Intervention de Lise Magnier

Séance en hémicycle du jeudi 28 mars 2024 à 9h00
Discussion d'une proposition de loi — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLise Magnier :

Je tiens à saluer le rapporteur Olivier Serva pour le travail qu'il a réalisé dans le cadre de la préparation de cette proposition de loi : ses explications, ainsi que les discussions qui ont eu lieu en commission des lois, nous ont confirmé qu'il existait un problème auquel il fallait apporter une solution. L'inscription de ce texte transpartisan à l'ordre du jour montre que s'il n'y a pas nécessairement consensus sur le fond, il y a une volonté commune d'avoir un débat argumenté et réfléchi.

Rappelons qu'en matière de lutte contre les discriminations, le droit s'est considérablement étoffé au cours des années. D'abord principalement abordé par le biais du droit pénal, le cadre juridique a ensuite investi la matière civile, à commencer par le droit du travail. Les sources juridiques de la lutte contre les discriminations sont devenues nombreuses et diverses, conduisant sûrement à une moindre lisibilité du droit positif.

À l'échelle nationale comme à l'échelle européenne, une jurisprudence nourrie permet d'appréhender plus en détail ce droit complexe. En tant que législateurs, notre rôle est de continuer à parfaire les dispositifs de lutte contre toutes les discriminations, et de rendre le droit plus efficace.

Il existe à ce jour plus d'une vingtaine de critères de discrimination sanctionnés par la loi, tels que l'apparence physique, l'état de santé, le handicap, l'orientation sexuelle, l'âge ou les opinions politiques.

La présente proposition de loi vise à préciser que le critère de l'apparence physique concerne « notamment la coupe, la couleur, la longueur ou la texture des cheveux ».

Nous avons plusieurs réserves sur l'efficience de votre proposition de loi.

Avec cette précision, la discrimination capillaire est incluse de facto dans la discrimination en raison de l'apparence physique. En pratique, ce n'est pas toujours le cas : la discrimination capillaire peut être en lien avec d'autres critères de discrimination comme le sexe ou l'origine. Or le rattachement, même sous forme de possibilité, de la discrimination capillaire à la discrimination liée à l'apparence physique, ne doit pas empêcher le juge de motiver autrement la discrimination capillaire, selon le cas d'espèce.

De plus, l'utilisation de l'adverbe « notamment » matérialise l'introduction d'une notion souple. Or, si la précision apportée a le mérite d'introduire la discrimination capillaire en toutes lettres dans la loi, elle n'ouvre pas de droits supplémentaires.

La conjonction de ces deux réserves nous fait craindre que cette proposition de loi ne soit inopérante ou, plus grave, contre-productive, en créant une incertitude juridique. L'appréciation du juge n'est-elle pas, in fine, le meilleur gage d'un rattachement de la discrimination capillaire au critère de discrimination le plus pertinent dans chaque cas d'espèce ?

Je ne doute pas que les débats permettront de mieux appréhender les implications du texte sur notre droit positif.

Pour finir, je renouvelle mes remerciements au rapporteur qui nous permet d'avoir une discussion utile sur ce sujet sérieux, celui de la lutte contre toutes les discriminations.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion