Intervention de Frédéric Gonand

Réunion du jeudi 22 septembre 2022 à 9h35
Commission des affaires européennes

Frédéric Gonand, Professeur d'économie associée à l'Université Paris-Dauphine :

Les approvisionnements énergétiques de gaz en Europe, au deuxième trimestre 2022, ont été convenablement assurés. En dépit de la fermeture progressive de trois des quatre gazoducs russes, l'Europe s'est largement approvisionné sur les marchés mondiaux de GNL, tout en doublant son niveau de restockage par rapport à l'année dernière. Deux facteurs expliquent cette situation : la faiblesse de la demande de gaz en Europe, imputable à des températures clémentes, et la demande chinoise de GNL qui a considérablement baissé au deuxième trimestre 2022.

La Chine est en effet le premier importateur mondial de GNL depuis 2020-2021, devant le Japon. Au regard de sa baisse de croissance liée à des reconfinements ciblés, la demande de GNL en Chine s'est tassée, facilitant ainsi de facto l'accès au marché mondial de ses concurrents, au premier rang desquels l'Union européenne.

L'approvisionnement en gaz des pays européens cet hiver, dépendra de deux facteurs : le facteur météorologique et le taux de croissance chinois. En effet, si la croissance chinoise redémarre, l'Union européenne devra faire face à un concurrent de taille. En 2023, l'offre mondiale de GNL devrait toutefois suivre la demande élevée, ce qui devrait permettre de diminuer les tensions sur les prix et l'approvisionnement.

Concernant le pétrole, les trois plus grands producteurs mondiaux sont l'Arabie Saoudite, les États-Unis et la Russie, qui produisent tous les trois environ 10 millions de barils par jour. La Russie exportait environ 4 millions de barils par jour, le reste de la production étant destiné à la consommation sur le marché intérieur.

En dépit des difficultés, la disparation de la Russie comme exportateur de pétrole peut être compensée, dans une certaine mesure, par l'organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). En effet, l'organisation dispose de capacités de productions supplémentaires, certes limitées, mais qui devraient atteindre deux millions de barils supplémentaires par jour, d'ici à la fin de l'année, amortissant ainsi, en partie, le choc. Par ailleurs, l'Iran dispose d'une capacité d'exportation d'un million de barils par jour.

Concernant le diesel, une grande partie des importations de l'Union européenne provenait de Russie dont le brut produit est aisément utilisable. Dans le contexte des sanctions à l'égard de la Russie, les Européens regardent par conséquent vers l'Afrique de l'ouest pour leurs importations de diesel.

Concernant la France, son approvisionnement en électricité dépend de deux facteurs : sa capacité à s'approvisionner en gaz et la disponibilité de son parc nucléaire. L'absence de disponibilité de la moitié du parc nucléaire pose de ce point de vue un problème.

Une autre point qui n'a pas été abordé concerne la possibilité de regazéifier le gaz importé et de le redistribuer aux différents pays de l'Union européenne. Or, les infrastructures en terminaux méthaniers sont peu nombreuses en Europe. L'Espagne et le Royaume-Uni sont les seuls à en disposer de manière significative. Toutefois, l'Espagne n'est reliée à la France que par deux gazoducs. Ainsi, l'Angleterre est le principal pays ayant les capacités suffisantes pour redistribuer le GNL en Europe.

Enfin, je voudrais rebondir sur l'idée selon laquelle l'investissement dans l'éolien et le photovoltaïque ferait baisser significativement la consommation de gaz. À très long terme, cette idée semble pertinente. Néanmoins, à court terme, une augmentation de la part de producteurs intermittents comme l'éolien et le photovoltaïque dans le mix énergétique nécessite un producteur d'électricité d'appoint qui puisse produire massivement à coûts fixes faibles. Ce producteur d'appoint ne peut être, à l'heure actuelle, que les centrales à gaz.

Concernant l'efficacité énergétique, les investissements nécessaires sont très importants. Or, la capacité de financement peut être problématique lorsque les taux d'intérêt remontent. Les réglementations bancaires limitant les engagements des banques à long terme sont également un frein supplémentaire.

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