Intervention de Stéphane Lenormand

Séance en hémicycle du lundi 4 décembre 2023 à 10h30
Motion de censure — Discussion et vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Lenormand :

Aucune disposition de votre texte ne semble prendre la mesure de ce phénomène, préoccupation majeure de nos concitoyens.

Nous dénonçons un PLFSS insuffisant pour faire face à l'inflation et aux besoins des établissements de santé. Les fédérations hospitalières sont unanimes : la hausse de l'Ondam ne suffira pas à compenser l'inflation, qui augmente les coûts de fonctionnement et affecte les projets d'investissement dans tous les secteurs, ni à couvrir les revalorisations salariales. Il manquera 2 milliards d'euros pour 2024, au bas mot.

Nous vous avons alertés sur la faiblesse des coefficients géographiques, en particulier ceux s'appliquant en outre-mer et en Corse, qui stagnent depuis de nombreuses années. Il s'agit pourtant du principal levier permettant de rattraper les retards structurels, mais également de compenser les surcoûts et les effets de seuil liés à l'insularité et à l'éloignement. Vous vous disiez ouverts à la discussion sur ce point : elles n'ont malheureusement pas abouti à une réévaluation.

Enfin, nous dénonçons un PLFSS insuffisant pour répondre aux besoins des aînés et pour doter la branche autonomie de moyens humains et financiers à la hauteur. Face à l'absence de ressources nouvelles, notre déception est immense. Le transfert d'une fraction de CSG – contribution sociale généralisée – à la CNSA – Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie – pour 2024 ne représentera que 2,6 milliards d'euros. Nous appelons à l'augmentation de la CSG sur les revenus du capital ou à l'instauration d'une contribution spécifique sur les grandes donations et successions. J'insiste également sur la question des métiers. Mon collègue Laurent Panifous n'a cessé de vous poser la question : combien de postes ont effectivement été créés sur les 3 000 budgétés en 2023 ? Pour 2024, vous annonciez la création de 6 000 ETP – équivalents temps plein –, soit à peine un poste par établissement. Chaque jour, votre promesse de recruter 50 000 postes d'ici à 2027 s'éloigne, perspective d'un échec considérable.

Il est encore temps d'y remédier. Vous vous êtes engagés à faire adopter une loi de programmation pluriannuelle sur le grand âge l'an prochain. Notre groupe, qui a défendu avec d'autres ce projet, sera évidemment au rendez-vous pour la coconstruire. Mais prenez garde à ne pas créer de nouvelles déceptions.

Notre système de protection sociale mérite mieux que de simples économies : il a besoin de ressources nouvelles et pérennes. Des ressources pérennes sont nécessaires pour appliquer une politique de prévention efficace, pour garantir un accès aux soins partout et pour tous, pour bâtir un vrai système de soins psychiatriques et une politique solide en faveur de la santé mentale. Des ressources nouvelles doivent être prévues pour financer la branche autonomie, garantir les retraites actuelles et futures, et consolider la branche famille – il en est très peu question dans le texte. Nous appelons à une réflexion d'ampleur sur l'avenir des comptes sociaux. Notre groupe a fait, en vain, plusieurs propositions en ce sens. L'idée de renoncer aux exonérations de cotisations sur les salaires supérieurs à 2,5 Smic était pourtant partagée par une majorité de députés ; il a été démontré que cette mesure n'avait pas d'effet négatif sur l'emploi, et qu'elle pouvait rapporter 1,6 milliard d'euros par an.

Pour soutenir l'emploi, vous avez fait des choix plus que contestables, en fragilisant les plus fragiles. Après le durcissement des règles d'indemnisation chômage et la conditionnalité du RSA, jusqu'où irez-vous ? Bruno Le Maire, qui s'est autoproclamé nouveau ministre chargé du travail, souhaite désormais réduire la durée d'indemnisation des seniors au chômage ainsi que le délai de recours des salariés contre un licenciement, ou encore, limiter les ruptures conventionnelles. Pourquoi l'objectif du plein emploi ne devrait-il être atteint qu'au détriment des droits des salariés, sans jamais demander un quelconque effort aux employeurs ? Toutes ces annonces sont faites, alors même que les partenaires sociaux doivent négocier un accord sur l'emploi des seniors. Ne reproduisez pas l'erreur que vous avez commise lors de la réforme des retraites ; n'enjambez pas le dialogue social après avoir contourné le dialogue parlementaire.

Madame la Première ministre, appliquer le 49.3 est votre droit, la Constitution vous y autorise. Mais accepter sa banalisation, c'est renoncer à prendre le temps de débattre ; c'est renoncer à l'expression des clivages et des divergences au sein du Parlement, au risque que des conflits violents naissent à l'extérieur, atteignant un point de non-retour.

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