Intervention de Julie Laernoes

Réunion du mardi 4 octobre 2022 à 17h20
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulie Laernoes :

Depuis le 2 septembre dernier, notre pays est officiellement poursuivi, sur la base du traité sur la charte de l'énergie (TCE), pour avoir voulu réviser ses tarifs de rachat de l'électricité photovoltaïque et mettre un terme à la rémunération excessive de certains investisseurs étrangers. Après l'Espagne, l'Italie et l'Allemagne, c'est donc à notre tour de subir, de façon très concrète, les foudres du TCE. Ce traité, qui date du début des années 1990, permet aux multinationales de poursuivre en justice les gouvernements qui modifient leur politique énergétique si elles estiment leurs intérêts financiers menacés. C'est un traité très nocif, tant pour la transition énergétique que pour la capacité des pouvoirs publics à réguler finement le secteur.

Nous avions l'habitude de voir des multinationales spécialisées dans les énergies fossiles se servir de ce traité afin de poursuivre les États qui adoptaient les mesures climatiques les plus ambitieuses. La loi du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement, dite « loi Hulot », avait ainsi été édulcorée sous la pression du pétrolier Vermilion menaçant d'invoquer le TCE. Désormais, même des multinationales spécialisées dans les énergies renouvelables, peu scrupuleuses, s'en servent pour faire primer leurs profits sur les enjeux climatiques et la bonne gestion de l'argent public. Cette situation ubuesque réduit encore notre capacité à adapter avec précision les politiques énergétiques. Depuis des années, les climatologues, les ONG et les citoyens nous alertent sur les effets délétères et les conséquences dramatiques de ce traité, véritable ennemi de notre souveraineté énergétique. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) a encore récemment alerté sur le rôle nocif de ce dispositif de protection des investissements. Au printemps dernier, plus d'un million de personnes en Europe ont signé une pétition pour en finir avec ce traité qui décourage, ralentit et bloque nos politiques en faveur de la transition énergétique.

Plus de quinze jours après la notification de la procédure d'arbitrage envers notre Nation, nous n'avons encore entendu aucune réaction publique et officielle de votre part. Quelle sera votre position au sein du Conseil de l'Union européenne, puis lors d'une conférence des États signataires convoquée en vue d'une nouvelle modernisation de ce traité prévoyant d'étendre encore plus la protection des investissements privés ? L'Espagne, les Pays-Bas et la Pologne envisagent de se retirer du TCE. Alors que la France vient d'être attaquée pour la première fois sur la base de ce traité, va-t-elle enfin prendre la mesure du danger et endosser cette exigence à l'échelle européenne ? Ou va-t-elle rester aussi silencieuse que lors de la présidence française de l'Union européenne ?

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