Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Séance en hémicycle du mardi 27 février 2024 à 21h30
Prix payés aux producteurs par les entreprises de transformation et de distribution agroalimentaires

Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée :

Ces lois contiennent également – et là encore, vous y êtes sensibles – des dispositions qui interdisent la négociation de la matière première agricole lors des négociations commerciales et prohibent des pratiques commerciales déloyales. Complétées par la loi pour l'équilibre dans les relations commerciales, adoptée en mars 2023, elles ont déjà donné des résultats, notamment en ce qui concerne la protection de la matière première agricole. Elles ont ainsi permis d'améliorer la situation, voire de sauver des milliers d'exploitations agricoles.

Toutefois, force est de constater qu'elles n'ont pas produit tous leurs effets : beaucoup reste à faire. Ainsi que le Président de la République l'a annoncé, samedi, au Salon de l'agriculture, il faut établir des prix fondés sur les indicateurs de référence des filières, dans l'esprit des états généraux de l'alimentation. Pour que ce dispositif soit effectif, il faut que la contractualisation, qui a fait ses preuves, se développe dans l'ensemble des filières.

En amont, l'un des piliers essentiels de la loi est la contractualisation écrite pluriannuelle entre l'agriculteur et le premier acheteur. Cette contractualisation offre une sécurisation économique aux agriculteurs, en leur permettant de planifier leur production en fonction des besoins du marché et des attentes des consommateurs. Or le déploiement de la contractualisation demeure inégal.

Les freins sont bien identifiés. Premier frein : la réticence des acteurs économiques dans les filières, qui s'explique par le rôle joué par certains intermédiaires et par le fait que la contractualisation à moyen terme limite la capacité à faire des arbitrages sur les cours à moyen terme. C'est une réalité dont témoignent ces filières. C'est également la situation de certaines productions très saisonnières, commercialisées de manière directe.

Second frein : les pratiques de contournement de certains acteurs, transformateurs comme distributeurs.

La question qui se pose désormais est donc celle de savoir quels sont les leviers à actionner pour que la dynamique de contractualisation se déploie dans toutes les filières et pour tous les acteurs qui en ont besoin – car tous ne demandent pas à bénéficier de la contractualisation.

Une première réponse réside dans l'accompagnement des acteurs de bonne volonté, et je compte bien aller à la rencontre de ceux, de l'amont et de l'aval, qui ont à leur actif des réalisations en la matière. Je pense notamment aux accords tripartites conclus par certains distributeurs. Vous avez été prompts à dénoncer la grande distribution. Des améliorations doivent certainement être apportées en la matière – j'ai été, du reste, l'une des premières à prononcer des sanctions administratives importantes, notamment une amende de 117 millions d'euros, évoquée par M. Benoit. Mais nous devons également souligner les actions positives de certains distributeurs en matière de contractualisation tripartite.

La seconde réponse réside dans l'application du volet Egalim dans la restauration collective. J'invite, à cet égard, les collectivités locales – et, pourquoi pas, l'Assemblée nationale et le Sénat – à s'y impliquer en commençant par s'inscrire sur le site ma-cantine.agriculture.gouv.fr.

Mais si nous devons accentuer la dynamique contractuelle, il faut également que ceux qui ne respecteraient pas la loi soient sanctionnés. C'est pourquoi nous avons renforcé les contrôles effectués par la DGCCRF, y compris en amont.

En aval, la protection de la matière première agricole est, le plus souvent, assurée. Mais des difficultés ont été constatées lors des dernières négociations. Par ailleurs, les clauses de révision automatique des prix et les clauses de renégociation n'ont pas toujours été bien rédigées. Là aussi, des progrès sont possibles.

À très court terme, la priorité du Gouvernement est de garantir que le cadre issu des lois Egalim soit pleinement respecté. Cela passe par l'action renforcée des services de contrôle. Je ne vais pas dresser la liste de l'ensemble des contrôles, mais je rappelle qu'en un mois, près de 1 700 d'entre eux portant sur l'origine des produits ont été réalisés dans plus de 1 500 établissements ; ils ont conduit à adresser 337 avertissements et 105 injonctions, à dresser 116 procès-verbaux pénaux et à infliger deux amendes administratives. Les contrôles se poursuivent.

Deux pré-amendes ont d'ores et déjà été envoyées à des centrales d'achat européennes. Je veux saluer, ici, le formidable travail réalisé par les services de contrôle.

Après trois ans et demi de procédures et de manières dilatoires, la centrale d'achat qui a été soumise à une amende de 117 millions d'euros a enfin dû constater que c'est bien le droit européen qui s'applique au contentieux concernant les centrales d'achat européennes. Néanmoins, le droit doit nous permettre, là encore, d'éviter une concurrence déloyale entre centrales d'achat françaises et européennes.

Le cadre fixé par les lois Egalim conserve donc toute sa pertinence. Ces outils de régulation économique doivent permettre les bons ajustements de prix, à la hausse comme à la baisse, en fonction des fondamentaux économiques. Mais il doit être renforcé pour que l'esprit d'Egalim soit pleinement respecté. C'est l'objet de l'annonce faite par le Président de la République samedi.

Je précise d'emblée, car certains alimentent la confusion et voudraient nous faire accroire qu'ils avaient raison avant tout le monde,…

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