Intervention de Lionel Zinsou

Réunion du mercredi 17 janvier 2024 à 10h15
Commission des affaires étrangères

Lionel Zinsou, fondateur et partenaire managérial de SouthBridge, président de la Fondation Terra Nova, administrateur du musée Branly-Jacques Chirac, ancien premier ministre du Bénin (2015-2016) :

Ce sujet n'a pas de relation très directe avec le rapport d'information de votre commission. Ce lien aurait d'ailleurs été plus fort si les entreprises françaises avaient été décrites dans la relation entre l'Afrique et la France.

Il s'agit en fait d'une mission indépendante, qui est le pendant d'une mission que TotalEnergies avait confiée à M. Jean-Christophe Rufin sur le Mozambique. Le groupe TotalEnergies a souhaité un diagnostic indépendant de ce qui remonte de l'intérieur de la société et de ce qui est exprimé par les autorités publiques de l'Ouganda et de la Tanzanie au sujet du respect des droits humains et des règles de droit sous toutes les formes. L'idée est de parler avec toutes les parties prenantes en Ouganda – où je me rendrai dans un semaine – et en Tanzanie, c'est-à-dire les autorités publiques et les autorités locales, y compris traditionnelles, parce que ce sont des villages, des districts et des provinces qui sont affectés. Les collectivités locales ont en effet des attentes considérables. Vous êtes sensible au fait que, dans beaucoup de pays, les collectivités où des personnes sont affectées, expropriées et d'où vient la production sont parfois parmi les dernières à partager les royalties, les bénéfices, les retombées fiscales et les retombées d'emplois, etc. Aussi longtemps qu'il le faudra, nous serons à leur disposition, de même qu'à celles des ONG locales, des ONG généralistes européennes, des fondations et des ONG spécialisées qui travaillent sur la biodiversité, l'accès à l'eau potable, les ressources halieutiques, etc.

Nous avons l'objectif de réaliser un rapport honnête, indépendant et reflétant tous les points de vue, qui sont controversés, et aussi d'y faire des recommandations additionnelles. Cette demande m'a été adressée en tant qu'économiste du développement. Nous menons d'ailleurs une réflexion avec des économistes et il apparaît qu'il n'est plus possible pour les industries extractives de continuer à réaliser des investissements qui, d'un point de vue capitalistique, sont considérables, mais n'ont que de très faibles effets sur l'emploi. Il n'y a pas plus capitalistique que de fabriquer des pipelines : vous dépensez 12 milliards d'euros pour le projet Tilenga-EACOP et, in fine, vous aurez créé moins de 2 000 emplois qualifiés dans la durée. Avec 12 milliards d'euros d'investissements dans cette région dans les domaines de l'agriculture, de la forêt, de la biodiversité, du tourisme ou de la pêche, vous devriez plutôt créer 200 000 emplois.

Ces pays attendent que, lorsque des investissements extraordinairement intensifs en capital sont réalisés, des investissements à impact soient également effectués. Dans le cas contraire, la situation est inacceptable pour les populations locales et je crois que ce sujet commence à être compris, mais il est temps de passer à l'acte. Sinon on arrive à des situations nigériennes, où les populations qui ont produit le pétrole finissent par devoir le voler dans les pipelines pour avoir des retombées économiques. Cet impact par le crime est intolérable. Des pays sont affectés de cette manière, de la Tunisie au Nigéria en passant par l'Asie. En Afrique, cet élément est constitutif de la justice.

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