Intervention de Claire Hédon

Réunion du mardi 4 octobre 2022 à 17h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Claire Hédon, défenseure des droits :

Mes réponses seront regroupées par thématiques.

S'agissant des difficultés d'accès aux services publics, elles concernent l'ensemble des services (CPAM, CAF, préfecture, CNAV, etc.). Le panel des réclamations s'avère très large et concerne l'ensemble des services publics. Il est impossible de cibler l'endroit où cela va le plus mal, car la situation est très variable dans les territoires.

Quoi qu'il en soit, si la dématérialisation est une chance pour de nombreuses personnes car elle simplifie leur démarche, elle est également source d'exclusion pour d'autres. Lorsqu'on évoque 13 millions de personnes en difficulté avec le numérique, on pense immédiatement aux personnes âgées, aux personnes en situation de handicap, aux précaires, aux personnes étrangères, mais les jeunes sont également concernés. 28 % d'entre eux sont confrontés à des difficultés pour faire des démarches en ligne. Selon moi, il s'avère indispensable de maintenir une double entrée dans les services publics. Le 100 % dématérialisé n'est pas envisageable : la possibilité de déposer des dossiers papier doit être préservée. De la même manière, l'accueil doit être maintenu, car il s'avère indispensable de pouvoir rencontrer un agent de service public et de pouvoir exposer ses difficultés.

Cela me permet d'élargir mon propos à la question qui concerne plus spécifiquement les personnes âgées et leur maintien des droits à la retraite. Nous observons clairement un report de charge vers le monde associatif, vers les éducateurs et les assistantes sociales, vers les proches, etc. Ce qui relevait auparavant du service public, c'est-à-dire le service au public, risque d'être oublié dans un tel contexte.

Pour moi, il ne fait aucun doute que le déploiement des espaces France services constitue une avancée, qui présente toutefois des limites. Une centaine de nos délégués sont présents dans ces espaces. Force est de constater que certains espaces France services parviennent à établir une ligne directe avec des services spécifiques, mais cela n'est pas le cas pour tous, faute d'accès aux logiciels nécessaires. Dans certains endroits, la CAF elle-même (ou d'autres organismes) se trouve en difficulté faute d'agents suffisants.

En ce qui concerne les questions de naturalisation, nous avons rendu un rapport sur les délais. La règle est de rendre une décision dans les six mois, mais certaines personnes restent sans réponse pendant deux ans, trois ans, voire quatre ans.

Vous m'avez interrogée sur les pistes d'amélioration du 3928. Il convient de faire connaître davantage cette ligne (et même l'institution), trop peu connue en dehors du monde institutionnel et des associations. Nous avons besoin de moyens pour développer la communication, pour « aller vers ». Je reviens sur une démarche organisée récemment à Strasbourg visant à répondre à des personnes dans la rue. Nous nous sommes installés place Kléber, avec 25 juristes et 15 délégués territoriaux pour répondre aux questions des passants. Cette initiative nous a également permis d'aller à la rencontre du monde associatif, de faire une conférence à la faculté de droit et à Science Po, ainsi que de rencontrer l'école qui forme les travailleurs sociaux. Ces échanges sont utiles pour nous faire connaître.

Pour nous améliorer, il nous faut plus de moyens. Je pense également que l'État devrait lancer une grande campagne de communication sur les discriminations.

Vos questions ont été nombreuses sur le droit des enfants, qui est l'une de nos préoccupations essentielles. La question des violences sexuelles est bel et bien une préoccupation pour notre institution. Il s'avère normal que nous ayons peu de saisines sur ces questions car les cas sont directement traités par les tribunaux.

Nous pouvons être amenés à observer des auditions qui ne se passent pas dans des conditions correctes, mais nous ne sommes pas saisis directement des questions de violences sexuelles sur mineurs. Nous nous sommes largement prononcés sur ces questions. Nous avons été auditionnés par la commission indépendante sur les abus sexuels dans l'église (CIASE) et la CIIVISE.

Plus globalement, sur les questions de viol, nous sommes confrontés à une impunité totale, avec seulement 1 % de condamnations pour viol. Moi aussi, je suis extrêmement choquée par ce qui se passe. Nous ne pouvons pas faire tout peser sur la victime : certaines d'entre elles ne veulent pas aller devant les tribunaux, car elles jugent cette épreuve trop difficile.

En termes de prévention, la mise en place de cours d'éducation sexuelle à l'école s'avère indispensable. Cela permet de libérer la parole et de faire prendre conscience à l'enfant que ce qu'il vit n'est pas normal. Un rapport fait état d'une effectivité de 15 % de ces cours réalisés en milieu scolaire. Il incombe d'ailleurs au Parlement de s'assurer de l'application des lois. Or, une loi a bel et bien été votée sur le sujet mais, de fait, elle n'est pas appliquée.

Nous intervenons dans les écoles avec nos jeunes ambassadeurs des droits de l'enfant et de la lutte contre les discriminations (JADE). Ces jeunes en service civique ont un âge compris entre 16 et 24 ans et se rendent dans les écoles pour parler de la convention internationale des droits de l'enfant. C'est l'occasion d'une libération de la parole. Nous avons été amenés à mettre en place une cellule de traitement destinée aux JADE afin qu'ils sachent dans quel cas un signalement s'avère nécessaire, mais aussi pour les accompagner, car ils entendent des récits particulièrement inquiétants.

Vous nous avez alertés sur le fait que nous sommes peu saisis sur les questions liées au droit des enfants. J'en suis bien consciente. Il s'avère que nous sommes peu saisis directement par des enfants. La question de la connaissance des droits par les enfants s'avère fondamentale pour que le défenseur des droits puisse être saisi. Il faut absolument qu'une telle institution, qui a été créée pour les plus éloignés du droit et pour faciliter l'accès aux droits, soit plus connue du grand public.

Je ne sais pas si le problème de fond réside dans le fait que les droits des enfants s'avèrent insuffisants ou s'il est lié à une non-application de ces droits. D'après la CIDE, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une boussole. Malheureusement, dans les faits, ce sont plutôt les contraintes budgétaires qui orientent les décisions, comme cela a été le cas sur le sujet de l'accompagnement des personnes en situation de handicap, par exemple.

Sur la question des enfants en danger et de l'accès à un avocat, je laisse la parole à mon adjoint en charge des droits des enfants, qui a un parcours de directeur d'établissement d'éducateurs spécialisés, complémentaire avec les ressources internes de l'institution (magistrats et juges pour enfant).

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion