Intervention de Clara Chassaniol

Réunion du lundi 10 octobre 2022 à 14h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClara Chassaniol, rapporteure :

Après l'adoption de la loi du 11 octobre 2021 permettant la réélection des juges consulaires, le Parlement est de nouveau appelé à examiner, en urgence, une proposition de loi nécessaire au bon déroulement des prochaines élections consulaires. Il s'agit d'assurer la continuité de l'activité des tribunaux de commerce dans une conjoncture économique que l'on sait particulièrement difficile.

La proposition de loi qui nous est soumise, déposée par la sénatrice Nathalie Goulet, vise d'abord à corriger une malfaçon législative. En réformant les élections consulaires, la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, a en effet introduit une incohérence à l'article L. 723-4 du code de commerce. Sont ainsi éligibles les personnes inscrites à la fois sur les listes électorales des chambres de commerce et d'industrie (CCI) et sur celles des chambres des métiers et de l'artisanat (CMA), alors que seule l'inscription à l'un des deux registres devrait être requise, comme le précise d'ailleurs un autre alinéa du même article.

À défaut de correction, l'auteure de la proposition de loi pointe un risque d'invalidation des mandats en cours et la crainte de « la disparition, à bref délai, des tribunaux de commerce ». Pour vous rassurer sur ce point, le risque paraît faible et aucun contentieux n'a été noté lors des dernières élections. Il est néanmoins préférable de réparer cette erreur, ainsi que d'autres plus formelles, avant la tenue des prochaines élections, pour assurer leur sécurité juridique.

La proposition de loi vise en outre à faciliter le recrutement des juges consulaires. L'article 3 propose ainsi de favoriser la mobilité des juges et des anciens juges consulaires désireux de se présenter de nouveau aux élections, en distinguant deux cas de figure : lorsque ces juges et anciens juges sont candidats dans le même tribunal ou dans le ressort d'un tribunal limitrophe, l'obligation de résidence et de domiciliation est levée ; lorsque ces mêmes juges sont candidats en dehors de ces deux ressorts, l'obligation de résidence et de domiciliation est maintenue.

L'objectif est double : d'une part, conserver un vivier de recrutement de qualité en profitant des compétences des juges et anciens juges ; d'autre part, préserver la légitimité des juges consulaires qui est fondée sur leur connaissance du bassin économique local. Ce sujet a donné lieu à de nombreuses discussions avec la Conférence générale des juges consulaires de France et la direction des services judiciaires, ainsi qu'avec mon homologue du Sénat, le rapporteur Thani Mohammed Soilihi, que je remercie pour nos échanges constructifs.

Le texte adopté par la commission des lois du Sénat parvient à une solution équilibrée. Le régime actuel, qui impose la condition de résidence à tous, empêche un juge expérimenté exerçant au tribunal de commerce d'Évry par exemple de renouveler sa candidature dans le même tribunal si sa résidence est établie à Paris. Plus de 300 juges sont confrontés à cet obstacle. Il est donc souhaitable de le lever pour ne pas se priver de juges dont l'expérience est précieuse pour nos juridictions commerciales. Le Sénat a également tenu à préciser l'obligation de résidence lorsque les juges changent totalement de ressort, par exemple au moment de leur retraite, et ce afin de s'assurer de leur rattachement au bassin économique dans lequel ils vont exercer leurs fonctions.

Enfin, l'article 3 élargit le vivier de recrutement des juges consulaires en l'ouvrant aux cadres dirigeants des entreprises. Aux termes de la loi PACTE, ces derniers, qui possèdent des compétences très utiles pour les tribunaux de commerce, sont devenus inéligibles sans que le législateur l'ait souhaité. Il convient donc, pour le bon fonctionnement de la justice commerciale, de rétablir leur éligibilité, dans la mesure où ils représentent environ 40 % des juges en exercice.

L'article 2, relatif à la sanction du refus de siéger par la démission d'office, a été supprimé par la commission des lois du Sénat. Sans nier les difficultés que le refus de siéger pose dans certains tribunaux de commerce, il est souhaitable de limiter la proposition de loi aux corrections qui doivent être apportées impérativement et de manière urgente. En outre, la procédure disciplinaire permet déjà aux chefs de cours de sanctionner le refus de siéger. Je partage donc l'avis du rapporteur du Sénat : il n'est pas opportun d'aborder dans ce texte une question qui mérite d'être approfondie. Je suggère que nous nous y intéressions dans le cadre du projet de loi sur la justice qui devrait être présenté à l'issue des États généraux de la justice.

Les prochaines élections consulaires se tiendront à compter du 21 novembre prochain. Afin de faciliter le recrutement des meilleurs profils et de garantir le fonctionnement optimal de nos juridictions commerciales, il importe donc que cette proposition de loi entre en vigueur très rapidement, d'autant qu'elle recueille la pleine approbation de la Conférence générale des juges consulaires de France et du ministère de la justice. C'est la raison pour laquelle je vous propose d'émettre un vote conforme sur le texte adopté par le Sénat.

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