Intervention de Bruno Le Maire

Réunion du mercredi 14 septembre 2022 à 17h00
Commission des affaires économiques

Bruno Le Maire, ministre :

Monsieur Adam, pour être éligible au chèque énergie dans les premier et deuxième déciles, le revenu fiscal de référence d'une personne seule ne devra pas dépasser 11 000 euros. Nous avons étendu le dispositif aux troisième et quatrième déciles.

M. Tivoli évoquait l'« odieuse proposition » d'aider l'Allemagne sur le plan énergétique. Aujourd'hui, c'est plutôt l'Allemagne qui aide la France, puisque nous importons de son électricité. Avant de jeter la pierre à nos voisins, il faut mieux se renseigner. Nous avons besoin de la solidarité européenne en matière énergétique, tant pour l'électricité que pour d'autres énergies et pour les grands projets d'hydrogène que nous portons.

Monsieur Laisney, plus que la nature d'EDF – ce ne sera pas un EPIC, mais un établissement entièrement nationalisé – c'est ce que l'entreprise doit faire dans les mois et les années qui viennent qui est important. La priorité absolue est qu'elle remette en route les réacteurs qui sont l'objet de corrosion sous contrainte. De cette capacité d'EDF dépendra notre faculté à passer un hiver serein.

La deuxième priorité est de réaliser le plan relatif aux six nouveaux EPR demandés par le Président de la République, qui suppose des investissements considérables en termes de main-d'œuvre et de formation. La troisième est de continuer à déployer les énergies renouvelables, comme EDF a commencé à le faire.

Monsieur Marchive, nous souhaitons une réforme en profondeur du marché européen de l'énergie. Nous ne nous contenterons pas de simples indications ou de mesures temporaires.

Monsieur Gaillard, nous avons demandé à CMA CGM un effort de 500 euros par container, que le groupe a porté à 750 euros. Nous avons toujours dit que nous vérifierions qu'il bénéficie bien aux PME, notamment dans les territoires d'outre-mer, qui sont les plus concernés par le fret maritime. Nous nous assurerons donc que CMA CGM apporte bien sa contribution aux ménages et aux territoires face à l'inflation.

Oui, la production nucléaire est une priorité, madame Bregeon. C'est une question de formation et de qualification plus que d'investissement. Nous avons perdu des compétences au cours des années passées ; il faut les retrouver. C'est le sens de l'Université des métiers du nucléaire que nous avons créée. Nous avons besoin de soudeurs, de chaudronniers, d'ingénieurs : tout cela prendra du temps, mais disposer d'un plan de charge, avec six réacteurs commandés et huit à l'étude, nous permettra de remettre sur pied une filière qui a souffert des incertitudes dans le passé.

Vous avez raison, madame Batho, il faut que des tarifs de référence se substituent aux tarifs régulés du gaz, à partir du printemps prochain. Sans cela, le bouclier tarifaire pourrait se trouver fragilisé. La Commission de régulation de l'énergie est en train de négocier ces tarifs qui sont indispensables.

S'agissant des offres pour les entreprises ou les collectivités locales, il est essentiel que des discussions aient lieu avec les fournisseurs d'énergie, que le montant des garanties soit moins élevé qu'il ne l'est actuellement et que le Médiateur national de l'énergie intervienne lorsque ces discussions ne peuvent aboutir. C'est un sujet de préoccupation majeur : nous demandons aux fournisseurs d'énergie de faire preuve de modération dans les tarifs, sous le contrôle de l'État, et notamment de réduire le montant des garanties, sous peine de faire exploser la facture des entreprises comme des collectivités locales.

Monsieur Bothorel, nous avons requalifié les dark stores en entrepôts, ce qui donne aux collectivités locales la possibilité de réguler comme elles le souhaitent et de manière très autonome cette activité. Quant à la moutarde, nous en avons beaucoup importé du Canada, ce qui ne me paraît plus souhaitable. La Bourgogne a annoncé qu'elle allait augmenter sa production, ce qui me paraît l'être infiniment plus.

Monsieur Alexandre, nous soutiendrons les collectivités qui en ont le plus besoin, mais il me paraît de bonne politique de distinguer celles qui sont bien ou mal gérées. On ne peut pas traiter tout le monde la même manière. Certaines collectivités peuvent engager des dépenses de fonctionnement très lourdes. L'argent public ne sortant pas de nulle part mais de la poche du contribuable, il me paraît légitime de faire une distinction entre les collectivités qui ont bien géré leurs affaires au cours des années passées et celles qui l'ont moins bien fait. Cependant, je le répète, nous sommes disposés et déterminés à soutenir les collectivités locales qui en ont besoin. Un grand nombre d'entre elles sont en grande difficulté alors même qu'elles sont bien gérées, il faut leur apporter de l'aide.

Monsieur Lamirault, je suis prêt à examiner la question de la régionalisation de l'indice dans un esprit d'ouverture.

Madame Chikirou, je ne chéris pas particulièrement le monde de l'assurance, et cette remarque était un peu gratuite. Nous allons demander aux assureurs exactement ce que nous avons négocié avec les banques depuis maintenant plusieurs semaines. Cette négociation, qui a été franche et parfois difficile, a abouti à un plafonnement de l'augmentation des frais bancaires à 2 % en 2023, et même pour certaines à un gel des tarifs bancaires. Ce couloir qui va de 0 à 2 % d'augmentation est une vraie sécurité pour nos compatriotes. Que doivent-ils penser : que tout va toujours augmenter sans fin, le prix de la baguette, le litre d'essence, le paquet de pâtes, l'alimentation des enfants et les fournitures scolaires, et qu'il en ira de même pour l'assurance habitation, l'assurance auto et les frais bancaires ? C'est cela qui crée l'angoisse. Le bouclier au contraire, c'est ce qui rassure, qui permet de faire ses comptes et de tenir son budget. C'est la méthode que j'applique à chaque fois, pour le gaz, pour l'électricité ou pour les tarifs bancaires. Tous les Français ont la garantie que les frais liés à leur carte bancaire, par exemple, n'augmenteront pas de plus de 2 %.

