Intervention de Philippe Naillet

Réunion du mardi 11 octobre 2022 à 18h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Naillet :

Nous sommes passés, depuis les réformes engagées en 2018 par Mme Annick Girardin lorsqu'elle était ministre des Outre-mer, d'une solidarité nationale à une solidarité ultramarine. La crainte que nous formulions à l'époque a été confirmée lorsque la majorité gouvernementale a voté la réforme de l'abattement sur l'impôt sur le revenu en Outre-mer pour approvisionner le FEI.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous soulignez les problèmes liés aux délais de paiement qui, après une légère amélioration, s'allongent à nouveau et mettent en difficulté de très nombreuses entreprises. Là encore, les déclarations gouvernementales sont restées vaines, alors que nous avions proposé des solutions de paiement pour les entreprises, notamment via BPIfrance. Les retards de paiement sont un frein au développement des entreprises ultramarines. Le dernier rapport de l'Observatoire des délais de paiement, en 2021, montre que ce délai a augmenté de 2,7 jours entre 2020 et 2021.

Le fret est une contrainte structurelle et, depuis la crise sanitaire et la guerre en Ukraine, un boulet pour les économies ultramarines. C'est un problème pour nos acteurs économiques, mais qui a aussi des conséquences sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Il faut agir pour limiter la flambée du coût des intrants, mais aussi encourager une stratégie de diversification des approvisionnements. Il faut aller plus loin que la protection de la production locale et tendre vers la souveraineté alimentaire, en veillant sur l'augmentation des prix. Il faut aussi des contrôles renforcés pour garantir une saine concurrence.

Le coût de l'énergie est une autre contrainte conjoncturelle, particulièrement pour les entreprises. Je pense à Runéo, acteur de l'eau potable à La Réunion, dont la facture d'électricité a littéralement explosé. Sans adaptation du bouclier tarifaire pour les entreprises ultramarines, une adaptation que nous demandons depuis plusieurs mois, que va-t-il advenir des prix en ce début d'été austral dans les Outre-mer, où 47 % des gens vivent sous le seuil de pauvreté ?

J'en viens à la question du logement. Il n'y a pas de projet de vie ni d'épanouissement possible sans un logement digne. Alors que les demandes de logement augmentent, la baisse de 10 % des crédits de paiement de la LBU est inquiétante. La question du logement en Outre-mer ne sera résolue que lorsque des solutions fortes et innovantes seront mises en œuvre : loi de programmation, maîtrise à coût raisonnable du foncier et de son aménagement, adaptation des normes pour une baisse des coûts de construction. À La Réunion, ce sont 35 000 demandes de logement qui ne sont pas traitées.

Offrir des logements accessibles aux personnes les plus modestes est un enjeu majeur de politique publique. La vie chère étrangle nos familles. On ne peut pas se contenter de dire que l'inflation est moins forte dans les territoires ultramarins que dans l'Hexagone, et la pauvreté, beaucoup plus importante chez nous. Je suis sûr que si je vous proposais de prendre dans l'Hexagone les 37 % de Réunionnais qui vivent sous le seuil de pauvreté et de nous donner vos 6 % d'inflation, vous n'accepteriez pas. En 2021, 150 000 colis d'aide alimentaire y ont été distribués à La Réunion.

À La Réunion, le prix d'une boîte d'œufs a augmenté de 39 % et celui d'une brique de lait, de 20 %. Les prix explosent et le Gouvernement ne semble pas mesurer l'ampleur de la crise. Ce budget, dont la hausse est principalement mécanique, ne permettra pas de répondre efficacement aux urgences et il ne prépare pas l'avenir. Je déplore l'absence de stratégie et de concertation avec les territoires. Nous ne relèverons pas les défis d'aujourd'hui – vie chère, pauvreté, chômage, logement, coût des intrants – avec les réponses d'hier. Sortons des sentiers battus, faisons des réalités de chacune de nos régions, de nos spécificités ultramarines, des atouts géostratégiques, des leviers au service du développement humain et de la réduction des inégalités. Enfin, faisons de nos territoires des terres innovantes pour la protection de la biodiversité et l'adaptation au changement climatique.

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