Intervention de Hervé Tonnaire

Réunion du lundi 12 février 2024 à 15h00
Commission d'enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d'outre-mer

Hervé Tonnaire, directeur délégué aux outre-mer, directeur régional Pacifique de la Banque des territoires :

Dans une vie antérieure, j'ai été directeur général des services de la collectivité territoriale de Guyane et j'ai servi plusieurs fois outre-mer. Je connais donc les difficultés que vous décrivez, s'agissant de l'ingénierie.

Sur la question spécifique du changement climatique et de la résilience territoriale, nous avons bâti un plan d'action pour l'outre-mer avec les équipes du réseau de la Banque des territoires. Sur ce sujet nouveau, de nombreuses questions se posent, notamment celle-ci : comment monétariser certains terrains alors qu'il n'est pas possible de compenser leur coût avec des produits de sortie, comme c'est le cas dans une opération d'aménagement par exemple ? C'est à la Caisse des dépôts de trouver des réponses à ces questions nouvelles.

S'agissant de l'ingénierie de projet, nous avons essayé de nous concerter avec les autres acteurs concernés. Il y en a en effet beaucoup qui font de l'ingénierie, du cofinancement, de l'appui en ingénierie outre-mer. Outre la Banque des territoires interviennent l'AFD, l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) – seulement dans les départements et région d'outre-mer (Drom), pas dans le Pacifique –, le ministère des outre-mer, qui peut aussi apporter un appui direct, ou encore le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) et l'Agence de la transition écologique (Ademe).

À l'initiative de l'ANCT, nous avons établi un document unique recensant les dispositifs d'appui à l'ingénierie. Nous essayons d'être complémentaires, puisque les sommes mobilisables sont énormes : la Banque des territoires peut mobiliser près de 200 millions sur six ans pour tout ce qui concerne le changement climatique sur l'ensemble du territoire.

De façon très schématique, il en ressort que l'AFD s'occupe plutôt de l'appui structurel aux collectivités : quand un syndicat des eaux à Mayotte ou une collectivité territoriale en Guyane a des difficultés, c'est cette ingénierie structurelle qu'il convient de lui apporter. Pour les petites collectivités, il s'agit par exemple de les aider à passer des marchés ou d'intervenir sur la structuration de leur budget. L'ANCT et nous intervenons plutôt sur les sujets en relation avec notre doctrine.

Pour notre part donc, nous faisons plutôt de l'ingénierie préopérationnelle. Pour schématiser, nous n'allons pas financer par exemple des études prospectives sur l'avenir de Saint-Pierre-et-Miquelon en 2050. En revanche, nous venons de signer une convention partenariale d'appui avec la commune de Miquelon, dont vous savez qu'elle envisage une translation intégrale, un déplacement du village, ce qui est quelque chose d'assez nouveau. Pour l'accompagner, avec l'État, nous allons mobiliser 1 million de crédits d'ingénierie sur trois ans, dont 664 000 euros dès cette année, pour cofinancer un chef de projet ainsi que des études d'accompagnement de la population et d'assistance à maîtrise d'ouvrage afin de structurer le projet.

Notre appui est adapté à la réalité des territoires et des collectivités : nous n'aidons pas de la même façon un conseil régional, une collectivité unique, un pays, le gouvernement de Polynésie, la commune de Koumac en Nouvelle-Calédonie, celle de Miquelon ou celle de Camopi en Guyane. Les besoins ne sont pas les mêmes, les capacités d'accompagnement non plus. Nous essayons de nous insérer dans le biotope de l'ingénierie – l'État a installé par exemple des cellules d'appui aux collectivités en Guyane et à Mayotte – et développons des types d'intervention très diversifiés. Pour donner quelques exemples, il peut s'agir du recensement des réflexions des acteurs des territoires, du cofinancement des chefferies de projet ou d'études sur la mise en place éventuelle d'un opérateur foncier.

Nos financements suivent bien sûr des règles, notamment en ce qui concerne les montants. En règle générale, la Banque des territoires et donc la Caisse des dépôts interviennent de façon indifférenciée sur l'ensemble des territoires. Pour l'outre-mer toutefois, en matière d'ingénierie de projet, nous pouvons intervenir de façon plus intensive : nous pouvons aller jusqu'à 80 % du financement, contre 50 % pour les autres territoires. Les acteurs et les financements sont en effet assez nombreux outre-mer et nous souhaitons éviter aux petites collectivités d'avoir à démarcher plusieurs acteurs pour assurer le cofinancement de leur projet.

Il ne s'agit pas d'un financement « one shot » : nous participons aux groupes de travail – comité de pilotage, comité de suivi, comité technique – avec la structure afin de travailler en amont aux livrables et au pilotage. Nous considérons que notre expérience avec d'autres collectivités, sur l'ensemble du territoire, nous en donne la légitimité. Dans une vie antérieure, j'ai travaillé chez Egis, une filiale de la Caisse des dépôts active dans l'ingénierie de projet et l'ingénierie lourde. J'y ai appris la nécessité d'avoir un bon pilotage, afin d'éviter des prestations faites un peu vite, par des ingénieurs juniors – même si ce sont des seniors qui signent à la fin. Nous devons être certains que l'étude commandée, la section de la chefferie de projet, la prestation cofinancée apporte une plus-value. Les montants que nous pouvons mobiliser sont importants, comme le montre l'exemple de Miquelon : le projet de déplacement est soutenu politiquement par le maire et ses concitoyens y adhèrent, mais il demeure extrêmement complexe. Nous intervenons donc même pour aider à structurer les financements, monter un rétroplanning, définir des jalons.

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