Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du mardi 27 septembre 2022 à 15h00
Commission des affaires sociales

Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion :

Le projet de loi est court puisqu'il comporte cinq articles.

L'article 3 donne une nouvelle base légale à la définition de l'électorat aux élections professionnelles des comités sociaux et économiques. Une décision du Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, avait fragilisé le droit de vote. Nous sécurisons donc le processus électoral en vue des élections professionnelles qui se tiendront en décembre.

L'article 5 ratifie vingt et une ordonnances dont vingt concernent la crise sanitaire et ses conséquences économiques et sociales. Certaines des mesures qu'elles comportent sont éteintes, d'autres continuent de s'appliquer. Il s'agit de sécuriser les actes juridiques qui en découlent en respectant scrupuleusement la procédure de l'habilitation. La vingt et unième ordonnance a trait à la modernisation du recouvrement des contributions des employeurs au titre du financement de la formation professionnelle et de l'apprentissage. C'est une mesure très technique qui gagne en sécurité juridique grâce à la ratification de l'ordonnance.

L'article 4 concerne la validation des acquis de l'expérience (VAE). Carole Grandjean vous présentera ses dispositions.

Les articles 1er et 2 portent sur l'assurance chômage. En préambule, je voudrais rappeler les acquis de la réforme décidée en 2019 mais qui, pour de multiples raisons au premier rang desquelles évidemment la crise sanitaire, n'est entrée en vigueur qu'au second semestre 2021.

Cette réforme visait à lutter contre l'explosion des embauches en contrats courts depuis vingt ans. Le nombre d'embauches en contrat à durée déterminée (CDD) de moins d'un mois avait été multiplié par 2,5 depuis 2000 quand les embauches en contrat à durée indéterminée (CDI) augmentaient dans le même temps de moins de 1,5. La réforme avait également pour but d'apporter une réponse définitive au déficit structurel de l'assurance chômage, lié en partie à la prolifération des contrats courts.

Ce modèle n'était plus acceptable. Il pesait lourdement sur les finances du régime d'assurance chômage : entre 2009 et 2019, le déficit s'élevait à 2,9 milliards d'euros en moyenne par an.

Le décret du 28 juillet 2019 a donc entériné une réforme ambitieuse de l'assurance chômage qui a pris effet à partir de juin 2021.

Cette réforme ouvrait de nouveaux droits aux travailleurs indépendants, puis aux salariés démissionnaires qui s'engagent dans une reconversion professionnelle. Pour ces derniers, elle prend corps puisque depuis 2019, 20 000 personnes ont bénéficié de l'assurance chômage à ce titre.

Ensuite, elle a révisé le mode de calcul des allocations chômage : le calcul du salaire journalier de référence a été modifié de sorte que le travail reste toujours plus rémunérateur que le chômage.

Le seuil minimal pour toucher une allocation chômage est passé de quatre mois dans les vingt-huit derniers mois à six mois dans les vingt-quatre derniers mois.

Une dégressivité du montant des allocations a été instaurée à partir du septième mois pour tous les salariés qui gagnaient plus de 4 500 euros brut en moyenne par mois.

Enfin, elle a instauré un bonus-malus dans sept secteurs économiques très utilisateurs de contrats courts.

Depuis le 1er septembre 2022, environ 6 000 entreprises qui abusent des CDD paient une surcotisation au titre de l'assurance chômage – le malus –, pouvant s'élever jusqu'à 1 point de cotisation supplémentaire sur l'ensemble de leur masse salariale. Dans le même temps, 12 000 entreprises bénéficient d'un bonus, pouvant aller jusqu'à 1,05 % de leur masse salariale, car elles ont moins recours aux contrats courts que la médiane des entreprises de leur secteur. Ces premiers résultats sont meilleurs que ce que nous anticipions. Nous le devons à la fois à l'effet incitatif de la réforme mais aussi à la conjoncture économique, qui a certainement convaincu les entreprises de privilégier les contrats longs ou le maintien dans l'emploi de leurs salariés dans une période de tension sur les recrutements.

Même s'il est trop tôt pour l'affirmer avec une totale certitude, nous commençons à observer de premiers effets encourageants de la réforme de 2019.

Ainsi, le régime d'assurance chômage revient aux excédents dès 2022. Dans ses dernières projections, l'UNEDIC prévoit un excédent s'élevant à 2,5 milliards d'euros en 2022 contre un déficit de 1,9 milliard d'euros en 2019. Nous constatons une stabilisation du nombre d'embauches en contrats courts et une hausse du nombre des embauches en CDI. Au deuxième trimestre de 2022, le nombre d'embauches en contrats d'un mois est à son niveau moyen de 2019 alors que les embauches en CDI sont supérieures de près de 20 %.

