Intervention de Olivier Serva

Séance en hémicycle du lundi 8 avril 2024 à 16h00
Adaptation du droit de la responsabilité civile — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Serva :

Dans la vie, il y a parfois des moments difficiles, mais il y a aussi des moments plus sympathiques : tel est le cas aujourd'hui où l'affaire du coq Maurice s'invite d'une certaine manière dans notre hémicycle ! Cette affaire d'un coq qu'on avait voulu punir pour son chant est sans doute la plus connue, la plus emblématique et la plus médiatisée – elle fut couverte par près de 300 journaux, régionaux et même étrangers – des très nombreux litiges pour troubles anormaux du voisinage examinés chaque année par nos juges.

Chez moi en Guadeloupe, à Bouillante, un livreur de pain accusé de nuisances sonores causées par le klaxon qu'il utilisait pour prévenir sa clientèle de sa présence s'est vu confisquer son véhicule, et, à Sainte-Anne, un temple hindou, installé depuis cent soixante-six ans, a été attaqué en justice par le voisinage pour nuisances sonores.

Il est coutume de dire que vivre à la campagne comporte de très nombreux avantages. Il existe cependant quelques inconvénients qu'il convient que chacun supporte en bonne intelligence. Lorsqu'on s'installe en zone rurale, il faut savoir respecter un certain nombre de valeurs et, en particulier, l'authenticité de ces territoires.

Cependant il arrive de plus en plus fréquemment qu'aucun terrain d'entente ne puisse être trouvé entre voisins ! Derrière l'augmentation du nombre d'actions judiciaires, se profile une confrontation à peine cachée entre le monde rural et le monde urbain. Si l'opposition n'est pas nouvelle, force est de constater que les effets de l'étalement urbain et de l'arrivée de ce que certains appellent les « néoruraux » se font de plus en plus ressentir. Il n'est guère étonnant que cela produise des conflits de voisinage.

Ainsi que notre rapporteure l'a rappelé, le droit en vigueur résulte d'une jurisprudence bien établie et ne sera pas brusquement remis en cause par le texte dont nous discutons. La Cour de cassation a consacré en 1986 l'adage selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal du voisinage ».

Le régime prétorien construit et développé par les juridictions paraît fonctionner correctement depuis près de quarante ans. On pourrait donc estimer que cette proposition de loi n'a qu'une faible valeur ajoutée.

Toutefois, s'il est vrai qu'elle reprend, en tentant de l'adapter, la définition du trouble anormal, c'est-à-dire du trouble qui excède celui qu'on peut normalement attendre et tolérer de ses voisins, elle a le mérite de codifier ce droit pour le sécuriser. La création d'un nouvel article dans le code civil est chose rare et n'a rien d'anodin.

La création d'un nouvel article 1253 du code civil contribuera à harmoniser le droit dans nos territoires en évitant des divergences trop fortes dans le traitement des litiges entre nos concitoyens.

Ce texte constitue aussi une avancée essentielle pour nos agriculteurs. Son principal intérêt réside dans la consécration d'un régime adapté pour les activités agricoles, ce qui fait progresser notre droit. Alors que le monde agricole fait face à de multiples normes et règles et que les exploitants doivent aussi faire attention aux relations de voisinage, les agriculteurs éviteront grâce à ce texte de voir leur responsabilité engagée tant que leur activité se poursuit avec la même intensité ou sans « modification substantielle » depuis l'installation des voisins venant à se plaindre d'un trouble.

Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires souscrit pleinement à cette avancée.

L'objectif n'est pas d'opposer de manière caricaturale campagne et ville mais d'établir un cadre juridique équilibré. Certes, la quiétude est un sentiment précieux, certes, il faut continuer à lutter contre les nuisances sonores, cependant, cette lutte ne doit pas tomber dans l'excès au point de désirer un environnement neutre, épuré de toute trace de vie.

Au-delà de son contenu juridique, cette proposition de loi contient un message politique fort. Elle permet que la loi énonce clairement que, lorsque l'on s'installe à la campagne ou dans tout autre lieu de résidence, on se doit d'en accepter les éléments d'identité quand bien même certains les considéreraient comme des contraintes.

Le groupe LIOT votera donc pour ce texte.

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