Intervention de Sarah Legrain

Réunion du mercredi 22 novembre 2023 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSarah Legrain :

Inès élève seule Mattéo, cinq ans, dont elle a la garde exclusive. Elle combine, tant bien que mal, toutes les contraintes de la maman seule avec celles du temps partiel subi, qui lui fournit tout juste ce qu'il faut pour le loyer. Elle ne reçoit pas d'allocations familiales, son versement débutant au deuxième enfant. Pas de chance pour elle, elle ne touche pas non plus de contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant – anciennement appelée « pension alimentaire » – car le père n'a pas été jugé solvable. Heureusement, elle reçoit l'ASF. Ces 187,24 euros mensuels sont loin de couvrir tous les besoins alimentaires, vestimentaires et culturels de son enfant. Mais c'est déjà ça. Ils atténuent un peu la rupture d'égalité entre Mattéo et son copain Martin, dont le père verse une pension alimentaire.

Inès se reconstruit progressivement. Elle met derrière elle les douleurs de la séparation et tombe amoureuse. Mais la voilà face à un dilemme : si elle se remet en couple, Mattéo perdra automatiquement le bénéfice de l'ASF. Peu importe que le nouveau conjoint soit dans une situation professionnelle précaire et que ses revenus soient inférieurs à ceux d'Inès, peu importe qu'elle se prépare à être solidaire s'il se retrouve au chômage ou au RSA et peu importe que son conjoint n'ait ni la garde ni l'autorité parentale sur son fils, car la CAF – et, derrière elle, le législateur – considère que, dès lors qu'Inès a un amoureux, Mattéo devra dépendre de ce dernier et perdre le droit à l'ASF. Contrairement à Martin, dont la mère s'est remariée et continue de toucher la pension alimentaire versée par le père.

La situation d'Inès n'est pas inventée : 39 000 Inès perdent l'ASF chaque année pour ce motif. C'est une injustice qui révolte les associations familiales et les collectifs que nous avons auditionnés et qui font part de leur incompréhension. C'est une injustice que 62 % des Français veulent abolir.

Nous vous proposons ce matin de réparer cette injustice subie par toutes les Inès et tous les Mattéo de France, d'affirmer que les droits de l'enfant sont inaliénables et ne doivent pas varier en fonction de la situation sentimentale des parents. Elle est révolue, l'époque où l'on considérait qu'une femme devait dépendre matériellement et moralement de son conjoint. Cela devrait faire l'unanimité.

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