Intervention de Frédéric Mathieu

Réunion du mercredi 17 janvier 2024 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Mathieu, rapporteur :

En outre, la feuille de route relative à la féminisation des agents cyber de l'État que nous appelons de nos vœux gagnerait à être déclinée au sein du ministère des Armées. Celui-ci prend d'ores et déjà des initiatives dans le cadre du plan relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, qui doivent être poursuivies.

Les agents cyber comprennent également les réservistes de cyberdéfense, qui peuvent jouer un rôle fondamental à la fois pour le ministère des Armées mais aussi pour la cyber-résilience de la Nation dont ils pourraient être de véritables ambassadeurs. Dans le plan réserve 2035, la trajectoire est fixée à 500 réservistes de cyberdéfense. Le ministère des Armées indique qu'elle sera consolidée en fonction des besoins et, si elle est soutenue, par la création de postes permanents dédiés à l'animation ou à la formation. Cette trajectoire nous semble insuffisante pour irriguer l'ensemble des armées. Nous estimons donc qu'il est indispensable de recruter davantage de réservistes cyber.

Venons-en désormais au troisième défi : le défi juridique. Même si cela est peu connu, la cyberdéfense comprend une dimension juridique relativement forte, en particulier s'agissant du cadre juridique des opérations militaires dans le cyberespace. Nous avons identifié quatre enjeux dans ce domaine.

Le premier enjeu a trait à la prise en compte des spécificités des armées dans le cyberespace dans le processus d'élaboration des normes. Il s'agit là d'un impératif absolu, notamment à l'échelle européenne, qui doit être pleinement pris en considération.

Le deuxième enjeu a trait au recours par les agents du ministère des Armées aux réseaux sociaux. Nous ne nous étendrons pas sur les exemples précis qui ont été portés à notre attention dans le cadre de nos travaux à cet égard. Toutefois, nous sommes en mesure de vous indiquer qu'il s'agit d'un véritable enjeu, et singulièrement parmi les plus jeunes recrues. Sans rentrer dans les détails, nous déplorons qu'une utilisation trop légère des réseaux sociaux ait pu parfois aboutir, involontairement, à une divulgation d'informations protégées par le secret de la défense nationale. Un guide du bon usage des réseaux sociaux a été adopté en 2021 pour les agents du ministère des Armées. Il rappelle le principe de discrétion professionnelle des agents du ministère, militaires comme civils. Une interdiction pure et simple ne serait ni possible, ni souhaitable. En revanche, la conduite d'une réflexion sur les voies juridiques envisageables pour mieux encadrer le recours aux réseaux sociaux, singulièrement en OPEX ou lors des exercices de préparation opérationnelle, nous apparaît souhaitable.

Le troisième enjeu a trait à notre politique d'exportation des biens à double usage dans le domaine cyber, et singulièrement des armes cyber offensives et des logiciels à base d'intelligence artificielle dans le domaine informationnel. Deux affaires ont défrayé la chronique ces dernières années, s'agissant des logiciels de cyber-espionnage : l'affaire Pegasus et l'affaire Predator. Sans rentrer dans les détails, ces deux affaires montrent qu'il est indispensable de réfléchir à une meilleure régulation des armes cyber offensives et de leurs exportations. S'agissant de la cyberdéfense, la DGA a indiqué que la France n'exporte pas d'autres systèmes que les produits sur étagère proposés par des sociétés duales, dans le cadre du régime de contrôle de l'exportation de biens à double usage d'une part, et les systèmes de cyberprotection et de lutte informatique défensive en tant que constituants d'un système d'armes (aériens ou navals par exemple), dont l'export relève du régime de contrôle des matériels de guerre, d'autre part. Elle a également indiqué que la France n'exporte aucun système ou sous-système cyber offensif.

Enfin, nous estimons nécessaire de procéder à une évaluation juridique afin de déterminer notre capacité à répondre par notre corpus juridique national et international actuel au mercenariat dans le domaine de la cyberdéfense. Nous ne sommes pas convaincus que le droit, et singulièrement le droit international, réponde à l'émergence de cette nouvelle catégorie d'acteurs. Nous ne sommes toutefois pas en mesure d'arrêter clairement notre position, et reconnaissons que le débat est ouvert. La clarification de cette situation nous semble indispensable, eu égard à la multiplication de ces acteurs et à leur potentielle nuisance.

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