Intervention de Marc Dufumier

Réunion du lundi 18 mars 2024 à 18h30
Commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté alimentaire de la france

Marc Dufumier, professeur honoraire à AgroParisTech, président de la fondation René-Dumont :

C'est le marché mondial qui définit la production de chaque pays. Les Roumains, les Ukrainiens, les Russes sont plus compétitifs pour produire du blé, les Néo-Zélandais pour le lait, les Brésiliens et les Ukrainiens pour le poulet bas de gamme et pour le sucre de betterave, afin de produire de l'éthanol – qui n'est pas une appellation d'origine protégée. Il y a pléthore de nourriture dans le monde. Si certains souffrent de la faim, c'est qu'ils sont trop pauvres. Cela est vrai pour les gens qui fréquentent les Restos du cœur, pour l'habitant des favelas qui désherbait dans les champs et se trouve remplacé par du désherbant, ou pour l'exploitant spécialisé dans le café et le cacao au Cameroun, qui n'arrive pas à acheter une nourriture produite ailleurs.

Les prix sont définis par la compétitivité. Nous n'avons plus aucune filière bas de gamme rentable, d'où la crise au Salon de l'agriculture. C'est pourquoi il faut absolument trouver des solutions.

La balance commerciale extérieure de la France est constituée de vins, de fromages, de spiritueux, de foie gras c'est-à-dire de produits à haute valeur ajoutée. Le bio, qui fait un usage intensif de ce qui ne coûte rien, a pour gros défaut de nécessiter des rotations longues, des assolements diversifiés, de la main-d'œuvre. Cette agriculture est intensive en emplois, ce qui est loin d'être idiot, sauf que si l'on ne rémunère pas le travail et que l'on continue de subventionner en fonction des surfaces, on n'y arrivera pas. Les politiques agricoles, alimentaires et sanitaires sont une seule et même politique, où l'on devrait rémunérer correctement des agriculteurs pour produire de bons produits, avec des services environnementaux d'intérêt général rémunérés par le contribuable. N'en désespérons pas !

Une sécurité sociale alimentaire, comme la sécurité sociale de la santé, reviendrait à ce que nous cotisions tous, pour être rémunérés lorsqu'un malheur nous touche. Soit. Je serais plus réservé dès lors qu'on voudrait profiter de cette sécurité sociale alimentaire pour orienter le choix de l'alimentation : il faut que les gens, même lorsqu'ils se trouvent dans une situation dramatique, aient le choix de se nourrir comme ils veulent.

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