Intervention de Bruno Le Maire

Réunion du mercredi 14 septembre 2022 à 17h00
Commission des affaires économiques

Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique :

Je suis heureux d'avoir l'occasion de préciser la stratégie que nous déployons depuis plus de quatorze mois pour faire face à la flambée des prix du gaz et de l'électricité.

Avec le Président de la République, nous avons fait le choix stratégique, en octobre 2021, d'anticiper l'augmentation des prix de l'électricité et du gaz en instituant un bouclier énergétique – même si nous ne pensions pas qu'elle serait d'une telle ampleur. Bien nous en a pris parce que cela a permis de maîtriser l'inflation, pour nos compatriotes comme pour les entreprises. Nous avons donc gelé les prix du gaz, à compter d'octobre 2021, et plafonné l'augmentation des prix de l'électricité à hauteur de 4 %. Cela signifie que, depuis octobre 2021, la facture de nos compatriotes n'augmente pas. Un certain nombre de députés vantent la situation de la Grande-Bretagne, où la facture a pourtant pris jusqu'à 600 livres en moyenne par mois. Je préfère le modèle français et la protection que nous avons apportée à celle qui a été proposée par d'autres pays européens.

Nous avons décidé de prolonger le bouclier énergétique, compte tenu des prix du gaz et de l'électricité. Comme la Première ministre vient de l'annoncer, nous maintiendrons un bouclier énergétique pour l'ensemble des ménages, à partir du 1er janvier 2023. Comme les prix augmentent de 110, 120, voire 130 %, avec une forte variation d'un jour ou d'une semaine à l'autre, nous avons également décidé une hausse des prix de l'électricité et du gaz au 1er janvier prochain, mais limitée à 15 %. En moyenne, l'augmentation sera de 25 euros sur une facture de gaz, alors qu'elle aurait dû atteindre 200 euros.

Nous avons également décidé d'étendre le chèque énergie à des Françaises et des Français appartenant à deux déciles supplémentaires ; il sera donc versé aux quatre premiers déciles dans les semaines qui viennent. Cela représente un coût supplémentaire de 1,8 milliard d'euros pour les finances publiques. Nous entendons, là encore, tout en protégeant l'ensemble de nos compatriotes afin que personne n'ait à subir une hausse insupportable de sa facture, concentrer notre action sur les ménages ayant les revenus les plus modestes.

Le bouclier tarifaire sur le gaz coûte 11 milliards d'euros net, dans la mesure où il n'existe pas de possibilité de récupération. Pour l'électricité, le dispositif présente un coût de 5 milliards net, ce qui fait donc un coût total de 16 milliards pour 2023.

Il faut noter toutefois que le coût brut concernant l'électricité – correspondant à la différence entre les 15 % d'augmentation annoncés et les 110 à 120 % anticipés – s'élève à 34 milliards d'euros. Sur ce montant, nous récupérons 9 milliards de TICFE (taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité). Par ailleurs, les énergéticiens nous reversent 19 milliards de bénéfices qu'ils ont réalisés sur l'électricité éolienne et solaire, selon le mécanisme proposé par Ursula von der Leyen et qui constitue l'extension à l'échelle européenne du dispositif français. Nous garantissons en effet à tous les énergéticiens depuis des années un prix de rachat du kilowattheure solaire ou éolien, afin de les inciter à investir. Si les prix sont trop bas, nous compensons donc le manque à gagner. Il est parfaitement légitime que, lorsque les prix excèdent le tarif garanti, l'État récupère la mise. C'est un mécanisme juste et efficace, qui évite que ces sociétés bénéficient d'une rente en période de flambée des prix.

Nous protégeons également les entreprises, avec des mécanismes protecteurs de trois ordres. Les plus petites, qui ont un chiffre d'affaires inférieur à 2 millions d'euros et emploient moins de dix salariés, ont accès au tarif réglementé : elles sont déjà protégées.

Les PME, elles, peuvent bénéficier d'une aide plafonnée à 2 millions d'euros, à la condition que leur facture d'énergie représente au moins 3 % de leur chiffre d'affaires et qu'elle ait doublé depuis l'année dernière – cette dernière exigence étant toujours remplie. Nous avions auparavant des critères beaucoup trop contraignants, que nous avons simplifiés. Les nouvelles conditions entreront en vigueur au 1er octobre. J'ai l'espoir que cela débloque le mécanisme et permette à un maximum de PME d'être aidées.

Pour ce qui est, enfin, des entreprises énergo-intensives, qui dépensent un montant substantiel en électricité ou en gaz – aciéries, industries chimiques, verriers, producteurs de carton ou de papier… – le dispositif comportant des paliers à 25 et 45 millions d'euros ne marche pas. Depuis le départ, nous avions dit à la Commission européenne, à longueur de réunion, qu'il était beaucoup trop complexe. Il y a urgence et j'ai demandé à la Commission européenne de le réformer avant la fin de 2022.

Nous allons naturellement prolonger ces dispositifs au-delà du 31 décembre 2022.

À l'échelle européenne, nous travaillons sur des achats communs d'énergie – c'est ce qu'il y a de plus efficace –, sur un plafonnement des prix du gaz et sur la déconnexion définitive des prix du gaz et de l'électricité. J'avais écrit au président de l'Eurogroupe, en octobre 2021, pour réclamer cette déconnexion. Je pense que nous sommes sur la bonne voie. Il est aberrant que les prix de l'électricité décarbonée soient indexés sur le coût marginal d'ouverture de la dernière centrale à gaz. Sur tous ces points, les idées que nous défendons depuis plus d'un an avec le Président de la République sont en passe d'être adoptées par l'Union européenne.

Enfin, la remise de 30 centimes sur les carburants – qui représente un coût total de 7,6 milliards d'euros – permet à nos compatriotes de payer le carburant moins cher au moment où ils en ont le plus besoin, c'est-à-dire en période de rentrée. Cette remise s'éteindra progressivement d'ici au mois de décembre. Nous verrons, début 2023, si le prix du baril reste à un niveau mesuré, de l'ordre de 85 ou 90 dollars, ou si des événements extérieurs le font flamber. Nous adapterons les dispositifs à ce moment-là. Nous passerons, quoi qu'il arrive, à des mécanismes ciblés, notamment en faveur de ceux qui n'ont pas d'autre choix que d'utiliser leur voiture pour travailler.

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