Intervention de Charlotte Leduc

Réunion du mercredi 6 décembre 2023 à 11h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharlotte Leduc :

Si nous nous réjouissons que les conventions – conclues respectivement le 4 février 2022 à Paris et le 11 mai 2022 à Athènes – entre la France et le Danemark et entre la France et la Grèce pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôt sur le revenu et la prévention de l'évasion et de la fraude fiscale démontrent la bonne tenue de nos relations avec ces partenaires historiques, nous demeurons sceptiques sur la seconde partie de l'intitulé de ces textes.

Si l'élimination de la double imposition, clairement détaillée par les États signataires, est un pas dans la bonne direction, nous sommes plus réservés sur l'apport de ces textes en matière de prévention de l'évasion et de la fraude fiscale. Quelques déclarations d'intention ne sauraient tenir lieu d'acte fort démontrant une volonté politique sincère de lutter contre l'évitement de l'impôt. La fraude et l'évasion fiscales sont pourtant des sujets majeurs pour notre pays. Ce fléau contemporain coûte de 80 à 120 milliards d'euros par an aux finances publiques, soit autant d'argent en moins pour l'école, l'hôpital, la lutte contre le dérèglement climatique ou la politique du logement. Il est donc intolérable de se contenter de demi-mesures et de vagues promesses s'agissant d'un enjeu aussi colossal pour notre pays.

Les deux conventions qui nous sont soumises complètent le formidable réseau de conventions fiscales internationales dont nous disposons. La France en a signé 125, ce qui est un record mondial. Cela nous donne une responsabilité. Grâce à la puissance de sa diplomatie fiscale, notre pays pourrait prendre la tête de la lutte contre l'évasion fiscale. Il est donc urgent d'ouvrir un grand chantier de renégociation de nos conventions fiscales internationales, pour y intégrer les normes anti-abus les plus draconiennes et les outils de lutte contre l'évitement de l'impôt les plus efficaces.

Le texte qui nous est soumis se contente de retranscrire les timides avancées obtenues lors des dernières négociations tenues dans le cadre de l'OCDE, qui se résument souvent à des promesses creuses. Quelles garanties avons-nous que ce projet de loi fera réellement progresser la lutte contre l'évasion fiscale ? Le doute est permis, d'autant que le Gouvernement n'en fait pas une priorité, comme en témoignent les continuelles suppressions de postes dans le contrôle fiscal.

Les clauses spécifiques au transport maritime ne sont pas identiques dans les deux conventions. Pourquoi ? S'il s'agissait réellement de lutter contre l'évasion fiscale, les deux textes offriraient les mêmes outils. Le Gouvernement peut-il garantir que CMA CGM – Compagnie maritime d'affrètement - Compagnie générale maritime –, le géant français du secteur, qui a réalisé des superprofits scandaleux au cours des dernières années tout en évitant largement l'impôt, ne réduira pas davantage sa facture fiscale grâce à ces conventions ?

La lutte contre l'évasion fiscale mérite mieux que des mesures symboliques.

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