Dès le début, nous avons envisagé la commission comme une contribution positive au débat public.
Je vous le dis d'emblée, le plan Écophyto 2030 nous paraît une base de travail intéressante. Nous avons eu l'assurance de la Première ministre que les travaux de la commission ainsi que les évolutions du règlement sur l'utilisation durable des pesticides, dit règlement SUR, seraient pris en compte dans la version définitive du plan qui devrait être présentée début 2024. Nous espérons que nos propositions éclaireront les choix que vous aurez à faire.
Hasard du calendrier, nous recevons ce matin le ministre en exercice et l'un de ses prédécesseurs, Stéphane Le Foll. En 2013, lorsque ce dernier était en fonction, étaient publiés le rapport de l'Inserm sur les alertes sanitaires ainsi que celui que j'avais remis au Premier ministre pour préparer le plan Écophyto II. C'est à la période de dix années qui les séparent que s'intéresse notre rapport.
Celui-ci répondra à trois questions : faut-il réduire les phyto à 50 %, voire à zéro à l'horizon 2050 ou plus loin ? Notre réponse, qui s'appuie sur l'état de la science – nous avons reçu presque toutes les autorités scientifiques en la matière – est positive : nous sommes absolument convaincus que cette réduction est indispensable.
Deuxième question, est-elle techniquement possible ? Nous savons qu'une réduction de 30 % l'est ; à 50 %, il faut changer les systèmes et au-delà, il faut une véritable révolution.
Troisième question, est-ce compatible avec la souveraineté alimentaire ? Les adversaires de l'urgente nécessité de baisser les phyto mettent tous en exergue la souveraineté alimentaire et le climat, qui sont deux autres grandes ambitions de la nation. Nous considérons qu'il est possible de concilier réduction de l'usage de la phytopharmacie, atténuation et adaptation au changement climatique, et garantie de notre souveraineté alimentaire.
Le rapport comportera six chapitres : l'état de la science ; le régime d'autorisation ; le continuum entre recherche et développement et accompagnement des agriculteurs ; les politiques publiques – politique agricole commune (PAC) et PSN – ; le poids du marché intérieur, européen et international ; le pilotage du plan qui fait cruellement défaut depuis des années.
Il me semble important de poser les termes du débat. Nous ne reprocherons à aucun ministre de mauvais résultats dans l'exercice de ses fonctions, résultats qui sont d'ailleurs publiés très tardivement – il faut attendre un an et demi pour en avoir connaissance ; la lenteur des informations est l'un des défauts en matière de pilotage. Vous l'avez dit, les résultats peuvent être le fruit des actions des prédécesseurs. Nous ne ferons donc pas de procès. En revanche, nous examinerons, pour chaque ministre, les décisions qu'il a prises et la manière dont il a pesé ou pas. Il s'agit, à nos yeux, d'une obligation de moyens plus que de résultats.
Nous sommes réservés sur la baisse de 20 % que vous annoncez. Si l'on considère les chiffres dans leur totalité et sur la durée depuis le Grenelle de l'environnement, les volumes en quantité de substances actives (QSA) sont en légère baisse et, en Nodu, n'ont pas bougé. Chacun de ces indicateurs est critiquable. Certaines études européennes montrent que l'usage a plutôt augmenté en France ces dernières années alors qu'il a décru dans d'autres pays. Nous n'allons pas nous perdre dans ces controverses. Nous présenterons, avec objectivité, l'ensemble des données disponibles et nous en conclurons qu'il n'y a pas lieu de sauter de joie : les objectifs n'ont pas été atteints et nous reportons sans cesse les échéances. Nous serions les premiers à nous réjouir d'une baisse de 20 %, mais les données dont nous disposons nous incitent à mettre un bémol.
S'agissant de vos responsabilités vis-à-vis du plan Écophyto, je discernerai trois moments importants depuis 2022 : d'abord, le PSN, déclinaison d'une politique publique européenne, et ses incidences sur l'émergence ou non d'une véritable agroécologie ; ensuite, l'élaboration du plan Écophyto 2030 ; enfin, je le dis sans ironie, votre déclaration au congrès de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), le 30 mars dernier, qui a joué un rôle dans la création de la commission d'enquête. Vous avez dit alors : « Je viens de demander à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) une réévaluation de sa décision sur le S-métolachlore parce que cette décision n'est pas alignée sur le calendrier européen et qu'elle tombe sans alternative crédible ». Nous y avons vu une menace qui faisait écho aux travaux de certains sénateurs et à certaines revendications syndicales en faveur d'une remise en cause du régime d'autorisation inscrit dans la loi de 2014 visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national.
Monsieur le ministre, êtes-vous partisan d'une remise en cause du régime d'autorisation ?