Intervention de Jean-François Coulomme

Séance en hémicycle du mardi 30 avril 2024 à 15h00
Confidentialité des consultations des juristes d'entreprise — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-François Coulomme :

Nous discutons aujourd'hui du legal privilege à la française, ou privilège de confidentialité. La proposition de loi gagnerait en sincérité sous la dénomination de « loi du secret des affaires 2.0 ». Ce texte vise en effet l'instauration d'un mécanisme juridique dérogeant au droit commun, par l'attribution d'un superprivilège, au profit des plus grandes entreprises, qui leur permettra de se soustraire à l'action des autorités et de la justice françaises.

En couvrant du sceau de la confidentialité les correspondances, avis et consultations juridiques produites par les juristes d'entreprise au profit de leur direction, ce legal privilege consiste en la création d'un secret professionnel qui ne dit pas son nom, sans aucune garantie – déontologique ou d'indépendance. Le travail des rédacteurs étant, par définition, réalisé au bénéfice de leurs employeurs, il est donc subordonné à la préservation et à la défense des intérêts privés des entreprises qui les emploient.

Derrière ce legal privilège se cachent de graves atteintes aux principes fondamentaux de la justice, à son bon fonctionnement, ainsi qu'aux droits des justiciables. Le groupe LFI – NUPES s'oppose donc fermement à ce texte dangereux pour l'intérêt général autant que pour l'exercice de la puissance publique, et qui n'a fait l'objet d'aucun avis du Conseil d'État. Le Gouvernement l'a inscrit à l'ordre du jour par le biais de sa minorité parlementaire afin, notamment, de s'affranchir d'une étude d'impact. Par le biais de cette motion de rejet, nous proposons de refuser ce texte incongru.

La proposition de loi ne bénéficie qu'à une minorité d'entreprises. Pour qu'une entreprise jouisse du privilège de la confidentialité de ses consultations juridiques, il faut, par définition, qu'elle dispose de juristes d'entreprise, donc d'une direction juridique. Nous nous accorderons tous sur ce point : les entreprises qui disposent d'un service juridique sont une minorité car en disposer suppose des moyens financiers que la majorité d'entre elles n'ont pas. Vous admettrez donc que le texte a été rédigé au profit des grands groupes, qu'il vise à créer un privilège réservé à une catégorie d'entreprises, non applicable aux autres, les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME), comme aux entreprises de taille intermédiaire (ETI).

Il semble nécessaire de rappeler que nous avons été élus pour représenter tous les citoyens et non les intérêts privés de quelques grosses entreprises.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion