Intervention de Benoît Vallet

Réunion du mercredi 28 septembre 2022 à 9h00
Commission des affaires sociales

Benoît Vallet :

Je remercie Mme Parmentier-Lecocq pour son intervention. Le programme de recherche environnement-santé-travail porte sur de nombreux sujets, notamment les nanotechnologies, mais je ne saurais dire s'il finance des travaux concernant les effets du trafic aérien et l'invasion de sargasses. Néanmoins, si vous souhaitez des informations précises, la programmation des recherches est accessible à tous. J'ajoute que j'établirai des échanges nourris avec le ministère de la recherche, même si la loi de programmation de la recherche ne semble pas comporter de champ santé-environnement – ce qui peut paraître étonnant.

S'agissant de l'accès à une alimentation de qualité, il ressort d'études en vie réelle qu'il n'existe pas toujours une relation stricte entre la qualité nutritionnelle et le coût : on peut parfois améliorer l'alimentation sans augmentation du coût. On a également observé que la compréhension du nutri-score était la même pour toutes les catégories sociales. L'étiquetage nutritionnel a deux avantages : l'information du consommateur et la reformulation des produits par les industriels afin d'obtenir un meilleur nutri-score. Nous l'avons vite constaté grâce à la table du Centre d'information sur la qualité des aliments. La qualité nutritionnelle est induite par la présence du nutri-score. Celui-ci n'est pas obligatoire mais les industriels doivent le faire figurer sur les produits de leurs gammes, quel que soit le score obtenu, à partir du moment où ils décident d'y avoir recours. La composition des aliments doit être fournie à l'Observatoire de l'alimentation.

Certains d'entre vous ont évoqué les rapports de juillet 2022 sur les nitrites et les nitrates, en particulier sous l'angle de leur impact législatif. Ces travaux importants de l'ANSES montrent de façon nette la relation qui peut exister entre un excès de consommation de nitrites, qui se trouvent plutôt dans la charcuterie, et de nitrates, plutôt présents dans l'eau, et le risque de cancer par une transformation en produits nitrosylés dans l'organisme. N'oublions pas néanmoins, et cela a été rappelé, que ces produits ont aussi un effet bactéricide qui empêche l'apparition de certaines maladies. Il faut trouver un équilibre. La diminution des nitrites dans les années à venir doit réduire le risque d'exposition chronique sans pour autant dégrader la sécurité alimentaire. Comme pour d'autres sujets, il faut tenir compte de la balance bénéfices-risques. Lorsque j'étais directeur général de la santé, on me demandait à la fois ce que je faisais contre la recrudescence de moustiques aux Antilles, en particulier ceux vecteurs de maladies graves, et pour diminuer l'utilisation des biocides...

S'agissant des maladies professionnelles, l'ANSES est chargée de l'expertise au sujet des expositions. Elle ne se prononce pas sur les demandes d'inscription dans les tableaux. Ceux-ci évoluent. Un tableau de maladie professionnelle relatif au cancer de la prostate en lien avec l'exposition professionnelle aux pesticides vient d'être créé. Les relations entre l'ANSES et le ministère du travail sont importantes, et les programmes concernant la santé au travail sont riches. Nous resterons mobilisés sur ces sujets.

La question de la prévention se pose dans le cadre d'une stratégie dépassant les comportements individuels vertueux, comme la consommation d'aliments de qualité et la pratique d'une activité physique adaptée. Il faut intégrer la dimension environnementale. C'est pourquoi le ministre de la santé a proposé de suivre une logique dite One Health, qui consiste à considérer l'ensemble des risques de façon simultanée. La notion d'exposome désigne la somme des expositions au cours d'une vie, à la fois les comportements non favorables et ce qui relève de la santé environnementale. L'ANSES a créé un groupe de travail sur l'exposome ; des bases de données ont vu le jour en France. Les données issues de la biosurveillance – la mesure de certains paramètres dans l'organisme – sont croisées avec des éléments cliniques observés par ailleurs. Ce travail – je pense en particulier à l'étude Esteban – permet de renforcer notre connaissance de risques liés à des expositions chroniques et à l'effet cocktail. Nous avons mis en place le même type de processus pour le chlordécone afin de déterminer des valeurs toxicologiques internes, et pas seulement externes. C'est un guide supplémentaire pour appréhender l'impact réel d'une exposition au niveau individuel.

L'harmonisation au niveau européen est importante, notamment pour les métabolites de pesticides. Cela fait partie des combats de l'ANSES. C'est notamment le sens du projet PARC, dont j'ai déjà parlé. Ce projet est coordonné par l'ANSES qui exerce ainsi une influence essentielle. Par ailleurs, le directeur général de l'ANSES siège au conseil d'administration de l'Autorité européenne de sécurité des aliments. S'agissant des substances chimiques, l'Agence prendra toute sa part à la révision du règlement REACH.

Des missions nouvelles, comme la gestion des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, ont été confiées à l'ANSES. Des transferts de moyens ont eu lieu en parallèle. Une de mes responsabilités au conseil d'administration était précisément de m'assurer que l'Agence avait les moyens nécessaires à son action. Sur ce plan, il existe des moyens hors plafond, notamment en matière d'emplois. Plus on obtient des financements de recherche, notamment européens, plus on peut engager des ressources humaines. L'ANSES est très performante pour les appels à projets puisque son taux de succès est d'environ 28 %.

Le conseil d'administration n'a pas de rôle exécutif. Son président n'est pas le directeur de l'agence. Il est là pour s'assurer, avec les représentants de la société civile et de l'État, de moyens suffisants, d'une déontologie respectée et d'un programme d'action suivi.

L'ANSES travaille beaucoup avec l'INRAE, qui fait partie de ses ressources en matière de production scientifique. C'est un aspect essentiel : quand il s'agit de savoir, par exemple, si l'amiante peut être responsable d'autres cancers que ceux du larynx ou des ovaires, on ne peut pas répondre à la question s'il n'existe pas de production scientifique. Il faut alors proposer des travaux de recherche supplémentaires. L'Institut national du cancer et Santé publique France peuvent engager des recherches épidémiologiques. Les cas étant très rares, la plausibilité d'un lien est parfois délicate à établir.

Le bien-être animal est très important pour l'ANSES, y compris en matière de recherche. Nous évitons, au maximum, d'avoir recours à des études animales. Des substitutions peuvent être possibles.

S'agissant des feux de forêt, je ne saurais dire si l'avis d'il y a quelques années doit être revisité et s'il est prévu de le faire. Mais je prends note de la question. Je regarderai, si je suis nommé, s'il faut revoir cet avis compte tenu de l'actualité ou simplement le représenter aux élus locaux. L'augmentation du nombre d'incendies a été exponentielle cette année. C'est un sujet majeur de préoccupation au vu des effets sur la santé humaine, animale et végétale. L'ANSES sera sans doute saisie de cette question dans le cadre de la vision One Health.

L'Agence est partie prenante de l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur. Par ailleurs, les travaux relatifs à l'exposome et à la biosurveillance portent notamment sur la pollution de l'air.

Metaleurop est un sujet qui me préoccupe au quotidien. Des lanceurs d'alerte avaient signalé que les sites n'avaient pas été dépollués autant que nécessaire après l'arrêt de la production. Nous avons donc refait une campagne complète de biosurveillance pour mesurer la plombémie, notamment chez les enfants, parce qu'un certain nombre d'écoles étaient à risque. Après plusieurs centaines de mesures, nous avons trouvé quelques cas dans lesquels la valeur de 50 microgrammes de plomb par litre de sang était dépassée – le seuil du saturnisme s'élevait précédemment à 100 microgrammes, mais il a été abaissé en application du principe de précaution. Dans ces quelques cas, la valeur trouvée ne dépasse pas 52 ou 53 microgrammes : on est donc près de la valeur limite. Par ailleurs, on a trouvé d'autres causes comme la peinture utilisée à l'intérieur des habitations. Les médecins informés – nous avons relancé la campagne d'information – ont la possibilité de faire procéder à des examens par des laboratoires de biologie, mais ils ont été systématisés avec l'assurance maladie pour des prises en charge totales.

En ce qui concerne le chlordécone, une restitution importante des travaux de l'ANSES aura lieu en Guadeloupe en décembre, la précédente restitution s'étant tenue en Martinique. Le ministère de la santé y contribuera. Cette restitution portera notamment sur la biosurveillance et l'évolution des responsabilités en matière d'exposition, par exemple dans les jardins, les cultures maraîchères de proximité et la pêche. Tous ces aspects sont suivis depuis plusieurs années dans le cadre des différents plans Chlordécone. Si je suis nommé directeur de l'ANSES, je participerai naturellement à ces travaux. Lorsque j'étais directeur général de la santé et que je m'occupais du plan Chlordécone 3, j'ai souvent indiqué que le chlordécone des bananeraies des Antilles, avec les conséquences que l'on sait pour les sols et l'eau, conduisait à des innovations dans les stratégies suivies, qui serviraient ailleurs sur le territoire national, notamment pour les sites et les sols pollués. On le voit actuellement à propos des métabolites de pesticides, même si la chloridazone n'a jamais été reconnue cause de maladies professionnelles. Dans les Hauts-de-France, j'en profite pour le souligner, plus de 500 produits sont recherchés dans des milliers de points de captage et d'unités de distribution.

Les relations qu'entretient l'ANSES avec la DGCCRF sont celles d'un organisme avec sa tutelle – la directrice générale de la DGCCRF en fait partie. Le groupe des cinq directeurs exerçant la tutelle se réunit plusieurs fois par an. Il établit notamment le COP de l'ANSES, pour s'assurer qu'elle travaille dans le sens voulu par l'État, et le COP est ensuite examiné par le conseil d'administration. La santé des consommateurs est un axe important des travaux demandés par la tutelle. L'ANSES travaille aussi avec les organisations de consommateurs, assez proches de structures faisant de la recherche et développant de l'expertise, dans des domaines tels que l'amélioration de la santé alimentaire, les protections féminines ou les couches pour enfants.

Je ne m'étais pas encore emparé de la question de la composition des produits spéciaux pour les maladies rares, mais je vais le faire. Je regarderai la contribution de l'ANSES.

Nous avons un rôle de chef de file en ce qui concerne les perturbateurs endocriniens. La France a été à l'initiative de tout ce qui a été fait concernant le bisphénol A. La limitation de son usage, lorsque j'étais directeur général de la santé, a été vécue au niveau européen comme une première.

Il peut effectivement être délicat de se trouver, parfois, en contradiction avec les marchés – vous avez évoqué l'influence des industriels au niveau européen. L'Europe est d'abord un marché avant d'être une organisation qui pense à la santé des personnes. Il faut une évolution. L'ANSES a un rôle important à jouer. Nous avons besoin de normes européennes, en particulier une définition des perturbateurs endocriniens, et de stratégies communes.

J'en viens à l'éventuelle contradiction entre certaines recommandations de limitation de la consommation des boissons sucrées et les repères nutritionnels proposés. La convergence entre Santé publique France et l'ANSES au sujet des intérêts nutritionnels est totale. Je pense aux travaux sur l'impact du nutri-score, dans lesquels l'Observatoire des aliments a été totalement impliqué. Je signale aussi avoir travaillé sur la question sensible des sucres ajoutés dans les boissons consommées outre-mer, lorsque j'étais directeur général de la santé, et que les textes réglementaires ont évolué.

L'ANSES continuera à travailler sur l'impact des éoliennes sur la faune sauvage ou les animaux d'élevage. Il y aura de nouvelles expertises mais les décisions de politique publique ne relèvent pas de l'Agence. Ses recommandations peuvent seulement influencer les décideurs.

En ce qui concerne les masques contenant du graphène, l'ANSES ne s'est pas prononcée de façon défavorable. Elle a indiqué que, ne percevant pas leur intérêt, elle recommandait de ne pas les utiliser, les masques chirurgicaux classiques ayant une efficacité reconnue. De plus, l'ajout de graphène n'a pas été justifié par les producteurs chinois.

J'ai tenté de répondre au mieux dans un temps assez restreint à vos nombreuses questions. Je reste à votre disposition pour de nouveaux contacts au rythme qui vous conviendra.

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