Intervention de Pierre-Henri Dumont

Réunion du mercredi 5 octobre 2022 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Henri Dumont, rapporteur :

Nous sommes saisis d'un projet de loi portant sur un accord franco-britannique signé le 26 juillet 2021 à Paris. Cet accord concerne la coopération en matière de sûreté maritime et portuaire s'agissant spécifiquement des navires à passagers dans la Manche.

Je présenterai tout d'abord la zone géographique et les compagnies concernées par l'accord, avant d'analyser son contenu et ses conséquences concrètes.

La zone concernée par cet accord est vaste, puisqu'elle comprend des eaux françaises et britanniques mais recouvre aussi des zones situées en haute mer. En France, les navires effectuant les liaisons transmanche embarquent et débarquent dans onze ports français : Dunkerque, Calais, Dieppe, Le Havre, Caen, Cherbourg, Diélette, Bartheville-Carteret, Granville, Saint-Malo et Roscoff. L'accord porte spécifiquement sur les navires qui accueillent plus de douze passagers. Parmi les sept compagnies concernées, j'ai pu auditionner DFDS Seaways SAS.

Ce texte traite d'un sujet essentiel, malheureusement d'actualité avec le procès de l'attentat de Nice du 14 juillet 2016 : la lutte contre le terrorisme. Nous avons tous à l'esprit les attentats perpétrés sur le territoire français, dont le bilan humain depuis 2012 est extrêmement lourd, avec 271 morts et 1 200 blessés. Le Royaume-Uni a été touché lui aussi. Seize attentats, dont celui de la Manchester Arena, qui a fait 22 morts et 139 blessés le 23 mai 2017, ont été perpétrés sur le territoire.

La menace terroriste reste élevée dans nos deux pays. Comme vous le savez, la menace porte désormais moins sur une attaque de grande ampleur organisée depuis l'étranger, et davantage sur des actes commis par des individus isolés, souvent autoradicalisés.

Dans un tel contexte, il est essentiel de s'intéresser aux navires qui traversent la Manche. On me l'a dit en audition : « un ferry peut faire un Bataclan et avec une difficulté supplémentaire pour intervenir rapidement : l'accès au navire ».

Or, les liaisons transmanche accueillent un nombre très élevé de passagers. En 2019, avant la crise sanitaire, on comptait 14,31 millions de passagers dans la Manche et en mer du Nord, dont 8,5 millions transitaient par Calais. On devrait revenir à des chiffres similaires d'ici 2023. De plus, les flux de passagers augmenteront nécessairement avec les grands événements sportifs qui se tiendront bientôt en France, la coupe du monde de rugby à l'automne 2023 et les Jeux olympiques à l'été 2024.

Les ferries doivent donc disposer d'équipes pour assurer la sécurité des passagers et des équipages. Depuis 2016, des équipes de protection de navires à passagers (EPNAP), à l'efficacité reconnue, sont déployées à bord des navires battant pavillon français. L'arrangement technique, signé par la France et le Royaume-Uni le 9 décembre 2016, qui inclut les eaux britanniques, a toujours eu vocation à être transitoire. Il ne concerne que les EPNAP françaises et apparaît juridiquement incomplet.

L'accord signé par la France et le Royaume-Uni le 26 juillet 2021 est composé d'un préambule et de dix-huit articles. La coopération bilatérale dispose ainsi d'un cadre juridique beaucoup plus précis et complet mais aussi de nouveaux outils.

L'article 3 précise le champ géographique de l'accord. Les articles 4 à 6 prévoient des échanges d'informations et de bonnes pratiques. L'article 7 prévoit, pour les opérateurs, la possibilité d'utiliser des agents privés non armés, si les parties l'autorisent. Même si les compagnies ne les utilisaient pas jusqu'ici, cet article a le mérite d'encadrer la procédure.

L'article 8 concerne le déploiement d'agents de l'État par une partie dans un navire battant son pavillon. Pour la France, il s'agit des EPNAP, une équipe de gendarmes maritimes, et éventuellement de fusiliers-marins en renfort. Si elles y sont autorisées par les parties, ces équipes peuvent porter des armes et des munitions.

Les articles 9 et 10 traitent des interventions d'urgence. Aux termes de l'article 9, les agents de l'État peuvent « prendre les mesures provisoires nécessaires pour écarter un danger imminent pesant sur la vie ou l'intégrité physique des personnes, en faisant un emploi raisonnable de la force, y compris de leur arme de service, dans les limites fixées par le droit de la partie d'envoi et de l'État côtier ». L'article 10 prévoit quant à lui des opérations de contre-terrorisme maritime avec l'intervention d'unités gouvernementales spécialisées. Enfin, les articles 13 et 14 organisent des priorités de juridiction et le règlement des dommages.

Cet accord est nécessaire pour lutter contre le terrorisme mais il doit être accompagné de moyens supplémentaires. Or, je suis bien placé pour le savoir, le Royaume-Uni peut se montrer décevant quand il doit passer à l'action. À l'automne 2020, j'avais présenté un avis budgétaire sur la situation migratoire dans la Manche et sur l'insuffisante participation du Royaume-Uni sur le sujet. Les autorités britanniques font preuve du même immobilisme lorsqu'il s'agit de faire cesser le déversement d'eaux usées dans la Manche, un scandale écologique. Ma circonscription n'est pas la seule à être concernées par les conséquences considérables de ce déversement, à la fois sur la pêche et sur la qualité de vie des Français qui vivent près de la côte.

Dans le cadre de cet accord, le Royaume-Uni doit rattraper son retard en déployant des agents d'État sur les navires, ce qui n'était pas le cas jusqu'ici. Pour sa part, la France doit augmenter la fréquence de déploiement des EPNAP, notamment lors des pics touristiques.

Même si la mise en place de moyens supplémentaires n'est pas garantie, l'accord est indispensable car il contribue à renforcer la sécurité des passagers. Je vous invite à voter sans réserve en faveur de son approbation. Déjà approuvé par le Parlement britannique, il sera officiellement ratifié par le Royaume-Uni dès la transmission par la France d'une note d'achèvement des procédures.

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