Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mercredi 29 novembre 2023 à 14h45
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Gérald Darmanin, ministre :

Monsieur Vallaud, le groupe RDPI (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) n'a pas voté pour l'amendement sénatorial déposé par les centristes et par le groupe LR : il veut sa suppression.

Sur le fond, comme beaucoup l'ont dit, la disposition est un cavalier législatif évident, puisqu'elle ne relève pas du code des étrangers. D'ailleurs, c'est dans le cadre des textes budgétaires que l'on parle de l'AME. Le Gouvernement a toujours dit qu'il ne souhaitait pas inscrire dans le texte initial une telle disposition, qui est irrecevable et que le Conseil constitutionnel ne pourrait que censurer. Autant être le plus sincère possible. Au contraire, le titre de séjour pour étranger malade a le droit d'y figurer.

Lundi matin, je recevrai avec Aurélien Rousseau M. Stefanini et M. Évin pour la remise de leur rapport, qui sera rendu public, conformément à la déclaration de Mme la Première ministre. Ils seront auditionnés à l'Assemblée nationale, ce qui montre que le Gouvernement n'a rien à cacher. M. Stefanini est bien connu des députés qui viennent de la droite de l'hémicycle, secrétaire général du ministère de l'immigration, grand préfet, par deux fois directeur de campagne d'un candidat à la présidentielle ; M. Évin, ancien ministre de la santé, patron d'une agence régionale de santé, est connu de ceux qui viennent de la gauche. Je crois savoir qu'il n'y a pas de divergences entre eux ni sur le constat, ni sur d'éventuelles propositions.

Le rapport sera donc rendu public avant le passage en séance du présent texte. Si certaines dispositions ne pouvaient être modifiées à cette occasion, elles pourraient l'être dans d'autres textes, relatifs au budget ou à la santé, comme l'a dit Mme la Première ministre aux questions d'actualité.

Je ne suis pas certain que ce soit la modification du panier de soins qui pose le plus de difficultés. Si la députée de Mayotte réclame l'AME pour son territoire, ce n'est pas parce qu'elle souhaite provoquer un appel d'air migratoire mais pour des raisons de franchise : il faut savoir combien il y a d'étrangers en situation irrégulière et ce que cela coûte à la sécurité sociale. Car l'AME est en premier lieu une question comptable ; sans AME, il n'y a pas de compensation par l'État. L'intention première n'était pas d'en faire un dispositif de santé publique, puisque les médecins soignent tous ceux qui se présentent – avec les conséquences que l'on connaît aux urgences – mais de connaître la vérité sur ce que ces soins coûtent, ce qui nous permet d'avoir ce débat sain et démocratique. En supprimant l'AME, on supprime le thermomètre, ce qui ferait naître encore plus de fantasmes.

Si le montant de l'AME croît, ce n'est pas parce que chaque personne coûte plus cher en soins mais parce qu'il y a plus d'immigrés en situation irrégulière sur notre sol. L'AME, je le répète, n'est que le thermomètre du nombre de personnes en situation irrégulière qui ne repartent pas de notre territoire. Ainsi, pour faire diminuer son coût, il faut faire diminuer le nombre de personnes en situation irrégulière, ce qui est le but du projet de loi – limiter l'immigration irrégulière, en luttant notamment contre la lenteur des procédures administratives. En un mot, si vous voulez réduire le coût de l'AME, n'hésitez pas à voter les articles des titres III, IV et V, concernant la simplification drastique des procédures.

Je veux souligner l'extrême difficulté du sujet puisque, parmi les bénéficiaires de l'AME, 25 % sont des enfants et plus de 50 % sont depuis plus de trois ans sur le territoire national. Comme l'a dit le rapporteur général, le fait que l'AME s'applique à des gens qui sont là depuis plus de trois mois, voire plus de neuf mois pour une part de la couverture, est assez paradoxal : il faudrait plutôt que l'AME soit complète au premier jour de leur arrivée, pour accompagner toutes les pathologies que nous évoquions et éviter d'emboliser les services d'urgences. En revanche, arrive une période où certains doivent quitter le territoire national, après avoir épuisé tous les recours. N'est-ce pas une faillite de notre système de gestion de l'immigration que plus de 50 % des bénéficiaires soient là depuis plus de trois ans ? La réponse est oui, et c'est pourquoi nous présentons ce projet de loi.

Sur le fond comme sur la forme, cette discussion est intéressante. Je ne pense pas qu'il y ait de sujet tabou en soi, et beaucoup de dispositions européennes correspondent à une sorte d'AME, contrairement à ce que j'entends. Nous avons demandé, au bénéfice de la mission de M. Évin et de M. Stefanini, des comparaisons internationales à toutes nos ambassades – je proposerai que l'on annexe les comptes rendus diplomatiques. Cela permettrait de voir la grande variété des situations. Ce travail, forcément complexe, pourra voir le jour si la Première ministre en décide ainsi à la suite de la remise du rapport.

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