Intervention de Gilles Moëc

Réunion du mardi 2 avril 2024 à 16h30
Commission des affaires sociales

Gilles Moëc :

Avant de me présenter, je voudrais moi aussi évoquer la mémoire de Philippe Martin. J'avais énormément de considération pour l'homme et pour l'économiste. C'était un enseignant extrêmement apprécié de ses étudiants ainsi qu'un économiste très fin, très innovant, qui avait toujours le souci de rendre sa recherche accessible et utile à son pays. Ce serait pour moi un honneur supplémentaire que d'avoir à lui succéder.

Je suis très différent de lui, dans la mesure où je ne suis pas un économiste académique mais un praticien de la macroéconomie : j'utilise les outils et les concepts développés par la recherche économique à des fins très pratiques, dans trois domaines d'expertise qui se recoupent largement et recoupent également les travaux du HCFP.

D'abord, je suis un conjoncturiste, c'est-à-dire que je cherche à établir un diagnostic de la situation économique et à en tirer quelques conclusions prudentes pour les mois à venir.

Je suis aussi un analyste de l'impact des politiques économiques, monétaires, budgétaires et structurelles dans leur ensemble.

Ces deux dimensions se retrouvent dans mon troisième domaine d'intervention : depuis plusieurs années, je travaille à l'établissement de prévisions à plus long terme, à deux ou trois ans. Cette tâche suppose évidemment de démarrer par une analyse conjoncturelle, d'intégrer dans un scénario macroéconomique l'impact des décisions politiques, mais aussi d'avoir en tête les forces structurelles de moyen et long terme – par exemple les gains de productivité ou les efforts réalisés en matière de décarbonation de nos économies.

J'ai expérimenté ces trois dimensions dans plusieurs cadres professionnels successifs. J'ai occupé plusieurs emplois d'économiste à la Banque de France, où j'ai démarré ma carrière en 1994. J'y ai notamment cofondé le service d'études sur les finances publiques et j'ai travaillé sur le modèle de prévision économétrique, ce qui m'a conduit à représenter la Banque dans les groupes de travail de la Banque centrale européenne (BCE) sur ces deux sujets. J'ai également occupé, toujours à la Banque de France, plusieurs emplois d'économiste international.

Détaché durant deux ans au département de la conjoncture de l'Insee, j'ai eu l'occasion de rencontrer nombre des membres actuels du Haut Conseil des finances publiques, notamment M. Jean-Luc Tavernier. J'ai aussi pu approfondir ma découverte des méthodes économétriques d'analyse de la conjoncture. J'ai été corédacteur en chef de deux notes de conjoncture de l'Insee en 1997.

Après ces douze années passées dans le service public, je me suis tourné vers le secteur privé en 2006. J'ai occupé des fonctions de chef économiste pour l'Europe au sein de deux banques d'investissement, Deutsche Bank et Bank of America. Depuis 2019, je suis le chef économiste ainsi que le directeur de la recherche de la filiale de gestion d'actifs du groupe Axa. L'analyse de l'investissement responsable entre dans le périmètre de mes fonctions : c'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai cité tout à l'heure l'impact de la décarbonation de l'économie dans les scénarios macroéconomiques de moyen terme.

En dehors de mon activité professionnelle au sens strict, j'ai été enseignant en macroéconomie à l'Institut d'études politiques de Paris et à l'École nationale d'administration (ENA).

Quels sont mes domaines de prédilection ? Encore une fois, je suis un praticien et non un théoricien. La politique monétaire est probablement mon centre d'expertise principal – dix ans dans une banque centrale laissent forcément des séquelles profondes ! Mais j'ai également été amené à m'intéresser de près à la question de l'interaction entre politique monétaire et politique budgétaire lors de la crise dite de la dette souveraine qui a secoué la zone euro à partir de 2010, soulevant la question de l'articulation du policy-mix, ou dosage macroéconomique.

Dans l'exercice de mes fonctions, j'ai été amené à me pencher de plus en plus fréquemment sur la question de l'intégration des efforts de mitigation du réchauffement climatique dans les scénarios macroéconomiques de moyen et long terme.

Enfin, je suis depuis une quinzaine d'années ce que l'on peut appeler un homme de marchés : je suis très sensible à la manière dont les investisseurs, en particulier internationaux, jugent les décisions de politique économique des États membres de l'Union européenne et interprètent les signaux macroéconomiques.

Je ne suis donc pas un spécialiste au sens strict des finances publiques. Les aspects juridiques de ces questions m'échappent largement, mais d'autres membres du Haut Conseil possèdent ce type d'expertise. Encore une fois, je suis un praticien de l'analyse macroéconomique. Cela me paraît cohérent avec ce qui me semble l'une des missions fondamentales du HCFP : juger du réalisme des prévisions macroéconomiques, non pas simplement dans l'ordre national mais en cohérence avec les engagements européens de notre pays.

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