Intervention de Jean-Louis Bricout

Séance en hémicycle du lundi 31 octobre 2022 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2023 — Écologie développement et mobilité durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bricout :

« Nous exploitons cette planète comme une entreprise en liquidation » : ces mots d'Al Gore, lucides quant à l'urgence de la situation, soulignent combien la crise climatique que nous traversons exige des réponses fortes et immédiates – les derniers événements climatiques nous le rappellent d'ailleurs. Une question s'impose : le projet de loi de finances pour 2023 permettra-t-il à la France de limiter ses émissions de carbone et d'affronter les bouleversements climatiques ? Le doute est permis, malgré des éléments de langage qui voudraient nous faire croire à un verdissement.

Regardons objectivement les choses. Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) ne nie pas certaines avancées : avec 59,6 milliards d'euros, les moyens sont historiquement élevés et devraient mettre fin à la réduction chronique des effectifs du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Toutefois, pouvons-nous nous en contenter ? En dix ans, le ministère a perdu 20 % de ses ETP ; sur le terrain, au sein des parcs nationaux ou de l'ONF, parler d'hémorragie est un euphémisme. À l'heure où nous voulons accélérer le déploiement des énergies renouvelables, nous devons nous assurer que nos administrations disposent des ressources humaines suffisantes ; je pense en particulier aux services déconcentrés présents dans les territoires, au premier rang desquels les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) – nous ferons une proposition en ce sens. Quant à Météo-France, comment espérer que cette agence joue pleinement son rôle de prévision des événements climatiques avec seulement six ETP supplémentaires – sachant que depuis 2016, elle a perdu pas moins de 499 postes ?

Il ne peut y avoir de lutte contre le réchauffement climatique sans préservation de la biodiversité, et rien ne se fera sans les territoires. En la matière, la création d'un fonds vert destiné aux collectivités locales ne suffira pas : ce n'est que de l'habillage, à l'heure où les finances des collectivités territoriales sont percutées par l'inflation et par les attaques du Gouvernement : suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), absence d'indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l'inflation, et suppression de la taxe d'habitation. Nul doute que les capacités d'investissement des collectivités vont s'enrayer.

Nous attendions de ce budget qu'il réalise des efforts pour accroître notre résilience face aux aléas climatiques. Nous en sommes loin, puisque les moyens consacrés au fonds Barnier sont en baisse.

Que dire des ménages français vulnérables et du nécessaire accompagnement des plus fragiles ? Même si le bouclier tarifaire limite la hausse des factures à 15 %, ces ménages éprouveront des difficultés à supporter une telle augmentation. Aussi notre groupe propose-t-il une triple revalorisation des chèques énergie : il s'agit, d'une part, d'augmenter leur valeur faciale pour faire face aux hausses des prix, d'autre part, de les étendre à de nouveaux publics en situation de précarité énergétique, en relevant le plafond d'éligibilité, et, enfin, d'appliquer une modulation selon les zones climatiques. Nous défendrons des amendements en ce sens.

MaPrimeRénov' n'a pas suscité de réels gains énergétiques : l'enjeu reste entier. Cela fait maintenant trois ans que, avec notre collègue Boris Vallaud, nous avons proposé un dispositif présentant plusieurs atouts : favoriser une rénovation globale et performante, renforcer l'accompagnement des dossiers des ménages les plus précaires et surtout introduire un financement innovant assis sur l'assiette globale des travaux, constitué d'une part forfaitaire ayant l'avantage de la simplicité – une « PrimeRénov'+ » en quelque sorte –, tandis que le reste à charge serait financé par une avance remboursable au moment de la mutation du bien, de la vente ou de la succession. Si nous voulons en finir avec les passoires thermiques, monsieur le ministre, je vous invite à remettre cette proposition sur le métier ; je me tiens à votre disposition pour y travailler avec vous. Pour ce qui est de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), je tiens aussi à vous alerter. Trop de dossiers sont en souffrance. Nous demandons que cette agence obtienne des moyens supplémentaires.

Enfin, l'augmentation du bonus constitue un coup de pouce bienvenu pour l'électrification du parc automobile, mais elle ne profitera qu'à ceux qui peuvent se permettre d'acheter un véhicule propre – nous retombons encore dans le problème du reste à charge. Le basculement massif du parc passera par une logique de location, doublée d'un accompagnement social – vous en convenez d'ailleurs, comme en témoigne votre outil de leasing social. Votre proposition est néanmoins trop incertaine, trop floue et trop tardive. Je préconise plutôt une aide personnalisée à la mobilité, sur le modèle de ce qui existe pour le logement : quand on ne peut pas acheter son logement, on le loue ; quand on a des difficultés à louer son logement, on demande des aides publiques, comme l'APL – aide personnalisée au logement. L'aide personnalisée à la mobilité – APM – que nous vous proposons répondrait au même principe pour l'achat d'un véhicule propre. Á la différence du leasing social, elle pourrait être adaptée et modulée au gré de l'évolution des revenus de la personne.

Monsieur le ministre, il n'y a pas de transition écologique sans moyens financiers massifs, sans dispositifs constants et lisibles pour les ménages et les entreprises, ni sans agents sur le terrain. Ces conditions ne nous semblent pas réunies dans le présent budget ; c'est pourquoi notre groupe ne votera pas les crédits de cette mission.

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