indexation des OATi devrait diminuer en 2024 – il s'élèverait tout de même encore à près de 9 milliards d'euros. Au total, en 2023, le programme d'OATi aura coûté, en cumulé et net de ses gains, près de 10 milliards d'euros à l'État depuis son lancement en 1999. Ce coût s'alourdira donc encore en 2024. Je réitère ici ma proposition raisonnable consistant à réduire puis à mettre un terme aux émissions de titres indexés afin de préserver les marges de manœuvre financières de l'État en cas de crise. L'excellent taux de couverture des émissions d'OAT nominales – 229 % au 31 août 2023 – rend cette proposition tout à fait réaliste.

D'autre part, nous faisons désormais face à une remontée des taux d'intérêt, qui résulte du resserrement des politiques monétaires à la suite de l'inflation galopante et persistante. Cumulée à un effet volume important en 2024, la remontée des taux explique la progression des crédits du programme 117 par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. En 2024, les taux élevés affectent de manière immédiate la charge de la dette à court terme, dont le refinancement est très rapide. Rappelons en outre que le rôle originel du taux d'intérêt est dévoyé : il n'est plus la prime de risque du prêteur, calculée en fonction du risque de solvabilité de l'emprunteur. La signature de la France étant bonne, les taux d'intérêt auxquels notre pays est soumis devraient être plus faibles. Dans les années à venir, leur impact se renforcera sur la dette de moyen et long terme, d'où une augmentation de plus en plus rapide du coût de la dette. Les crédits de la mission atteindraient ainsi 71 milliards d'euros en 2026.

Il nous faut prendre la mesure de ce risque, d'autant que le scénario de finances publiques du Gouvernement repose sur des hypothèses pour 2024 optimistes en matière de croissance, qui s'élèvent à 1,4 %, bien au-dessus du consensus des économistes, ainsi que sur le pari d'une inflation contenue à 2,5 % et de taux d'intérêt stabilisés autour de 3,5 %. Force est de constater qu'en 2023, les prévisions ont été trop optimistes, puisque le présent projet de loi de finances révise la charge de la dette à la hausse de 4,75 milliards d'euros – ce qui n'est pas rien – sous l'effet conjugué d'une inflation et de taux d'intérêt de court terme plus élevés que prévu.

Les autres programmes de la mission contribuent à l'affichage d'une relative stabilité des crédits en 2024.

Le programme 369 Amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19, relatif au remboursement des 165 milliards d'euros de dette issus de la crise sanitaire, est doté de 6,5 milliards en 2024. Cependant, l'isolement d'une dette « covid » n'a aucun effet sur le stock total de dette ni sur les conditions de son financement. Il ne contribue donc pas à la maîtrise du déficit public.

La dotation du programme 114 Appels en garantie de l'État diminue d'un quart pour s'établir à 1,9 milliard d'euros en 2024, sous l'effet du remboursement progressif des prêts garantis par l'État (PGE). En 2023, contrairement aux années précédentes, la dotation budgétaire initiale devrait correspondre à peu près aux dépenses constatées en fin d'année. Dans ce contexte, alors que la dotation pour 2024 est en baisse, le coût des PGE pour l'État continuera de nécessiter un suivi attentif, car il demeure sensible à l'évolution des perspectives macroéconomiques.

Les autres programmes de la mission comptent pour moins de 2 % des crédits totaux. Leur évolution est décrite dans la note dont vous avez été destinataires.

Face à une charge de la dette qui ne fera qu'augmenter au cours des prochaines années, compte tenu d'une certaine légèreté dans le rapport de l'État à l'emprunt, en dehors même du contexte particulier de la crise sanitaire, je ne peux qu'émettre un avis défavorable sur les crédits de la mission Engagements financiers de l'État qui nous sont proposés pour 2024.

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