Intervention de Meyer Habib

Réunion du mercredi 28 février 2024 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMeyer Habib :

L'attaque russe contre l'Ukraine représente non seulement une agression contre une nation souveraine, en violation du droit international, mais aussi une attaque contre nos valeurs fondatrices de démocratie libérale, qui fondent notre République comme l'Union européenne. Oui, il faut se tenir au côté de l'Ukraine pour préserver sa souveraineté. Oui, il faut dénoncer les attaques russes. Oui, il faut soutenir la démocratie ukrainienne assiégée. Ces positions sont celles de la France, des pays de l'Union européenne et des États-Unis.

Dès lors que nous avons posé ce diagnostic, quelle peut être l'issue de cette guerre aux conséquences globales délétères, y compris pour la France ? Le parallèle avec la lutte contre le nazisme ne tient pas. Poutine n'est pas Hitler. Hitler n'aurait pas été reçu au Fort de Brégançon comme Poutine l'a été par les présidents Sarkozy, Hollande et Chirac. On fait de lui, à raison, un interlocuteur de premier plan. Cependant, il ne faut pas oublier que le régime ukrainien entretient une posture très ambiguë vis-à-vis des collaborationnistes ukrainiens, notamment Stepan Bandera, qui s'était rallié à l'Allemagne nazie contre l'Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS).

Quatre-vingts ans après la création du régiment Normandie-Niemen, socle de l'amitié franco-russe, l'invasion de Poutine en Ukraine a mis un coup d'arrêt à notre relation apaisée. Mais l'enjeu dépasse aujourd'hui la relation entre Paris et Moscou. C'est de la sécurité et de la pérennité du monde qu'il est question. La puissance nucléaire russe et ses relations avec la Chine rendent, selon moi, la victoire militaire contre Moscou absolument illusoire. Cela ne signifie pas qu'il faille abandonner l'Ukraine. Il convient de la soutenir autant que possible, tout en se gardant de transformer ce conflit en guerre mondiale.

Les propos du président de la République sur l'envoi d'hommes en Ukraine sont cruciaux mais aussi inquiétants. Ils méritent un débat parlementaire. La France doit être une force d'équilibre, qui soutient la démocratie ukrainienne mais aussi un facteur apaisant qui facilite les discussions entre les deux parties, afin de poser les bases d'un cessez-le-feu à défaut de paix.

Ce conflit aurait peut-être pu être évité, comme l'ont rappelé les plus grands spécialistes, dont le regretté Henry Kissinger. Trop de vexations, trop de maladresses, trop d'imprudences ont été commises de chaque côté. Peut-on imaginer demain le départ de la Russie de la Crimée et du Donbass ? Cela me paraît compliqué.

Enfin, notons le « deux poids, deux mesures » avec la situation en Israël. Personne ne parle de cessez-le-feu en Ukraine, alors que les victimes y sont dix fois plus nombreuses qu'à Gaza, alors qu'il existe un leitmotiv international contre le Hamas, un groupe terroriste islamiste qui a tué 42 Français dans un pogrom historique.

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