La question de la souveraineté est certes complexe mais elle n'est pas seulement une vision du monde et une manière de choisir les termes de notre interdépendance. Elle est également une affaire d'enjeux très matériels et très concrets. La Banque centrale européenne (BCE) travaille sur un projet d'euro numérique, dont nous voyons mal les contours. Au-delà des interrogations sur l'opportunité d'une telle monnaie, cette monnaie – contrairement à ce que pensent les monétaristes et néolibéraux qui ont malheureusement trop d'influence dans l'UE – est un instrument de souveraineté, et même parfois une arme géopolitique. À ce titre, il n'est pas innocent que le président Biden en personne ait pris en main le dossier du dollar digital aux États-Unis.
Je m'étonne du fait que, dans la phase test de cet euro numérique, la BCE ait pu sélectionner sans débat Amazon parmi les entreprises qui font partie des solutions de paiement. Dès lors, tout ou partie des données de paiement serait traité par un des GAFAM, impliquant des risques en matière de souveraineté. Interrogé ici même il y a un an, l'ancien directeur de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) avait répondu qu'il s'agissait d'un scandale, ajoutant que pour un certain nombre de partenaires européens, la notion de souveraineté est un gros mot. Pouvez-vous nous en dire plus sur l'état de ce projet ? Quand le politique sera-t-il saisi ? Entend-on toujours garder Amazon pour tout ou partie de la mise en œuvre de cette euro numérique ? Pouvez-vous nous rassurer sur le fait que nous sortirons finalement de cette aberration ?
Enfin, vous avez parlé du Fonds européen de défense pour l'achat de matériels militaires. Nous savons très bien qu'en l'absence de préférence européenne, les achats se porteront mécaniquement sur des matériels américains. Or l'Allemagne et la France sont en désaccord sur ce sujet. Où en sommes-nous ?