Intervention de Carole Grandjean

Réunion du mardi 27 septembre 2022 à 15h00
Commission des affaires sociales

Carole Grandjean, ministre déléguée auprès du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, chargée de l'enseignement et de la formation professionnels :

La réforme de l'assurance chômage comme celle de la VAE illustrent notre philosophie : l'incitation au retour à l'emploi va de pair avec la possibilité donnée à chacun de renforcer son employabilité.

La VAE doit permettre à un plus grand nombre d'individus d'accéder à une certification et ainsi de progresser sur le chemin vers l'emploi. À cette fin, les dispositions de l'article 4 sont la première pierre d'une rénovation profonde de la VAE.

La VAE ne convainc pas ; elle est vécue comme un parcours du combattant et n'est pas considérée comme la troisième voie d'accès à la qualification, aux côtés de la formation initiale et de la formation continue. Elle souffre d'un manque d'attractivité flagrant : seulement 30 000 parcours ont été réalisés l'an dernier, soit deux fois moins qu'il y a dix ans.

Il s'agit pourtant d'un dispositif d'avenir, capable de soutenir efficacement les parcours de promotion, d'évolution et de reconversion professionnelles des actifs. La VAE doit aussi contribuer efficacement à la lutte contre les tensions de recrutement et à la recherche du plein emploi. Si nous voulons aider les actifs à mieux faire face aux mutations de l'économie, nous devons mieux reconnaître les compétences acquises tout au long d'une vie.

Ce projet de loi constitue un progrès social important car il ouvre la voie à la reconnaissance des compétences sociales, associatives ou bénévoles, notamment pour les proches aidants.

L'article 4 entend lever les freins à un plus large accès à la VAE. Il répond aux demandes formulées par les acteurs eux-mêmes tout en tirant les leçons des expérimentations qui ont été menées.

Il poursuit deux objectifs fondamentaux afin d'atteindre le chiffre de 100 000 parcours commencés par an d'ici à la fin du quinquennat : d'abord, l'accès au dispositif doit être élargi, en intégrant les compétences acquises dans le cadre des périodes de mise en situation en milieu professionnel ; en ouvrant l'accès à la VAE aux proches aidants. Je salue Annie Vidal et Paul Christophe, qui, comme d'autres parlementaires, se sont engagés lors de la précédente législature en faveur de la reconnaissance des proches aidants.

Ensuite, nous souhaitons sécuriser les parcours des candidats grâce à une individualisation accrue, en autorisant l'accès à un accompagnement en amont de la phase de recevabilité, dont on sait qu'elle est une source de complexité et d'abandons ; en permettant aux associations de transition professionnelle de financer des parcours d'accompagnement à la VAE pour les salariés qui souhaitent se reconvertir.

Sachez que seulement 10 % des personnes qui s'engagent dans une VAE achèvent leurs parcours et obtiennent l'entièreté de la certification visée ; la durée moyenne d'un parcours est de dix-huit mois. On ne saurait mieux dire la complexité et surtout le découragement qu'elle suscite chez les demandeurs d'emploi comme chez les salariés et les chefs d'entreprise.

Je vous propose de suivre rapidement Pauline, salariée d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), dans toutes les étapes de son parcours. D'abord, l'information disponible sur la VAE est très segmentée et peu lisible, elle renseigne mal sur les articulations possibles entre la VAE, la nature de l'expérience acquise et le projet professionnel du candidat. Pour Pauline, il a été particulièrement complexe d'obtenir une information personnalisée sur l'orientation qu'elle souhaitait donner à sa carrière. Ensuite, la constitution d'un dossier avec bulletins, attestations et autres certificats ainsi qu'une « auto-analyse » de ses compétences est une vraie barrière pour les moins qualifiés. Pour Pauline, allophone et dont la carrière est faite de métiers différents, cela a été difficile, et parfois décourageant. Elle aura attendu deux mois la réponse de l'administration, heureusement positive. Vient ensuite la phase de mobilisation des financements pour bénéficier d'un accompagnement en vue de l'épreuve de validation. Entre Pôle emploi, l'opérateur de compétences et le compte personnel de formation, il est difficile de savoir vers qui se tourner pour obtenir le financement, et les délais sont aussi longs que les interlocuteurs nombreux. Là encore, le découragement n'est jamais loin.

Pourtant l'accompagnement est essentiel pour garantir ses chances de succès devant le jury. Pour Pauline, les exercices de rédaction requis dans le dossier sont une épreuve. Imaginez dans ce cas produire par écrit une analyse détaillée des situations de travail qu'elle a vécues, parfois il y a plusieurs années, ou bien prouver l'adéquation des résultats professionnels obtenus avec les objectifs fixés par ses responsables. Sans un accompagnement adapté et individualisé, il n'est pas étonnant que de nombreux candidats jettent l'éponge. Si Pauline n'avait pas bénéficié d'un accompagnement à la hauteur, les chances d'un échec ou d'une validation partielle étaient réelles.

Je compte sur les débats et sur votre mobilisation pour aller plus loin encore que ce que prévoit ce texte. Je salue la volonté des groupes de la majorité et des Républicains d'avancer ensemble pour parvenir à une transformation profonde des parcours de VAE. Ce sujet est susceptible de tous nous rassembler tant la contribution à l'intérêt collectif de notre nation saute aux yeux. Nous devons réussir le pari de la modernisation, de la simplification et de la sécurisation des parcours de VAE.

S'agissant de la simplification, je salue la proposition des Républicains d'alléger le cadre juridique actuel pour définir par voie réglementaire une nouvelle procédure dont les fondamentaux sont posés dans le projet de loi. Le travail de simplification a pour but d'en finir avec une VAE trop administrative. J'approuve également l'idée d'une validation des acquis sous la forme de blocs de compétences.

Quant à la sécurisation, je soutiens la proposition de la majorité de doubler le congé VAE pour les salariés afin qu'ils se préparent mieux au passage devant le jury. Je suis également favorable à l'élargissement à tous les salariés des décisions d'allongement de ce congé prises par les branches professionnelles. Je souscris également à la volonté de simplifier les règles relatives à l'organisation et à la composition des jurys. Je salue l'engagement de la majorité,t notamment de la présidente de la commission, sur ces deux derniers points.

Nous partageons aussi, évidemment, vos objectifs, cher monsieur Serva, même si nous divergeons sur les moyens à employer.

Enfin, en ce qui concerne la modernisation, nous sommes convaincus de la nécessité de faire entrer la VAE dans le XXIe siècle, en lui offrant un espace numérique dédié, point d'entrée unique pour les usagers en matière d'information, de promotion et de conseil.

En d'autres termes, nous souhaitons une procédure plus simple, plus lisible et plus rapide. Les expérimentations ont prouvé qu'un parcours de VAE pouvait être réduit à quatre mois en moyenne.

Nous entendons les craintes d'une partie d'entre vous qui redoutent une dévalorisation des certifications : soyez rassurés, le niveau d'exigence ne dépend pas de la procédure mais des jurys, qui sont les seuls à pouvoir décider de la réalité de la compétence.

Sur une telle réforme, l'enrichissement parlementaire est bienvenu. Nous devrons veiller à améliorer la qualité des accompagnements afin que tous nos concitoyens qui souhaitent accéder à la VAE disposent d'un guichet unique dédié, d'un accompagnement individualisé et de toutes leurs chances pour réussir.

La VAE est un dispositif qui mérite d'être connu, reconnu et valorisé, car il est non seulement au cœur de la bataille du plein emploi mais aussi de notre pacte social et républicain.

Je compte donc sur vous pour voter largement ce texte et ainsi faire du droit à la reconnaissance permanente des compétences, quelles qu'elles soient et tout au long de la vie, un droit réel, au cœur de la société du savoir et des compétences que nous voulons construire.

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