Intervention de Éric Coquerel

Réunion du mercredi 22 novembre 2023 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, président :

Nous tenons effectivement ce matin une réunion consacrée à l'Afrique. Elle porte sur l'endettement et les coopérations monétaires qui relient les pays de ce continent à la France.

Je remercie les trois intervenants pour leur participation à cet échange et me réjouis de l'occasion qui nous est donnée de tenir une réunion commune avec la commission de la défense nationale et des forces armées, afin d'aborder un sujet majeur qui dépasse nos frontières et que nous n'avions plus évoqué en commission des finances depuis une audition de 2020. Cette audition avait permis de traiter l'accord de coopération entre la France et les États membres de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), composée de la Côte d'Ivoire, du Sénégal, du Burkina Faso, du Bénin, du Togo, du Niger et du Mali. Cet accord avait été signé le 21 décembre 2019 et mettait fin à la centralisation au Trésor français des réserves de change de la banque centrale des États d'Afrique de l'Ouest (BCEAO) et prévoyait le retrait de la France des instances de gouvernance.

Nul doute que nous avons désormais un peu plus de recul pour analyser les conséquences de ces changements. Au seuil de cette audition, je me permets de livrer deux interrogations majeures.

Les pays occidentaux, même s'ils se donnent l'illusion ou la bonne conscience de faire ce qu'il faut pour alléger la dette des pays africains, ne se placent-ils pas dans un entre-deux finalement ambigu, voire hypocrite ? Cette dette constitue effectivement un facteur de préoccupation, puisqu'elle expose ces pays aux marchés financiers et à la spéculation sur leur dette publique. Mais il est regrettable de s'alarmer sur le niveau des dettes sans envisager leurs besoins et les moyens nécessaires pour y répondre, alors que pour chaque pays le poids de la dette représente en moyenne 57 % du PIB, soit un niveau inférieur à celui prévu par le traité de Maastricht pour adhérer à l'euro.

La crise climatique et la bifurcation écologique viendront nécessairement alourdir cette dette. Selon un groupe d'experts indépendants créé sous l'égide de l'ONU, l'ensemble des pays en développement, à l'exception de la Chine, devra dépenser plus de 2 000 milliards de dollars par an d'ici 2030 pour assurer leur développement et s'engager dans la bifurcation écologique si nous voulons atteindre les objectifs de l'Accord de Paris. En l'absence de financement supplémentaire, les pays les plus vulnérables au changement climatique seront donc incapables de financer leur adaptation. Les solutions ne peuvent pas reposer sur les anciennes logiques fondées sur la croissance éternelle. Pour dépasser cette contradiction, ne faudrait-il pas proposer d'augmenter massivement les financements fléchés vers les pays africains ?

Ensuite, des économistes, dont Joseph Stiglitz et Jayati Ghosh, proposent d'instaurer une taxe élargie sur les transactions financières qui permettrait de lever jusqu'à 400 milliards d'euros par an. Des ONG plaident également en faveur d'une taxe sur les énergies fossiles, dont le produit serait affecté aux pays à faibles revenus. Enfin, une taxe sur le transport maritime est également envisageable.

Ma deuxième interrogation est la suivante : la récente réforme du franc CFA n'est-elle pas en trompe-l'œil, dans la mesure où elle maintient une parité avec l'euro, souvent pénalisante pour les exportations et la compétitivité des économies africaines ?

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