Intervention de Marie-France Lorho

Réunion du mercredi 20 mars 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-France Lorho :

Si nous comprenons l'intention vertueuse de la proposition de loi qui vise à reconnaître et à sanctionner la discrimination capillaire, nous relevons cependant quelques lacunes.

Certaines précisions portent parfois préjudice aux objets qu'elles sont censées soutenir. Ainsi, en énonçant les caractères physiques pouvant faire l'objet de stigmatisation, son article unique peut affaiblir la portée juridique des discriminations en raison de l'aspect physique. La création d'une liste pourrait notamment avoir un effet contre-productif.

Comme l'a dit Claire Hédon lors de son audition, les juges disposent déjà de l'arsenal juridique nécessaire pour sanctionner les atteintes portées aux personnes suivant leurs caractéristiques physiques. La Défenseure des droits a aussi souligné que la proposition de loi lui paraissait contre-productive, puisqu'elle limitait l'interprétation juridique qui pouvait en être faite : elle ne facilitera pas l'accès au recours pour discrimination et risque d'entraîner une dilution, donc un affaiblissement du critère des origines ethniques sous-tendant ces recours. J'entends que tel n'est pas votre objectif.

Pour la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), Olivier Klein a salué votre texte, tout en soulignant que l'arsenal juridique relatif aux discriminations est très complet en France. Il a déploré l'absence de condamnations effectives du phénomène. Il semble donc plus judicieux d'encourager les pouvoirs publics à appliquer la loi, plutôt que d'en créer de nouvelles.

Dans votre exposé des motifs, vous revenez sur les cas de personnes pénalisées pour le port d'une coiffure non conforme au travail. Il semble toutefois que les décisions de la Défenseure des droits ou la jurisprudence permettent d'interpeller les entreprises dont les contrats comporteraient des éléments préjudiciables à la bonne application du droit. Il est apparu qu'il ne revenait pas au législateur de statuer sur cette question.

De la même manière, si j'entends que certaines personnes aient pu se sentir obligées de se lisser les cheveux pour accéder à un emploi, je suis sceptique quant à la nécessité de légiférer sur des questions, qui relèvent de la sensibilité personnelle. Le droit ne peut intervenir a priori, ni le législateur proposer un texte en se fondant sur une hypothétique atteinte au droit.

Enfin, l'exposé des motifs fait référence à des exemples anglo-saxons. La transposition de dispositions américaines dans notre droit soulève des interrogations à bien des égards. Notre appréhension du droit, notamment du droit du travail, n'a rien à voir avec celle des États anglo-saxons. Ces transpositions préventives semblent dénuées de fondement.

Parce que la disposition que vous proposez dans l'article unique semble déjà satisfaite, le groupe Rassemblement national s'abstiendra sur la proposition de loi en commission.

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