Il faut qu'il en aille de même pour les assureurs. Ceux-ci m'expliquent que l'année 2022 a été extraordinairement difficile, mais elle l'a été pour beaucoup de monde ! Il n'y a pas de raison qu'ils ne contribuent pas, eux aussi, à l'effort collectif.

Je précise, en parlant des banques, que nous avons aussi obtenu que les clients vraiment en difficulté, soit environ 700 000 personnes – et désormais un peu plus – se voient proposer des offres spécifiques limitant les frais bancaires à 1 euro par mois maximum, au lieu de 3 précédemment : c'est toujours cela d'économisé.

Monsieur Girardin, je suis tout à fait prêt, comme je l'ai déjà dit – ainsi, me semble-t-il, que la ministre concernée – à avoir un débat approfondi sur la rénovation énergétique. La rénovation énergétique efficace est la rénovation énergétique globale. Sinon, les ponts thermiques rendent vains tous les gestes individuels, qui coûtent très cher. Je suis donc très favorable à l'idée d'ouvrir une réflexion sur la transformation de MaPrimeRénov', dispositif qui fonctionne remarquablement bien, en un dispositif de rénovation énergétique globale assurant une efficacité énergétique décuplée. Quand on engage de l'argent public, il faut s'assurer que c'est efficace en termes de réduction des émissions de CO2 et de lutte contre le réchauffement climatique. Nous pouvons faire mieux en matière de rénovation énergétique.

Madame Simonnet, j'ai bien entendu votre colère. Je répète que le bouclier énergétique profitera bien à tous les consommateurs d'énergie, pour qui le taux sera bien de 15 % et non pas de 120 %. Personne, du reste, ne sera à 120 % : il n'est pas question que des gens aient une telle explosion de leurs factures.

Monsieur Rodwell, il y a trois grands piliers de la politique industrielle. La formation, tout d'abord, est la clé absolue. Il faut rétablir en France une culture industrielle et faire en sorte que l'industrie redevienne attractive pour les jeunes qui choisissent une qualification et une formation. Nous en sommes encore loin, et tous les sondages réalisés par le Trésor montrent que l'industrie reste trop rébarbative pour les jeunes, alors même qu'elle a radicalement changé.

Le deuxième défi est l'innovation, qu'il faut continuer à financer pour que notre industrie reste à la pointe des technologies les plus avancées. L'exemple de Global Foundries et de son investissement dans les semi-conducteurs à Crolles est excellent : après trois ans de négociations et trois ans de discussions, Global Foundries s'installe à Crolles chez STMicroelectronics, et la France reste parmi les cinq ou six États qui maîtriseront la fonderie de semi-conducteurs jusqu'à 3 nanomètres. C'est un résultat absolument stratégique pour notre pays – mais un tel résultat suppose de l'innovation et de l'investissement.

Troisième élément, il faut rester attractifs en termes fiscaux. C'est la raison pour laquelle nous poursuivons la baisse des impôts de production.

Monsieur Martinet, vous avez évoqué à très juste titre le bouclier tarifaire pour le logement collectif. De fait, nous avons été saisis cet été d'une difficulté concernant les HLM. Or tous les particuliers doivent bénéficier du bouclier, y compris ceux qui résident dans des HLM. Si des difficultés demeurent, si des hausses de tarif se produisent – pour avoir été durant quinze ans élu de quartiers difficiles à Évreux, je sais quel écart il peut y avoir entre ce que nous disons et l'exécution sur le terrain – nous sommes prêts à examiner chaque cas particulier pour apporter des solutions. Il n'est pas question que des locataires de HLM se trouvent dans des situations financières intenables.

Monsieur Lopez-Liguori, pour ce qui concerne le cloud souverain, je vous redis mon hostilité totale à la législation extraterritoriale américaine. L'objectif de la certification SecNumCloud est précisément d'identifier les données sensibles, privées ou professionnelles, de les sécuriser et d'interdire toute transmission à la législation américaine. Ce dispositif sera efficace s'il se développe aussi au niveau européen, et je reconnais bien volontiers que cela fait encore l'objet d'un débat avec nos partenaires, dont certains estiment que la législation extraterritoriale américaine ne leur pose pas de problème. Pour ma part, je considère qu'il n'y a pas de souveraineté nationale ni européenne si une loi d'un autre État, hors de France et d'Europe, s'applique au territoire français ou européen. Je suis hostile à toute forme de législation extraterritoriale et SecNumCloud nous en protège : pour résumer, le juge américain ne pourra pas venir récupérer les données placées dans ce cadre.

Quant à savoir s'il faut sortir du marché européen, madame Battistel, je crois que nous avons au contraire tout intérêt à renforcer la solidarité européenne.

Je prends note également de votre question relative à l'IFER mobile. Pour l'instant, nous nous contentons – et c'est déjà beaucoup – de supprimer la CVAE, pour 8 milliards d'euros.

Dernière précision sur le bouclier tarifaire, je confirme que tous les Français peuvent souscrire au tarif réglementé de vente (TRV) et être protégés par le bouclier tarifaire, et que tous les fournisseurs d'électricité, alternatifs ou non, peuvent proposer des contrats indexés sur les TRV et couverts par le bouclier tarifaire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion