Intervention de Paul Vannier

Réunion du lundi 20 novembre 2023 à 21h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Vannier :

Vous n'avez donc rien appris des gilets jaunes. Rien. Cinq ans après l'anniversaire du déclenchement de ce vaste mouvement populaire pour la justice fiscale, vous vous apprêtez, dans le catimini d'une procédure d'exception, à un nouveau matraquage des automobilistes : vous souhaitez les dissuader de contester leurs amendes de stationnement, en conditionnant la possibilité de le faire à leur paiement préalable.

Tout s'achète en Macronie, même le droit de protester contre une verbalisation jugée excessive. Il y a pourtant matière à contestation. Après l'instauration du FPS en 2018, des dizaines de milliers de requêtes ont été formulées chaque année. En 2019, un rapport sénatorial révélait que 55% d'entre elles avaient abouti à des annulations, preuve du caractère plus que contestable de très nombreuses amendes.

Le transfert de la compétence du stationnement payant, imposé par la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam), a en effet provoqué un véritable chaos. En 2018 à Paris, plus de 5 000 amendes illégales ont été produites par l'entreprise chargée de la verbalisation. Depuis, la lecture de la presse quotidienne régionale rapporte la chronique quotidienne d'injustices comme celle faite à des dizaines d'automobilistes d'Aix-en-Provence, sommés de payer des amendes pourtant déjà acquittées.

Partout dans le pays, la verbalisation de véhicules de personnes en situation de handicap, de parents en déposant leurs enfants à l'école ou de citoyens s'arrêtant pour acheter du pain scandalise les usagers de la voie publique qui dénoncent à raison la dérive d'un système qui ne vise qu'à faire du fric sur le dos des automobilistes. Une pluie d'amendes s'abat sur eux sous le double effet de l'automatisation des contrôles et de leur privatisation : entre 2018 et 2022, le nombre d'amendes pour stationnement est passé de 7,8 à 13,7 millions et les recettes tirées de ces contraventions de 157 à 340 millions d'euros – elles pourraient, selon certaines estimations, dépasser le milliard d'euros en 2023.

Cette manne attire bien des appétits. Le véritable marché de la verbalisation, qui s'est constitué en quelques années, est désormais dominé par les filiales de grands groupes du CAC 40, comme AXA ou le Crédit Agricole, pour lesquelles chaque amende de plus et une source de bénéfice supplémentaire. Scannés par les sulfateuses à amendes que constituent les véhicules pratiquant la Lapi, les automobilistes payent deux fois : l'une pour remplir les caisses publiques, l'autre pour régler les dividendes des actionnaires des sociétés privées de verbalisation.

Avec vous, c'est toujours l'intérêt de tous qui est bradé à la faveur de quelques-uns. Quand les députés insoumis proposent de bloquer les prix des carburants, vous votez contre. Quand nous faisons adopter un plan de financement massif pour le transport public afin de favoriser les alternatives à l'automobile, vous utilisez le 49.3. Pour vous, ceux qui n'ont d'autre moyen que de prendre leur véhicule pour aller travailler sont des vaches à lait que vous n'avez jamais fini de traire.

En 2020, le Conseil constitutionnel a pourtant jugé inconstitutionnelle la subordination de la possibilité de contester une amende à son paiement préalable. Quatre ans plus tard, vous tentez de passer par la fenêtre sans vous attaquer aux véritables causes de l'engorgement de la CCSP : son manque d'effectifs et de moyens. Pour ce faire, vous recourez à la procédure de législation en commission qui interdit toute possibilité d'amendement en séance et y limite le débat à une simple explication de vote de deux minutes. Notre groupe demandera de sortir le texte de cette procédure, afin de permettre à l'ensemble de la représentation nationale d'en délibérer.

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