Dès lors, pourquoi agir à nouveau aujourd'hui ?

Le décret du 28 juillet 2019 est qualifié de décret de carence car il est venu définir les règles de l'assurance chômage après que les partenaires sociaux n'étaient pas parvenus à un accord.

Le premier article du projet de loi transfère au Gouvernement pendant une période de quatorze mois, donc de manière provisoire, la compétence dévolue aux partenaires sociaux par la loi du 5 septembre 2018 pour déterminer les règles d'indemnisation.

Nous souhaitons prolonger les règles jusqu'au 31 décembre 2023 pour laisser le temps à la réforme de 2019 de déployer ses effets. Nous souhaitons également prolonger le bonus-malus jusqu'au 31 août 2024 pour mener à son terme la période d'observation de trois ans.

La relance d'un nouveau round de négociations dès maintenant n'aurait pas de sens. Les nouvelles règles étant entrées en vigueur il y a moins d'un an, il paraît nécessaire de laisser un peu de temps à la réforme pour en observer les premiers effets. L'évaluation a été confiée à la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), qui a lancé cet été une série d'études et de travaux de recherche.

Nous souhaitons prolonger les règles mais aussi les rendre plus réactives à la conjoncture économique.

Le système d'assurance chômage remplit imparfaitement son rôle : sur les quinze dernières années, quand le chômage était au-dessus de 10 %, 55 % des demandeurs d'emploi étaient indemnisables alors que cette part est montée à 61 % fin 2019 avec un chômage qui baissait. C'est le contraire de ce que nous souhaiterions observer puisque l'assurance chômage doit à nos yeux être une protection en cas de difficulté.

La France se caractérise par un taux de chômage structurel qui reste assez élevé, à 7,4 % tandis que nous connaissons des difficultés de recrutement très importantes – 60 % des entreprises en font part et 30 % des entreprises industrielles se plaignent de voir leurs capacités de production limitées par ces difficultés. Cela tient à la conjoncture économique mais aussi au caractère insuffisamment incitatif au retour à l'emploi du régime d'assurance chômage.

Notre système est l'un des plus généreux d'Europe : la durée d'indemnisation et les seuils d'éligibilité sont plus favorables. En revanche, le taux de remplacement, c'est-à-dire le ratio entre l'allocation et le salaire moyen, est plutôt conforme à la moyenne européenne.

C'est pour cette raison mais aussi parce que nous prenons des mesures destinées à soutenir le pouvoir d'achat des Français que je ne suis pas favorable à une modulation du montant des indemnités chômage. La concertation avec les partenaires sociaux portera sur la durée d'affiliation et la durée d'indemnisation mais pas sur le montant de l'indemnité.

La philosophie de la réforme est simple : quand il y a moins d'emplois, il est nécessaire que les règles deviennent plus protectrices et quand il y a plus d'emplois, elles doivent devenir plus incitatives. Ce mécanisme sera examiné en concertation approfondie avec les partenaires sociaux dans les prochaines semaines. J'ai demandé aux services du ministère d'élaborer un support présentant les différentes pistes tant pour les indicateurs ayant vocation à qualifier la situation du marché de l'emploi ou la conjoncture économique que pour les critères de modulation, à l'exception du montant des indemnités. Tous les paramètres sont sur la table.

Notre objectif est que la réforme entre en vigueur au début de l'année 2023. La période de quatorze mois qui s'ouvre avec le projet de loi prendra fin en décembre 2023 au moment où France Travail sera opérationnel et où nous aurons pu mener une négociation interprofessionnelle sur la gouvernance de l'assurance chômage ainsi que renouveler la convention tripartite entre Pôle emploi, l'État et l'UNEDIC. Je me suis engagé sur ces points auprès des partenaires sociaux.

L'article 2, particulièrement technique, autorise la transmission des noms des personnes qui ont quitté l'entreprise et qui se sont inscrits à Pôle emploi. Ces informations permettront à l'entreprise de vérifier sur pièce la façon dont leur taux de séparation, lequel détermine l'application d'un bonus ou d'un malus dans les sept secteurs concernés, a été calculé. C'est une disposition attendue qui permettra de rétablir la confiance à l'égard de ce dispositif.

Je laisse la parole à la ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels pour présenter les dispositions relatives à la validation des acquis de l'expérience.

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