Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du lundi 18 décembre 2023 à 21h30
Motion de censure — Discussion et vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

…et une minorité encore plus réduite dans le pays – puisque les intentions de vote de nos concitoyens en votre faveur sont tombées à 20 %. Vous êtes fragilisés sur la question budgétaire et, comme pour la réforme des retraites, vous pointez du doigt les oppositions pour museler la parole dans votre propre camp.

En effet, si vous aviez réellement voulu négocier, vous auriez procédé comme pour la loi de finances rectificative de la fin de l'année 2022 ou la loi de finances de fin de gestion pour 2023. Vous auriez pu faire adopter un texte, grâce à l'abstention d'une partie des oppositions. Toutefois, cette stratégie ne fonctionne que si les trois groupes de la minorité présidentielle votent comme un seul homme. Or ce n'est plus le cas. Permettez-moi de donner un exemple : le groupe Démocrate, en commission des finances, a permis l'adoption de trois dispositions fiscales intéressantes, que le groupe LIOT soutenait également : l'indexation différenciée du barème de l'impôt sur le revenu, la création d'une taxe de 1 % sur les rachats d'actions et la suppression du recentrage du prêt à taux zéro. Tout cela a été balayé d'un revers de la main. En définitive, vous n'avez même pas écouté les positions de certains des membres de la minorité présidentielle.

Enfin, malgré le recours au 49.3, ce projet de loi de finances ne permet pas de redresser les finances publiques. En premier lieu, les hypothèses macroéconomiques retenues par le Gouvernement sont trop optimistes, comme nous l'avions souligné lors du débat initial – les faits l'ont confirmé par la suite. La publication récente par l'Insee des principaux indicateurs conjoncturels montre que le scénario est d'ores et déjà entaché d'erreurs. Au troisième trimestre 2023, la croissance économique est estimée à – 0,1 %, soit une croissance en volume pour l'année 2023 de 0,8 %. Ainsi, votre scénario qui prévoyait une croissance de 1 % demeure irréaliste et supérieur à toutes les prévisions des économistes.

Ensuite, le taux de chômage, qui s'établit à 7,4 %, commence à remonter par rapport au trimestre précédent et la Banque de France elle-même estime qu'il atteindra 7,7 % à la fin de l'année 2024.

Enfin, vous prévoyez que l'inflation pourrait s'établir à 2,6 % en 2024 : bien que la décélération soit incontestable, votre prévision est hasardeuse. Au troisième trimestre 2023, l'inflation était encore à 3,5 % en glissement annuel. Dans le même temps, la BCE indiquait qu'elle maintiendrait ses taux directeurs au moins jusqu'à la fin du premier semestre 2024. De plus, de grandes incertitudes pèsent sur le prix du pétrole, comme l'atteste la volatilité du cours du baril de Brent depuis le début de l'été 2023.

Les finances publiques restent très détériorées. En 2024, le déficit effectif de l'État sera de 146,9 milliards d'euros, ce qui nécessitera un programme d'émission de la dette d'État de 285 milliards d'euros – nous rivalisons avec les Italiens, pour savoir qui émettra le plus ! Nous paierons 51 milliards d'euros d'intérêts, soit un montant qui représente deux fois le budget dédié à la mission "Sécurités" . Le ratio d'endettement reste stable entre 2023 et 2024, pour atteindre 109,7 %, alors qu'il diminue chez l'ensemble de nos partenaires européens. Comme l'a rappelé notre collègue Véronique Louwagie, nous serons parmi les trois ou quatre mauvais élèves, voire, d'ici à deux ans, le plus mauvais élève de la classe européenne. Par ailleurs, cette réduction ne résulte pas du tout d'un effort structurel de votre part, mais bien d'une conjoncture qui s'est révélée moins difficile que prévu.

Dans le même temps, vous n'avez pas tenu vos engagements de 2017 relatifs à la baisse de deux points du taux des prélèvements obligatoires : ce ratio demeure supérieur à 44 % du PIB, contre 44,6 % à la fin de l'année 2016. Vous prétendez avoir réduit les prélèvements obligatoires de 50 milliards d'euros depuis votre arrivée au pouvoir, alors qu'ils représentent toujours plus de 44 % du PIB, je le répète – vous n'avez donc en rien réduit la pression fiscale dans le pays ! Tout au plus avez-vous empêché qu'elle n'augmente !

Permettez-moi d'ajouter un mot, enfin, sur les autres secteurs d'administrations publiques. Non seulement la réforme des retraites ne rapportera rien en 2024 mais elle entraînera un coût de 200 millions. Pourtant, vous continuez d'espérer qu'à l'avenir elle dégagera 1 milliard d'économies par an, tandis que vous ponctionnerez 2,6 milliards d'euros à l'Unedic, organisme endetté pour plus de 50 milliards, ce qui, entre parenthèses, ne change rien au déficit global des finances publiques.

De même, vous entendez contraindre, d'une manière ou d'une autre, la croissance des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales, en violation du principe de libre administration, et en oubliant que la règle d'or des finances locales qui, elle, s'applique aux collectivités territoriales protège les finances publiques.

Hors éléments exceptionnels, vous avez perdu le contrôle de la dépense publique. En effet, vous dépenserez 1 624 milliards d'euros en 2024, soit 100 milliards de plus que fin 2022 ! Selon le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), les dépenses augmenteront en 2024 de 4,8 % en valeur, une fois neutralisées les mesures exceptionnelles de soutien, c'est-à-dire plus rapidement que la croissance du PIB qui est évaluée à 4 %. La part des recettes dans le PIB stagne, tandis que la dépense publique continue de croître : votre politique porte donc en elle le germe du déficit.

Vous avez refusé des propositions d'économies et de nouvelles recettes, pourtant essentielles à l'équilibre des comptes publics. Pour mémoire, nous avons proposé des mesures fortes sur la fiscalité du patrimoine mobilier et des bénéfices exceptionnels. Je pense notamment à l'augmentation du prélèvement forfaitaire unique de deux points, à l'instauration d'une contribution exceptionnelle sur les superprofits, à la hausse du taux de la taxe sur les entreprises du numérique, dite taxe Gafa – Google, Apple, Facebook, Amazon – de 3 à 5 % et à l'extension de la taxe sur les transactions financières. Nous avions également proposé le maintien des recettes de CVAE au niveau de l'an dernier, ce qui aurait permis d'économiser 1 milliard d'euros en 2024, ainsi qu'une réforme du crédit d'impôt recherche, ce qui aurait empêché une augmentation de 465 millions supplémentaires de ces crédits en 2024. Ces propositions participaient non seulement à l'amélioration des comptes publics mais également à davantage de justice fiscale dans notre pays.

En conclusion, malgré quelques avancées, le déni de démocratie que constitue le recours permanent au 49.3 et l'absence de redressement significatif des finances publiques justifient l'appréciation globalement négative du groupe LIOT sur le projet de loi de finances pour l'année 2024.

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