Intervention de Fatiha Keloua Hachi

Réunion du mercredi 14 février 2024 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFatiha Keloua Hachi :

« Quand il y a des problèmes de famille, il faut les traiter en famille » : ces mots, adressés à la commission d'enquête par un ancien cadre d'une direction technique nationale, sont édifiants. Ils sont symptomatiques non seulement de la croyance encore trop présente selon laquelle les violences sexuelles et leur traitement sont d'ordre familial, mais aussi de l'omerta qui règne toujours dans le monde sportif français. La famille, ici, c'est l'association sportive, et quand celle-ci ne protège pas, l'État doit agir.

Au 31 décembre 2022, trois ans après la création de la cellule Signal-sports, 907 personnes, dont 96 % d'hommes, sont mises en cause. Parmi eux, 562 sont des éducateurs sportifs, donc 154 sont bénévoles. Il faut rappeler que 82 % des victimes étaient mineures au moment des faits, et que 41 % des faits dénoncés concernent des victimes âgées de moins de 15 ans au moment des faits. Le rapport de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), publié en novembre 2023, confirme que le sport est un domaine qui expose davantage ses pratiquants aux violences sexuelles ; trois quarts des victimes qui se sont adressées à cette commission rapportent des agressions sexuelles, voire des viols, et l'agresseur est dans la plupart des cas un éducateur sportif. La plupart des victimes subissent des violences dans la durée – entre un et trois ans – et de façon répétée – plusieurs fois par mois pour six victimes sur dix. Si les violences sexuelles dans le sport ne sont pas un phénomène récent, il a fallu attendre 2019 et le témoignage de Sarah Abitbol pour voir le ministère des sports réagir – malgré les alertes antérieures de Catherine Moyon de Baecque, d'Isabelle Demongeot et de tant d'autres victimes, si courageuses, et auxquelles je réaffirme mon soutien.

Trois ans après, l'inertie du mouvement sportif et le manque de moyens alloués aux services de l'État freinent encore le déploiement d'une politique efficace de prévention, de traitement des signalements et d'accompagnement des victimes.

Je remercie mes collègues sénateurs Sébastien Pla et Jean-Jacques Lozach, ainsi que ma collègue Claudia Rouaux, de proposer des dispositions concrètes, répondant en partie à l'urgence de la situation. L'alignement des modalités du contrôle d'honorabilité des éducateurs sportifs sur celles du secteur social et médico-social, ainsi que l'obligation de signalement pour les dirigeants de club, sont des avancées salutaires. Cette proposition de loi marque la première étape d'un travail législatif qui devra être poursuivi et approfondi ; les travaux importants de la commission d'enquête doivent être complétés par une mission confiée à l'inspection générale, et les recommandations de ces deux rapports devront alimenter la future loi-cadre sur l'éthique dans le sport annoncée par notre ministre des sports, que j'appelle de nos vœux.

Pour doter les agents de l'État des outils indispensables à leur mission, pour responsabiliser le mouvement sportif, pour sanctionner les dirigeants et les fédérations défaillants, le groupe Socialistes votera pour cette proposition de loi.

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