Intervention de Antoine Léaument

Réunion du mercredi 27 mars 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Léaument :

Les masques tombent : le Rassemblement national défend le 49.3. Nous allons, pour notre part, proposer de le supprimer.

En utilisant le 49.3 à répétition pour faire adopter le budget de l'État, Emmanuel Macron fait pire que Louis XVI. Avec cette proposition de loi visant à supprimer le 49.3, nous voulons donc remettre les choses en ordre dans le pays qui doit son drapeau tricolore, son hymne et sa devise – Liberté, Égalité, Fraternité – à une révolution qui s'est faite contre la monarchie.

Ce dont il est question aujourd'hui a à voir avec la naissance de la droite et de la gauche. Laissez-moi vous la raconter : le 28 août 1789, deux jours après l'adoption de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, l'Assemblée doit se prononcer sur le droit de veto du roi, par lequel celui-ci peut s'opposer aux décisions de l'Assemblée. Le président demande à ceux qui y sont favorables de s'installer sur sa droite – où se trouvent aujourd'hui les Républicains et le RN – et à ceux qui y sont opposés de se placer à sa gauche – les Insoumis, les écologistes, les communistes et les socialistes d'aujourd'hui. À droite, l'autorité d'un seul ; à gauche, la souveraineté de tous.

Je crois évident que si la question nous était posée aujourd'hui, nous nous placerions tous à gauche. Pourtant, certains s'apprêtent encore à se placer du mauvais côté de l'Histoire et de la politique.

Nos prédécesseurs ont décidé d'accorder un droit de veto suspensif à Louis XVI, à l'exception des questions budgétaires. En utilisant sans arrêt le 49.3 sur des questions budgétaires, Macron fait donc pire que Louis XVI. En vous proposant de supprimer le 49.3, nous vous invitons à affirmer votre pouvoir de Parlement souverain face à ceux du monarque républicain. Pour nous, Insoumis, cela est bien sûr insuffisant, puisque nous prônons une VIe République, avec une intervention populaire permanente : le référendum d'initiative citoyenne pour proposer ou abroger une loi, ou bien encore la possibilité de dégager en cours de mandat un élu dont on ne serait pas satisfait. Mais ce serait déjà ça, car sans 49.3, pas de retraite à 64 ans ni de coupes budgétaires, pas de coup de force contre le peuple.

Que sommes-nous ? Les paillassons de la volonté d'un seul, ou bien l'expression de la souveraineté du peuple ? L'article 3 de notre Constitution est clair à ce sujet : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice. » Or, quand il fait passer par le 49.3 des réformes dont personne ne veut, Macron s'attribue bien l'exercice de la souveraineté. Nous ne sommes pas d'accord avec ça, car l'article 2 de notre Constitution dispose que le principe de notre République est « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Sommes-nous encore en république quand s'impose le gouvernement d'un seul, sans le peuple et contre lui ? Non. Nous sommes dans autre chose : un système autoritaire que nous appelons « monarchie présidentielle ».

Le 49.3 est peut-être constitutionnel, comme vous vous plaisez à le rappeler, mais il n'est ni démocratique, ni républicain. C'est la raison pour laquelle nous vous proposons de le rendre non constitutionnel, en le supprimant de la Constitution.

Vous pouvez faire honneur à la France républicaine, à son drapeau, à son hymne, à sa devise – mais on voit que le Rassemblement national n'est pas très intéressé par cette idée –et cela très simplement, en votant la suppression du 49.3. Cela demande moins de courage qu'à Mirabeau lançant à l'envoyé du roi : « Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n'en sortirons que par la force des baïonnettes. » Nous tous ici sommes là par la volonté du peuple et il est plus que temps de faire ce qu'il attend de nous : servir loyalement sa volonté. C'est ce que nous ferons, députés insoumis, fidèles à la longue histoire de la patrie républicaine des Français.

Nous avons compris que le Rassemblement national défendait le 49.3 et le 49.1, c'est-à-dire la possibilité pour le Gouvernement de gouverner sans l'assentiment de l'Assemblée ; mais nous, républicains et Français convaincus par cette histoire républicaine, voterons la modification de l'article 49, alinéa 1, et la suppression de l'article 49, alinéa 3.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion