Intervention de Charlotte Caubel

Réunion du mardi 18 octobre 2022 à 17h15
Commission des affaires sociales

Charlotte Caubel, secrétaire d'État :

Je suis placée auprès de la Première ministre et, à ce titre, je prête une attention particulière à l'ensemble des dossiers relatifs à l'enfance. Un comité interministériel de l'enfance se tiendra en novembre. L'inclusion des enfants en situation de handicap est au cœur de nos préoccupations.

Le nombre de dossiers traités par les maisons départementales des personnes handicapées ne cesse d'augmenter. Les demandes d'AESH ou d'accueil dans un institut médico-éducatif ou un institut thérapeutique, éducatif et pédagogique ont fortement augmenté. Face à cette recrudescence des troubles du neurodéveloppement et du handicap, nous devrons réfléchir à l'accueil de ces enfants mais aussi à l'organisation du temps périscolaire et à l'accompagnement des parents. Les conséquences de la crise sanitaire sont indéniables. Les violences au sein de la famille se sont accrues, ce qui a pu altérer l'équilibre mental des enfants.

Le nombre de places proposées en hébergement d'urgence a augmenté durant le précédent quinquennat. Malgré les efforts, les établissements sont saturés, parce que les flux migratoires ont repris et que nombre d'hôtels ne veulent plus assurer l'hébergement d'urgence. Nous devrons trouver des solutions car il n'est pas acceptable que des enfants dorment dans la rue.

J'en viens au reportage réalisé par « Zone interdite » sur l'ASE, qui a choqué les téléspectateurs. Les élus et les membres du Gouvernement doivent savoir garder de la distance par rapport à des méthodes journalistiques comme l'infiltration ou la mise en parallèle de situations sans rapport les unes avec les autres. Le reportage a été tourné il y a plus de dix-huit mois. Depuis, le Parlement a adopté, le 7 février 2022, la loi relative à la protection des enfants, qui interdit d'ici 2024 le placement à l'hôtel des mineurs et des jeunes majeurs confiés à l'ASE. Ma priorité est de faire appliquer ce texte et le PLF 2023 m'en fournit les moyens. L'État n'est pas seul puisque les départements sont en première ligne.

La loi de 2022 a renforcé la gouvernance de cette politique publique afin de mieux coordonner les acteurs. Je ne suis pas favorable à une recentralisation qui nous prendrait dix ou quinze ans. Pour avoir été directrice de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) au ministère de la justice, je sais très bien quelle administration aurait en charge cette responsabilité mais je ne crois pas que l'État soit le mieux placé pour l'assumer. En revanche, l'État doit renforcer sa présence dans les territoires pour remplir ses propres missions, en garantissant à nos concitoyens l'accès à la santé, à l'éducation et à la justice, en coordonnant l'action publique et en les contrôlant. De toute évidence, les dispositifs de la protection de l'enfance ne l'ont pas été suffisamment.

Il convient également d'améliorer l'attractivité des métiers dans les territoires. C'est vrai, nous avons besoin de dispositifs nationaux et je vous confirme, à cet égard, que les maîtresses de maison, les surveillants de nuit ainsi que les moniteurs-éducateurs bénéficieront des mesures de revalorisation salariale. Cela étant, rien n'empêche un employeur d'augmenter les rémunérations des personnels qui ne seraient pas visés par les accords du Ségur mais qui auraient participé aux efforts de lutte contre la pandémie ! Je l'ai fait lorsque j'étais à la tête de la PJJ. Quant à savoir qui paie, finalement, de l'État ou du département, c'est une autre question. Cette politique est décentralisée et relève donc de la responsabilité des départements.

La loi de 2022 a créé le GIP France Enfance protégée, qui regroupe l'État, les associations et les départements, ces derniers étant les chefs de file de cette politique publique décentralisée. Des dépenses de transition sont prévues mais le PLF 2023 permet de financer les missions assurées par les opérateurs qui rejoignent le GIP. Cette structure est appelée à jouer un rôle de plus en plus important car elle permettra de faire remonter les bonnes pratiques et les difficultés, d'améliorer la transmission des données relatives à la protection de l'enfance ou de faire émerger des idées peut-être plus intelligentes que celles que le Gouvernement pourrait avoir ! Des décrets sont en cours de rédaction. La loi de finances avait alloué aux départements un montant de 50 millions d'euros pour accompagner les jeunes majeurs de moins de 21 ans. Le même montant est prévu dans le PLF 2023. D'autres mesures sont prises pour améliorer l'insertion professionnelle. Nous ne devons pas laisser les jeunes majeurs trois ans de plus, entre 18 et 21 ans, à l'ASE. Les dispositifs d'insertion et d'accompagnement doivent prendre le relais. Je m'y emploie avec Carole Grandjean et Olivier Dussopt.

Cette loi impose de contrôler systématiquement les antécédents judiciaires de tous les professionnels et bénévoles qui interviennent auprès des enfants dans des établissements pour mineurs. La consultation du fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et violentes révèle les condamnations mais aussi les mises en examen. Un outil numérique sera mis à la disposition des employeurs pour faciliter le contrôle lors de l'embauche puis à intervalles réguliers.

Je suis saisie des conclusions de la Ciivise. Le garde des sceaux engagera une réflexion autour de l'autorité parentale. De mon côté, je m'occuperai des plateformes d'accompagnement des professionnels lors des signalements. Nous souhaitons lancer une campagne en mars 2023 pour prévenir les violences, en particulier sexuelles, au sein des familles.

Mme Peyron m'a interrogée sur la contractualisation de la prévention et de la protection de l'enfance entre les départements et l'État. À la fin du précédent quinquennat, elle était en cours. Lors de ma prise de fonctions, au début de l'été, les négociations avec la direction du budget étaient bien engagées. J'ai demandé le maintien de ce qui a été fait et l'ajout de ce qui était en cours. Seules douze collectivités locales ont refusé d'entamer une démarche de contractualisation, qui n'en est pas moins en cours d'élaboration, car l'objectif est d'aller au bout de cette démarche. Certains contrats conclus ont fait l'objet d'avenants.

La contractualisation entre l'État et les départements vit. Elle a une forme d'efficacité. Concentrée sur la protection maternelle et infantile, elle traite aussi du circuit du signalement et du renforcement des directions de la protection de l'enfance. Les départements y ont inclus de nombreux objectifs. Je souhaite qu'elle soit élargie à l'éducation nationale et à l'autorité judiciaire, sans lesquelles la politique de protection de l'enfance est bancale. Par ailleurs, j'ai promis au ministre chargé des comptes publics que nous l'évaluerons pour déterminer comment la faire évoluer en 2023, qui est une année de transition.

Chère Maud Petit, nous nous sommes engagés à ouvrir une unité d'accueil pédiatrique enfants en danger (UAPED) par département. Comme d'autres politiques, celle-ci bénéficie non seulement de crédits de l'action 304, mais aussi des fonds d'intervention régionaux et des crédits mobilisés sur l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. L'augmentation du budget dédié aux UAPED vise à les déployer dans tous les départements et à renforcer les équipes en place. Par ailleurs, le ministère de la justice contribuera à l'équipement vidéo des salles d'audition. Comme l'a annoncé le ministre de la santé et de la prévention à Marseille, nous continuerons à développer les UAPED, avec l'objectif d'atteindre le niveau de la juridiction, dans le cadre d'un travail avec le ministère de l'intérieur, qui met en œuvre le dispositif complémentaire des salles Mélanie.

Dans le cadre du plan de lutte contre les violences faites aux enfants, des fonds sont alloués à la lutte contre la prostitution des mineurs. Nous avons lancé des appels à projets pour renforcer le numéro d'écoute ainsi que les maraudes visant à repérer les jeunes filles, et plus rarement les jeunes garçons, qui se prostituent.

Sur l'attractivité des métiers, la Première ministre a rappelé la nécessité d'une coordination des champs des métiers du social et de l'enfance, ainsi que des démarches entreprises par Sarah El Haïry sur les métiers de l'animation et de celles entreprises par le ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées sur les autres. L'idée est d'avancer tous ensemble et de continuer sur la trajectoire du Ségur, tout en sortant de sa dynamique pour aller vers une augmentation des salaires et un accompagnement du recrutement.

Susciter des vocations s'impose d'autant plus que nos jeunes ne veulent plus s'occuper de nos enfants, alors même qu'il s'agit de l'un des plus beaux métiers du monde. Il faut renforcer les filières, dans les lycées professionnels et au niveau post-bac, et accompagner la formation continue. La contractualisation inclut des fonds dédiés à la formation. Je souhaite que toutes les écoles du champ de l'accompagnement des enfants élaborent ensemble un véritable plan de formation. Comme je l'ai dit dans l'hémicycle, nous renforçons la formation des contrôleurs. Nous pouvons aller plus loin pour partager une culture commune de l'accompagnement des enfants fragiles.

Sur la maltraitance que nous qualifierions d'institutionnelle, ce qui présente l'inconvénient d'en attribuer la responsabilité aux professionnels, je suis de près les deux missions confiées par Jean-Christophe Combe à l'IGAS, au Haut Conseil de la santé publique et à la Conférence nationale de santé sur les maltraitances, couvrant tout le champ des établissements médico-sociaux. Dans l'attente de leurs préconisations, je rappelle qu'il existe un dispositif d'écoute, le 119, qui est aussi destiné aux professionnels constatant des maltraitances dans leur service.

Par ailleurs, il faut aborder ce sujet de façon très particulière. Tous les publics protégés font l'objet d'une approche transversale, mais entendre un enfant suppose aussi une approche spécifique, dans le cadre des contrôles et des dispositions prévues par la loi du 7 février 2022.

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