Intervention de Claire Hédon

Réunion du mardi 4 octobre 2022 à 17h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Claire Hédon, défenseure des droits :

Sur la question des espaces France services, notre rôle n'est pas d'évaluer l'ensemble de ces espaces, même si je suis convaincue qu'il faudrait le faire. Cela demande toutefois d'importants moyens. Ma fonction me permet d'observer ce qui va mal, mais plus difficilement de percevoir ce qui va bien. Toutefois, nos délégués témoignent de l'existence de réelles avancées dans certains espaces France services. La situation dépend du service public concerné – et pas seulement de l'espace France services.

S'agissant du projet de LOPMI, nous avons accepté d'être auditionnés et nous rendrons un avis dès demain au Sénat, dans lequel nous exprimerons nos inquiétudes sur les amendes forfaitaires délictuelles (AFD) et le recours au juge.

Je reviens sur la police : l'enjeu de confiance et d'exemplarité s'avère essentiel. À aucun moment, je ne mets en cause l'ensemble de la police. Je condamne toutefois certains comportements inadmissibles. Sur l'affaire Théo, des poursuites ont été engagées par le ministère de l'Intérieur. S'agissant des autosaisines sur les refus d'obtempérer, nous intervenons dans le cadre de notre rôle de contrôle externe des forces de sécurité. L'enquête menée par nos services n'a pas encore démarré et je ne commente jamais une affaire en cours. Nous souhaitons étudier les conditions dans lesquelles l'usage d'une arme ou de plusieurs armes a été fait et nous nous intéressons également à la formation des policiers. Vous devriez considérer que l'existence d'une autorité indépendante comme la nôtre s'avère intéressante, car elle permet de poser des questions sur l'organisation et l'encadrement. J'insiste sur le fait que la confiance dans la police passe par l'exemplarité.

Je m'attendais à une question sur les contrôles d'identité. En France, nous ne sommes pas en mesure de quantifier le nombre de contrôles d'identité menés chaque année. En Grande-Bretagne, de tels contrôles n'existent pas, puisqu'il n'y a pas de pièces d'identité. Et pourtant, la Grande-Bretagne n'est pas une zone de non-droit ; bien heureusement, des contrôles y sont opérés. La police pratique le « stop and search » : des personnes sont arrêtées dans la rue et la police leur pose un certain nombre de questions, avec possibilité de les fouiller. 780 000 « stop and search » ont été enregistrés en 2021, en sachant qu'il s'agissait d'une année exceptionnelle (autour de 550 000 contrôles annuels habituellement). Je demande une meilleure traçabilité en France. La Cour des comptes a été saisie sur cette question : combien y a-t-il de contrôles ? Pour quelle efficacité ? L'existence des contrôles d'identité discriminatoires est réelle et a été reconnue par le juge. Pour les évaluer, une meilleure traçabilité s'avère nécessaire. J'ai bien conscience du blocage de la police sur ces questions. Pour progresser, une expérimentation visant à contrôler les moyens de traçabilité et à les mesurer mériterait d'être mise en œuvre, au moyen d'un enregistrement sur tablette ou d'une caméra-piéton par exemple.

Je tiens à revenir sur les questions de dématérialisation. Certaines personnes se sentent exclues à cause de ces changements. Elles étaient autonomes avec les administrations jusqu'alors, mais elles ne le sont plus depuis la dématérialisation. Ce problème ne concerne pas uniquement les personnes âgées. Les 90 000 jeunes qui sortent sans classification du système scolaire font le lit de l'illettrisme et des difficultés à utiliser les outils informatiques.

Dans nos préconisations sur la dématérialisation, il faut également réfléchir à un droit à la connexion. Par ailleurs, une connexion à internet ne s'avère pas suffisante pour accéder aux services : il faut avoir un ordinateur et une imprimante et il faut savoir s'en servir. Pour moi, la seule solution est de conserver deux canaux d'entrée : un dématérialisé et un matérialisé.

Vous avez évoqué le cas de Poitiers et nous avions rendu un avis sur la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Le conseil municipal a revoté les subventions et nous serons attentifs aux suites qui y seront données, au titre du respect du droit et des libertés.

Je vous remercie d'avoir posé une question sur nos JADE. Ils ont permis de former 50 000 enfants au droit de la CIDE. Les JADE bénéficient actuellement d'une formation sur trois semaines et nous les formerons une deuxième fois en janvier pendant deux semaines. C'est une grande chance pour eux d'être formés par les juristes de notre siège, qui sont de grande qualité. S'agissant de l'intervention des JADE en EPM, nous envisageons d'organiser des expérimentations ciblées pour déterminer comment ils pourraient intervenir. Lorsque les JADE font remonter des paroles inquiétantes, nous saisissons le procureur si cela s'avère nécessaire.

Concernant les mineurs non accompagnés, je tiens à vous redire que notre curseur, c'est le respect des droits des personnes. Pour ces mineurs, nous sommes frappés par des atteintes aux droits à plusieurs moments : lors de l'arrivée du jeune et son évaluation, lors de sa prise en charge tout au long du parcours, et lors de sa sortie.

Ce curseur du respect du droit pour tous est un fondement indispensable. Cette question ne doit pas monter les populations les unes contre les autres. Le respect des droits de l'enfant doit primer. Les atteintes aux droits, qu'elles concernent les personnes âgées ou les MNA, continueront à me préoccuper autant et je continuerai à prendre la parole sur ces sujets.

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