Intervention de Nicolas Sansu

Séance en hémicycle du lundi 10 octobre 2022 à 21h30
Débat sur la dette

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Sansu :

Ce débat a un mérite, celui de ne pas laisser aux seuls libéraux le soin d'expliciter la réalité de la dette par un prisme que nous contestons. Oui, monsieur le ministre délégué, nous nous inscrivons en faux contre l'affirmation que la dette exorbitante serait le fruit d'un État trop dépensier. Une simple petite lecture historique suffit à le démentir. Pour commencer, le niveau actuel de la dette publique est la conséquence du haut niveau des taux d'intérêt durant les années 1980 et 1990, largement supérieur au taux de croissance. Ce surcroît explique à lui seul une part non négligeable de l'expansion de la dette – 13 points de PIB selon un rapport parlementaire de 2015. Bien sûr, cela n'a pas été perdu pour tout le monde : les détenteurs de la dette ont dû bien se régaler ! Cette question risque de se poser à nouveau avec la hausse des taux d'intérêt.

L'autre explication vient de la multiplication des dépenses fiscales et des baisses d'impôts des plus aisés : 130 milliards d'euros de baisses d'impôts et de cotisations entre 2000 et 2012, auxquels il faut ajouter 40 milliards d'euros d'exonérations de cotisations votées entre 2012 et 2017 et 55 milliards d'euros de baisses d'impôts depuis 2017.

Il est essentiel de mesurer l'ampleur de ces chiffres, d'autant que le déficit public est particulièrement haut cette année – il s'établira à 158 milliards d'euros – et que la charge fiscale continuera de basculer des entreprises vers les ménages et des plus riches vers les couches moyennes ou modestes, comme en attestent la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et le refus de taxer les superprofits.

Dans ces conditions, force est de constater que la dette joue avant tout un rôle politique et qu'elle participe à imposer des choix libéraux partout en Europe. Cette méthode s'appelle la sidération de la dette : elle conduit à tétaniser les peuples et à justifier les contre-réformes les plus libérales. Elle s'est exercée en Grèce et en Italie ; elle est toujours à l'œuvre chez nous avec les réformes iniques des retraites – l'âge de départ sera peut-être reculé jusqu'à 67 ans – et de l'assurance chômage.

À grands coups de communication, on nous rebat les oreilles avec le sempiternel poncif de la dette à 110 % ou à 112 % du PIB. Atteignant bientôt 3 000 milliards d'euros, la dette deviendra insoutenable, nous dit-on, sans manquer de faire la comparaison avec la situation d'un ménage. Mais l'État n'est pas un ménage ! S'il y a 3 000 milliards de dette, il y a également de 15 000 à 16 000 milliards d'actifs en comptant tout.

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