Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du mercredi 17 avril 2024 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, président du Haut Conseil des finances publiques :

Monsieur le rapporteur général, vous avez justement souligné que certains éléments du recul des recettes en 2023 étaient peu prévisibles. Cependant, vous avez observé que quelques éléments pouvaient malgré tout mériter de votre part une réflexion. Ainsi, il était malgré tout envisageable que les recettes de la Crim soient moins élevées que prévu dans une année où la désinflation était déjà à l'œuvre.

Les circonstances demeurent particulières en 2023, j'en conviens, mais après un long débat, nous sommes convenus qu'elles n'étaient pas exceptionnelles au sens de la loi organique.

Vous avez estimé que les dépenses de l'État avaient été bien gérées et je n'ai pas à formuler d'avis à ce sujet. Je me réfère simplement au rapport sur l'exécution du budget, qui indique qu'en effet, les chiffres d'une réduction des dépenses exceptionnelles et d'une croissance des autres dépenses étaient annoncés par le PLF.

En revanche, nous soulignons que ces éléments aboutissent de facto à un effort insuffisant de maîtrise des dépenses, notamment des dépenses structurelles. En effet, malgré une diminution de 28 milliards d'euros des dépenses exceptionnelles, les dépenses de l'État croissent malgré tout d'1 milliard d'euros. Ensuite, l'écart entre le déficit structurel constaté en 2023 et celui établi en LPFP est effectivement de 0,5 point. L'impact méthodologique étant de 0,14 point, l'écart s'établit à 0,36 point, ce qui demeure assez significatif.

Par ailleurs, je vous confirme que nous avons été saisis, assez tardivement, par le Premier ministre de trois revues de dépenses sur l'assurance maladie, sur le financement des collectivités et sur les dispositifs de sortie de crise. Je ne formule pas de jugement sur la répartition des efforts entre les différents types d'administration, mais il est en effet concevable que si l'accent est mis sur la réduction des dépenses, il devrait être alors équitablement partagé. Nos équipes commencent leurs travaux et nous vous demanderons sans doute, monsieur le rapporteur général, d'y contribuer. Nous rendrons ces travaux fin juin et formulerons des propositions très concrètes.

La question de l'injonction paradoxale est en effet intellectuellement très intéressante et nous nous la sommes posée. Notre priorité porte naturellement sur la réduction des déficits, mais encore faut-il qu'elle soit compatible avec les hypothèses établies qui, selon nous, manquent de cohérence. Le chemin était déjà escarpé ; il s'agit désormais d'une pente abrupte. Pour y parvenir, il faut réunir plusieurs conditions, en particulier une gouvernance de la dépense qui, jusqu'à présent, n'a pas été constatée. Les 27 milliards d'euros d'économies prévus pour le budget 2025 ne seront pas sans conséquences sur la prévision de croissance, comme le soulignent les travaux de l'OCDE.

Dans les circonstances actuelles, cela ne semble pas fonctionner. Compte tenu des éléments qui nous ont été présentés, soit les ambitions de croissance sont maintenues et à ce moment-là, nous risquons fort de ne pas atteindre le seuil de 3 % de déficit en 2027 ; soit ce niveau est recherché à tout prix et à ce moment-là, la croissance sera sans doute moindre, ce qui exigera des efforts de dépenses encore plus considérables que ceux qui sont prévus.

Le HCFP ne reproche pas un manque d'ambition au Gouvernement, mais considère que le niveau de réduction des dépenses conduirait à une croissance plus faible. C'est ici que réside le manque de cohérence.

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