Intervention de Marie-Agnès Poussier-Winsback

Réunion du mercredi 20 mars 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Agnès Poussier-Winsback :

Notre droit reconnaît plus d'une vingtaine de critères de discrimination prohibés, tels que l'origine, le sexe, l'apparence physique, le lieu de résidence ou l'orientation sexuelle. Au fil du temps, notre arsenal juridique de lutte contre les discriminations s'est fortement renforcé, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter, même si le risque est de perdre un peu en lisibilité.

Comme législateur, nous devons continuer à œuvrer pour parfaire les dispositifs de lutte contre les discriminations et rendre notre droit plus efficace. Loin d'être anecdotique, cette proposition de loi mérite toute notre attention. Ainsi que l'écrit le Défenseur des droits dans sa décision-cadre n° 2019-205, « si cette question peut paraître futile, la façon dont on porte le poil et le cheveu traduit une époque, une civilisation, ses normes et ses conventions sociales ».

L'inscription de ce texte sur le temps transpartisan témoigne de cette volonté partagée de nous saisir du sujet de la discrimination capillaire. Comme le rappelle encore le Défenseur des droits, « au-delà de la qualification de discrimination, l'injonction faite aux salariés d'altérer la nature de leurs cheveux est également susceptible de porter atteinte au bien-être moral et physique de la personne ». L'usage répété de produits lissants peut, en effet, engendrer des brûlures du cuir chevelu et des lésions ; quant au port prolongé d'extensions ou d'un tissage, il peut causer une alopécie de traction.

Lutter contre la discrimination capillaire est une nécessité : cette proposition de loi permettra-t-elle de le faire efficacement ? L'article unique, en disposant que la discrimination en raison de l'apparence physique comprend « notamment la coupe, la couleur, la longueur ou la texture [des] cheveux », assimile de facto la discrimination capillaire à la discrimination en raison de l'apparence physique, ce qui, en pratique, n'est pas toujours le cas. La discrimination capillaire peut, en effet, être liée à d'autres critères de discrimination prohibés, comme le sexe, la religion ou l'origine.

Ce texte a le mérite de faire entrer dans la loi la question de la discrimination capillaire, mais il n'ouvre pas de droits supplémentaires. On peut, dès lors, s'interroger sur sa plus-value. Par ailleurs, il ne modifie pas la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation du droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, qui détaille elle aussi les différents critères prohibés de discrimination. Nous prêterons une grande attention aux réponses que vous voudrez bien nous apporter, monsieur le rapporteur, pour nous forger un avis plus éclairé sur votre proposition de loi. Je tiens, en tout cas, à vous remercier pour votre travail.

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